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Bienvenue au Canada! (Mais la pleine participation au marché du travail attendra)

Introduction

Chaque année, des milliers de personnes qualifiées arrivent au Canada, prêtes à mettre à profit leur expertise.

Ce que beaucoup imaginent être une simple formalité – la reconnaissance de leur formation, de leurs compétences et de leurs expériences – est en réalité un processus souvent complexe, coûteux et chronophage. Nous avons discuté avec des groupes de travailleuses et travailleurs qualifiés récemment arrivés au pays, qui nous ont fait part de leurs longues attentes, de critères flous, d’un manque d’informations exhaustives sur le marché du travail, ainsi que d’un accompagnement limité.

Notre prochain rapport sur la reconnaissance des titres de compétences étrangers (RTCE) explore en profondeur ces enjeux, du point de vue des personnes concernées. Il met en lumière les lacunes en IMT qui compliquent l’orientation dans le système.

Pourquoi la reconnaissance des titres de compétences étrangers est-elle si complexe?

Pour de nombreuses personnes nouvellement arrivées – qu’elles exercent une profession réglementée ou non –, la reconnaissance des titres de compétences ne se résume pas à de simples formalités administratives : c’est un système décentralisé, souvent déroutant. Loin d’être un processus unique et cohérent, il varie selon la profession, la province et l’organisme de réglementation, ce qui complique encore davantage les démarches initiales.

L’un des principaux défis que nous avons identifiés dans notre recherche concerne l’insuffisance d’informations fournies en amont. Plusieurs personnes rencontrées ont indiqué n’avoir reçu aucun renseignement sur la reconnaissance des titres de compétences étrangers dans les documents remis avant leur départ. Résultat : elles sont arrivées au Canada sans être préparées aux délais, aux coûts et aux exigences administratives auxquels elles allaient être confrontées.

De nombreuses personnes ont du mal à cerner les étapes à suivre, et certaines ont déclaré avoir reçu des indications contradictoires de la part de sources officielles, notamment des organismes de réglementation. En fait, plusieurs nous ont dit s’être tournées vers des réseaux informels – ami·es, proches, groupes communautaires – pour obtenir de l’information, les ressources officielles étant jugées floues, incohérentes ou difficiles d’accès. Ce recours aux réseaux informels souligne le vide laissé par l’absence d’information claire et fiable. Nous analyserons cette lacune en profondeur dans notre prochain rapport.

La reconnaissance des titres de compétences peut être un processus lent et aléatoire. Les exigences changent parfois en cours de route, ce qui oblige les personnes candidates à soumettre des documents additionnels ou à recommencer leur évaluation. L’obligation de fournir les pièces justificatives en personne, des critères d’évaluation vagues et des communications incohérentes entraînent d’autres retards qui nuisent à l’intégration professionnelle. Une participante à notre groupe de discussion nous a confié :

J’aimerais qu’il y ait une meilleure communication entre les services d’évaluation et les personnes candidates. Vous voyez? Des mises à jour plus fréquentes, des renseignements plus clairs… ça réduirait un peu l’incertitude.

— Focus group participant

Comment la complexité de la reconnaissance des étrangers peut-elle affecter les nouveaux arrivants qualifiés et la main-d'œuvre du Canada ?

Les difficultés liées à la reconnaissance des titres de compétences n’entravent pas seulement les trajectoires personnelles, elles limitent la pleine contribution à l’économie canadienne des personnes immigrantes.

Bon nombre de personnes qualifiées découvrent que la reconnaissance de leurs titres prend beaucoup plus de temps que prévu. Ne sachant pas toujours vers qui se tourner, plusieurs se déplacent en personne pour obtenir de l’information, ce qui freine leur intégration. À cela s’ajoutent les coûts imprévus, les vérifications documentaires, voire les réévaluations.

Et les conséquences? Même après des mois d’attente – voire des années dans certains cas –, de nombreuses personnes n’obtiennent toujours pas de réponses claires. Des participants et des participantes à notre étude se questionnaient encore sur l’équivalence de leur formation et de leur expérience avec les normes canadiennes :

C’est ça qui m’a anéantie… À ce stade, j’avais déjà abandonné, parce que, quand le rapport a fini par arriver, deux ans plus tard, on m’a dit que toute ma formation et mon expérience n’étaient pas jugées équivalentes. 

— Focus group participant

Nombre de personnes ont indiqué que ces obstacles avaient retardé leur intégration au marché du travail canadien. Plusieurs ont aussi mentionné avoir accepté des emplois pour lesquels elles étaient surqualifiées – ou dans des secteurs sans lien avec leur champ de compétence –, souvent à des salaires bien inférieurs à ceux habituellement offerts dans leur domaine. Ces compromis, beaucoup d’immigrantes et d’immigrants les ont jugés nécessaires le temps d’obtenir les résultats de leur évaluation, tout en affrontant des coûts imprévus et une information difficile à décrypter.

Les employeurs, eux aussi, en subissent les contrecoups. Alors que de nombreux secteurs au Canada sont touchés par des pénuries de main-d’œuvre, l’inefficacité du processus de reconnaissance prive l’économie d’un bassin de talents essentiel.

Le système de reconnaissance des titres de compétences étrangers vise précisément à faciliter l’intégration de ces professionnelles et professionnels qualifiés. Or, les inefficacités qui le minent en freinent les retombées positives sur la croissance et l’innovation. Le Canada mise activement sur le recrutement international pour renforcer son économie, mais sans un processus de reconnaissance plus clair et mieux coordonné, il continuera d’éprouver des difficultés à intégrer pleinement ces talents.

Améliorer la reconnaissance des compétences, un chantier en cours

Le processus de reconnaissance des titres de compétences présente de nombreux défis, mais cela ne signifie pas qu’il reste immobile. Des efforts concrets sont en cours pour le faire évoluer. Dans le cadre de nos travaux, nous avons recensé plusieurs initiatives de recherche et projets gouvernementaux qui visent à en simplifier l’accès pour les personnes qualifiées formées à l’étranger. Le gouvernement du Canada a d’ailleurs annoncé un financement pouvant atteindre 52 millions de dollars pour soutenir 16 nouveaux projets dans le cadre du programme de reconnaissance des titres de compétence, en mettant l’accent sur les secteurs de la santé et de la construction. Ces initiatives visent à faciliter l’intégration professionnelle de travailleuses et travailleurs formés à l’étranger, et témoignent de l’engagement du Canada à améliorer leur expérience. Elles pourraient également contribuer à atténuer les pénuries de main-d’œuvre dans ces secteurs névralgiques.

Nous saluons les initiatives qui améliorent l’accès à l’information et renforcent la compréhension du processus de reconnaissance des titres de compétences chez les personnes immigrantes qualifiées. Nous encourageons une approche plus cohérente et simplifiée, pour que ce processus ne soit plus un casse-tête administratif, mais une étape claire et balisée vers une intégration réussie au Canada et à son marché du travail.

À suivre : notre rapport complet sur les enjeux de la RTCE.

Les enjeux liés à la reconnaissance des titres de compétences ne sont pas nouveaux, mais les réponses tardent à se concrétiser. Notre prochaine publication plongera au cœur des obstacles auxquels font face les personnes immigrantes qualifiées, notamment en ce qui concerne l’accès à l’information sur le marché du travail (IMT) tout au long du processus de RTCE.

Dans le cadre de cette étude, nous avons échangé avec plusieurs instances fédérales et provinciales qui s’emploient à rendre le système plus clair, plus cohérent et mieux adapté aux réalités vécues par les personnes nouvellement arrivées. Lever les barrières informationnelles constitue une étape essentielle pour transformer durablement les pratiques. Nous faisons entendre ces constats pour nourrir la réflexion collective et soutenir les efforts en cours.

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