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Démystifier le lien entre la hausse du taux directeur, l’inflation et les tensions sur le marché du travail

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Après avoir suspendu les augmentations du taux cible de financement à un jour en janvier, la Banque du Canada a annoncé ce mercredi une nouvelle hausse.

En ajustant le taux cible de financement à un jour, la Banque vise à freiner la demande globale (demande totale de biens et de services), à  assouplir le marché du travail et à ramener l’économie sur la voie d’une croissance stable et prévisible des prix.

Les efforts de la Banque ont cependant été entravés par un ensemble complexe de facteurs mondiaux et nationaux qui sont à l’origine de ce nouveau cycle inflationniste. Parmi ces facteurs figurent les perturbations de la chaîne d’approvisionnement mondiale, l’incertitude géopolitique, la hausse de la demande intérieure et les coûts de production.

L’inflation persistante qui en découle a de réelles conséquences sur la vie des Canadiens et Canadiennes ordinaires.

Les conséquences de près de deux années d’inflation constante sont visibles dans le nombre croissant de Canadiens et de Canadiennes qui n’ont plus les moyens de remplir leur panier d’épicerie, qui voient leur coussin de retraite diminuer de jour en jour et qui font une croix sur leur rêve d’accéder à la propriété.

La bonne nouvelle, c’est que l’indice du GSCPI (Global Supply Chain Pressure Index) de la Réserve fédérale américaine, qui mesure les perturbations de la chaîne d’approvisionnement, a atteint son niveau le plus élevé en décembre 2021 – coïncidant avec le début de la hausse de l’inflation – et a depuis retrouvé ses niveaux d’avant la pandémie. À mesure que les perturbations des approvisionnements étrangers se résorberont, la Banque du Canada pourra utiliser les hausses de taux pour s’attaquer plus efficacement aux moteurs nationaux de l’inflation, tels que la demande globale.

Il sera cependant difficile de juguler l’influence de la tension du marché du travail canadien. Pour faire face à un marché du travail tendu et à la hausse des salaires nominaux, les entreprises du pays ont relayé les coûts des augmentations salariales aux consommateurs en augmentant les prix.

Le défi est d’autant plus complexe pour la Banque du Canada sachantles programmes de soutien gouvernementaux conçus pour atténuer les répercussions des nombreuses pertes d’emplois liées à la pandémie ont contribué à soutenir la demande de biens, alors même que de nombreuses entreprises de services étaient contraintes de fermer leurs portes. Lorsque les mesures de confinement ont été levées, la demande refoulée de services a dépassé la capacité des entreprises à reformer leurs effectifs, ce qui a fait grimper le coût de la main-d’œuvre.

La hausse des salaires augmente les coûts de production des entreprises et les dépenses de consommation dans certains cas, ce qui alimente une spirale prix-salaires : la hausse des salaires fait croître à la fois la consommation et les coûts de production, et stimule ainsi l’inflation. Plus les salaires augmentent, plus l’inflation prend de l’ampleur.

La politique de taux d’intérêt de la Banque du Canada, en augmentant les coûts d’emprunt, a une incidence sur les marchés du travail. Les consommateurs sont moins enclins à contracter des prêts et plus susceptibles de retarder des achats ou des investissements importants, ce qui entraîne une diminution des dépenses de consommation et de la demande.

Les coûts d’emprunts plus élevés découragent également l’investissement et l’expansion des entreprises, ainsi que l’initiative entrepreneuriale, autant de facteurs contribuant au ralentissement de l’activité des entreprises et de la création d’emplois, voire à la suppression d’emplois, en particulier dans les secteurs qui dépendent fortement du crédit, tels que la construction, l’immobilier et l’industrie manufacturière.

La stratégie de la Banque centrale semble porter ses fruits, puisque le marché du travail canadien, bien qu’il demeure-tendu, commence à présenter quelques signes d’assouplissement . Les dernières données sur les postes vacants de Statistique Canada (pour le premier trimestre de 2023) indiquent une diminution sur trois trimestres consécutifs dans chacun de ces secteurs.

L’inflation a grugé la majeure partie des gains salariaux réels résultant de l’augmentation des salaires nominaux. Cependant, selon l’enquête sur la population active et l’enquête sur les postes vacants et les salaires de Statistique Canada, l’augmentation des salaires ralentit.

Les postes vacants, qui ont atteint un pic en mai 2022, ont depuis diminué pour atteindre leur niveau le plus bas depuis juillet 2021. Tandis que le taux de chômage, après avoir frôlé son niveau le plus bas pendant six mois, a augmenté pendant deux mois consécutifs, atteignant 5,4 % en juin.

Les données récentes sur l’emploi révèlent un ralentissement de la croissance des emplois d’été pour les étudiants par rapport aux années précédentes, ce qui indique une diminution de la demande de main-d’œuvre par les entreprises.

Selon ces tendances, et dans la mesure où le nombre de chômeurs par poste vacant est en augmentation, le marché du travail semblent être de moins en moins tendu.

Les effets des politiques monétaires de la Banque du Canada ne se font pas encore pleinement sentir, ainsi les liens entre l’inflation, les taux d’intérêt et le marché du travail continueront d’influencer, encore pour un certain temps, les décisions des Canadiens et Canadiennes en matière de consommation et d’emploi.

Cet article a été initialement publié le 11 juillet 2023 sur National Newswatch (en anglais seulement).

Profile Image - Brittany Feor

Brittany Feor

Économiste principale

Spécialisée en analyse quantitative et en macroéconomie, Brittany Feor contribue à l’accessibilité et à l’analyse de l’information sur le marché du travail.

Headshot of Michael Willcox, LMIC Economist.

Michael Willcox

Économiste

Michael Willcox contribue à l'analyse et au développement de l'information sur le marché du travail au Canada. Il apporte son expérience de l'analyse des politiques et de l'évaluation des programmes, acquise dans le cadre de ses fonctions antérieures dans le secteur public.

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