La main-d’œuvre canadienne se transforme. Le système d’éducation postsecondaire tient-il le rythme?
Aux quatre coins de la planète, le monde du travail évolue à une vitesse sans précédent. Les progrès technologiques, les changements démographiques, la mondialisation et les changements climatiques ne sont que quelques-uns des facteurs qui exacerbent l’incertitude quant au travail dans l’immédiat et pour l’avenir. En effet, les compétences requises pour réussir dans le monde du travail sont elles aussi en train de se transformer.
Face à ces changements, nous avons besoin d’information sur le marché du travail fiable et actuelle afin que les Canadiens puissent prendre les décisions les plus éclairées possible en matière, entre autres, de formation et d’éducation. Malheureusement, une grande partie des renseignements nécessaires n’est pas facilement disponible dans un format accessible à ceux qui en ont le plus besoin.
Bien que de nombreux facteurs influencent les décisions relatives à l’éducation postsecondaire (EPS), les revenus sont l’information la plus recherchée par les étudiants canadiens. Conscients de cette lacune, le Conseil de l’information sur le marché du travail (CIMT) et l’Initiative de recherche sur les politiques de l’éducation (IRPE) se sont associés pour produire, analyser et diffuser largement de l’information qui aidera à prendre des décisions en matière de scolarité et de carrière au Canada. Le mois passé, nous avons publié un rapport qui fait le suivi des revenus en début de carrière de l’ensemble des récents diplômés collégiaux et universitaires de 2011 à 2015, et nous prévoyons mettre ces informations à jour chaque année. Les revenus annuels sont recensés année par année pour une période allant jusqu’à 5 ans après l’obtention du diplôme, pour 6 sanctions d’études, des certificats d’études collégiales aux diplômes universitaires de troisième cycle, et selon 11 domaines par sanction, afin de fournir les informations détaillées nécessaires à la prise de décisions en matière d’éducation postsecondaire.
L’étude souligne qu’en général, les diplômés d’établissements postsecondaires se débrouillent très bien. Les résultats varient par sanction et domaine d’études, mais tous diplômés confondus, les revenus ont augmenté en valeur réelle, passant de 43 100 $ à 59 300 $ en moyenne au cours des 5 ans suivant l’obtention du diplôme, ce qui représente une hausse totale de 38 %, ou un bond remarquable de 8,4 % par année (en valeur réelle).
Par ailleurs, notre tableau de bord interactif permet aux utilisateurs d’explorer facilement les trajectoires de revenus des récents diplômés pour quelque 51 combinaisons de sanctions et domaines d’études, selon leurs besoins et leurs intérêts. Par exemple, on peut facilement constater que les titulaires de certificat d’études collégiales en commerce, gestion et administration publique gagnaient en moyenne 48 800 $ par année cinq ans après l’obtention de leur diplôme, et que les revenus des bacheliers en sciences humaines étaient à peu près les mêmes (48 000 $).
Bien sûr, de nombreuses lacunes subsistent dans les informations relatives aux revenus, notamment pour les populations sous-représentées, comme les autochtones et les personnes handicapées. Les prochaines étapes possibles de notre travail pourraient comprendre la production d’information sur les revenus pour des domaines d’études plus précis ou pour des provinces ou régions données. Une autre orientation envisageable serait de relier les résultats sur le marché du travail aux antécédents familiaux des individus et à leurs expériences de scolarisation avant l’EPS, ou encore, de façon plus ambitieuse mais toujours possible, d’examiner, dans tout le pays, la manière dont les décisions de poursuivre une éducation postsecondaire sont liées à ces facteurs et à d’autres.
Il reste une autre série de points d’interrogation importants dans le domaine de l’éducation et de la formation, à savoir les interactions entre les types de diplômes d’études postsecondaires et les compétences – pendant trop longtemps, nous avons assimilé les deux. En particulier, nous devons mieux comprendre comment les compétences sont acquises au cours de l’éducation postsecondaire pour différentes sanctions d’études et dans certains domaines précis, ainsi que la valeur de ces compétences sur le marché du travail. Mais nous devons également avoir une meilleure idée des exigences des emplois en matière de compétences, de l’évolution de ces compétences dans le temps et du rôle qu’elles jouent, en combinaison avec les sanctions d’études, dans la vie professionnelle des diplômés.
Une meilleure information sur le marché du travail aidera les gens à être mieux renseignés sur les choix qu’ils font concernant leur éducation et leur carrière, ainsi qu’à trouver de meilleurs emplois qui correspondent davantage à leur niveau de compétences et de scolarité. Pour les employeurs, elle facilitera le recrutement de personnel possédant les compétences nécessaires pour faire croître et prospérer leur entreprise. Elle favorisera aussi l’amélioration des programmes par les éducateurs, les responsables de la formation et de l’apprentissage et les professionnels en orientation. Enfin, elle éclairera la tâche des décideurs politiques dans toute une série de domaines et permettra au grand public de mieux comprendre le travail, les compétences et l’école.
Les informations sur les revenus présentées dans ce rapport de recherche conjoint constituent une étape déterminante pour aider les Canadiens à faire de meilleurs choix en matière d’éducation et de formation, des choix qui auront une incidence profonde sur la carrière et la vie de chacun ainsi que sur la prospérité économique du pays et une variété d’autres retombées sociales.
Aujourd’hui plus que jamais, la main-d’œuvre canadienne présente et future a besoin d’information objective, actuelle et précise pour s’y retrouver dans le monde changeant du travail.
Steven Tobin est directeur exécutif du Conseil de l’Information sur le marché du travail (CIMT). Steven assume la direction stratégique et la gestion d’ensemble du CIMT. Il est appuyé par le conseil d’administration et renseigné par les deux comités consultatifs du CIMT.
Ross Finnie est directeur à l’Institut de recherche sur les politiques de l’éducation et est professeur agrégé à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa. Ross.Finnie@uOttawa.ca