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Août 2024

La réussite des réfugiés sur le marché du travail canadien : besoins et lacunes en matière d’IMT

Les réfugiés sont confrontés à de nombreux obstacles qui les empêchent d’accéder aux informations sur le marché du travail. Le CIMT s’est entretenu avec 25 réfugiés afghans pour connaître leurs expériences et leurs recommandations.

Illustration par Dorothy Leung pour le CIMT.

Accueil > La réussite des réfugiés…

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Introduction

L’accès à l’information sur le marché du travail (IMT) joue un rôle déterminant dans les résultats d’emploi des individus. Cette information leur permet de prendre des décisions éclairées et des mesures susceptibles d’améliorer leurs trajectoires éducatives et professionnelles. Cependant, il semble que l’accès à une IMT pertinente constitue un défi de taille pour les réfugiés qui se réinstallent au Canada. 

Malgré les efforts déployés par les gouvernements fédéral et provinciaux pour relever ces défis, notamment au moyen de divers programmes visant à faciliter l’intégration économique, les réfugiés continuent de se heurter à d’importants obstacles les empêchant d’obtenir l’IMT dont ils ont besoin. 

Afin de mieux comprendre le contexte de l’IMT pour les réfugiés entrant au Canada et d’évaluer l’efficacité des initiatives et programmes existants pour faciliter leur intégration au marché du travail canadien, nous avons parlé à 25 personnes originaires d’Afghanistan qui ont demandé l’asile au Canada en 2021. Nous avons recueilli leurs témoignages directs sur l’accès à l’IMT à travers les services d’emploi et d’établissement, ainsi que sur les circonstances de leurs premières années au Canada. Nous avons utilisé ces informations pour élaborer une étude de cas sur l’expérience des réfugiés en matière d’IMT, mettant en lumière les besoins, les lacunes, les obstacles et les possibilités qu’ils ont relevés. 

Ce rapport résume nos connaissances sur les expériences des réfugiés sur le marché du travail au Canada et inclut l’étude de cas.

Notre étude de cas a permis de dégager plusieurs constats importants :

Les réfugiés ne reçoivent pas d’IMT avant leur arrivée au Canada, en que ce soit l’un de leurs principaux besoins d’information.

À leur arrivée, les réfugiés reçoivent des informations utiles sur l’établissement et l’intégration, mais aucune IMT.

Au cours de leur processus d’établissement et d’intégration, les réfugiés qui arrivent au Canada reçoivent de l’IMT trop rudimentaire pour être utile au moment de se lancer sur le marché du travail canadien. Plus particulièrement, les services d’établissement ne répondent pas aux besoins ; les aides axées sur l’emploi ne sont pas suffisamment dynamiques ou réactives ; les réfugiés sont orientés vers des emplois qui ne correspondent pas à leurs compétences ou à leur expérience professionnelle ; et les réfugiés sont souvent poussés vers des « emplois de survie » par les organismes d’aide à l’établissement. Par conséquent, la plupart d’entre eux s’appuient sur des connaissances informelles et des réseaux personnels pour trouver un emploi qui corresponde mieux à leurs compétences et à leur éducation.

Le système complexe et obscur de reconnaissance des diplômes étrangers au Canada constitue un obstacle à l’obtention d’un emploi satisfaisant pour les réfugiés. Nombre d’entre eux ne savent pas comment faire évaluer leur diplôme ou leurs titres de compétences professionnelles.

Des obstacles importants entravent la participation aux programmes de formation aux langues officielles, notamment de longs délais d’attente et l’inaccessibilité pour les personnes ayant un emploi du temps peu flexible. De plus, les cours proposés sont souvent trop élémentaires pour répondre à l’ensemble des besoins et des aptitudes des réfugiés.

Recommandations des réfugiés afghans pour améliorer l’IMT

Au cours de nos entretiens qualitatifs auprès des réfugiés afghans, plusieurs participants ont formulé des recommandations visant à améliorer les services d’IMT et d’intégration au marché du travail. Voici quelques-unes de leurs recommandations mises en évidence dans ce rapport :

    Le Canada devrait offrir des séances d’IMT sur mesure aux nouveaux arrivants dès leur arrivée, garantissant ainsi que les informations fournies sont à jour et pertinentes.

    Les services d’établissement devraient mettre en place un programme officiel d’entraide entre les nouveaux arrivants, favorisant ainsi l’échange d’informations et d’expériences.

    Le Canada devrait solliciter directement l’avis des nouveaux arrivants sur le système de reconnaissance des titres de compétences étrangers.

    Il devrait y avoir d’autres options que le programme de formation linguistique uniforme du Canada pour les nouveaux arrivants.

    PARTIE 1 : Les réfugiés et le marché du travail canadien

    Les réfugiés doivent trouver un emploi pour faciliter leur intégration économique et sociale

    Le monde est actuellement le théâtre des plus importants déplacements humains jamais enregistrés, le nombre de personnes déplacées de force ayant doublé au cours des 10 dernières années.

    Selon un rapport du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) publié en 2022, une personne sur 95 dans le monde a fui son pays, cherchant refuge au-delà des frontières internationales pour échapper à la persécution, aux conflits, à la violence, aux violations des droits de la personne ou aux catastrophes environnementales. Cette tendance mondiale a atteint une ampleur sans précédent, avec un total de 31,7 millions de réfugiés et demandeurs d’asile transnationaux à la fin de l’année 2021 (HCR, 2022).

    Les personnes déplacées ont souvent connu des situations extrêmes, telles que la guerre civile, la persécution (liée à la religion, au sexe ou à l’appartenance ethnique) ou une catastrophe écologique. La fréquence accrue de ces situations contraint un nombre toujours plus grand de personnes à franchir les frontières internationales (Bose, 2022).1

    Le gouvernement du Canada reconnaît ces difficultés et s’est positionné comme un chef de file mondial de la réinstallation et de l’intégration des réfugiés (Coleman, 2020). À ce titre, il offre aux réfugiés plusieurs voies d’accès à son territoire.2

    Depuis 1980, le Canada a accueilli plus d’un million de réfugiés (HCR, 2024). En 2018, plus de réfugiés par million de résidents se sont réinstallés au Canada que dans tout autre pays (Radford & Connor, 2019). Entre 2022 et 2023, le Canada s’est engagé à réinstaller 10 000 réfugiés d’Afrique et 8 000 réfugiés du Moyen-Orient (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC], 2024a). De plus, en 2023, le Canada a annoncé son intention de tenir sa promesse d’accueillir et de réinstaller plus de 40 000 réfugiés afghans d’ici à la fin de 2024.

    Bien que les réfugiés arrivant au Canada ne soient pas sélectionnés pour des raisons économiques et puissent parfois recevoir une aide financière dans le cadre du programme d’aide au rétablissement (PAR) pendant une période pouvant aller jusqu’à un an, ils ont généralement besoin de trouver un emploi pour s’intégrer à la vie économique et sociale de leur pays d’accueil.

    L’importance d’un emploi valorisant en tant que composante essentielle du succès de l’installation des réfugiés a été relevée par de nombreux chercheurs (Arthur et al., 2023 ; Hess et al., 2019 ; Fedrigo et al., 2023).

    Pour les réfugiés, comme pour toute personne, l’importance d’un emploi valorisant va au-delà des simples occasions d’emploi et inclut la perspective de trouver un travail satisfaisant qui corresponde à leurs compétences et à leurs aspirations personnelles et professionnelles.3

    Des chercheurs de diverses disciplines, ainsi que des avocats et d’autres experts, soutiennent que l’accompagnement des réfugiés dans leur intégration aux marchés du travail locaux revêt une importance capitale pour favoriser la participation sociale et économique (Zacher, 2019). Ce soutien ne se limite pas à guider les réfugiés vers une autonomie économique leur permettant de maintenir un niveau de vie adéquat, mais il encourage également le développement d’un sentiment d’utilité, de structure, d’identité et d’appartenance (Fedrigo et al., 2023). De plus, il contribue à améliorer les résultats en matière de santé physique et mentale (Dowling et al., 2022).

    Les réfugiés connaissent un écart important en matière d’emploi et de salaire par rapport aux autres groupes de migrants

    Partout dans le monde, les réfugiés figurent parmi les groupes d’immigrants les plus vulnérables, leur intégration économique et civique dans les pays où ils se réinstallent étant parsemée d’embûches (Martén et al., 2019). Cela contribue à creuser ce qu’on appelle le « fossé des réfugiés », c’est-à-dire l’écart en matière d’emploi et de salaire qui sépare les revenus des réfugiés de ceux des autres groupes de migrants (Connor, 2010).  

    Selon Arthur et al. (2023), même lorsqu’ils ont le droit de travailler sans restriction, les résultats des réfugiés sur le marché du travail sont inférieurs à ceux d’autres groupes dans le monde parce que « beaucoup restent coincés dans des emplois de débutants, précaires et mal payés, se trouvant au dernier échelon de la hiérarchie professionnelle ». Il s’agit « d’emplois dits de survie… [avec] des possibilités d’avancement limitées… peu de temps pour la formation et le développement, et des emplois qui ne correspondent pas aux compétences et à l’expérience des travailleurs réfugiés » (Arthur et al., 2023). 

    De plus en plus de données empiriques montrent qu’à l’échelle mondiale, les réfugiés mettent beaucoup plus de temps à trouver leur premier emploi que les membres d’autres groupes de migrants. Le risque que les réfugiés quittent leur premier emploi et se retrouvent au chômage ou aient recours aux programmes d’aide sociale est également beaucoup plus élevé (Arendt, 2022).  

    Par exemple, Dumont et al. ont mené en 2016 une évaluation des réfugiés sur le marché du travail dans les États membres de l’Union européenne (un projet soutenu par l’Organisation de coopération et de développement économiques et la Commission européenne). Le rapport cite de nombreuses preuves qui confirment que les réfugiés font partie des populations les plus vulnérables lorsqu’il s’agit de s’intégrer au marché du travail.  

    Selon Dumont et al. (2016), après 15 à 19 ans dans le pays d’accueil, les réfugiés atteignent généralement des taux d’emploi comparables à ceux des personnes nées dans le pays. Les auteurs examinent les différents facteurs qui contribuent à cette situation, notamment les pénuries potentielles de capital humain particulier, telles que la maîtrise de la langue, les compétences reconnues et les diplômes. Par ailleurs, des facteurs tels que l’inadéquation des compétences et la discrimination entravent la réalisation du véritable potentiel de certains groupes de migrants, y compris les réfugiés, sur le marché du travail.

    Pourquoi existe-t-il un « fossé des réfugiés » sur le marché du travail ?

    Les réfugiés rencontrent dénormes obstacles tout au long de leur parcours dinstallation. Leur intégration sur le marché du travail est lune de leurs préoccupations les plus urgentes. Cette difficulté daccès au marché du travail est appelée « fossé des réfugiés » et a été attribuée à plusieurs facteurs (examinés ci-dessous).

    Pour les réfugiés, la sécurité et la protection sont souvent plus importantes que les perspectives économiques

    L’autosélection joue un rôle crucial dans l’explication des résultats disparates des réfugiés sur le marché du travail (par rapport aux résultats d’autres groupes de migrants). Il s’agit du principe selon lequel les individus font des choix en fonction de leurs caractéristiques, de leurs préférences et des circonstances. Dans le contexte des réfugiés et autres migrants, cela signifie que la décision de migrer, le choix de la destination et le moment de la migration sont influencés par une série de facteurs liés à l’individu et à sa situation, tels que l’éducation, les compétences, la maîtrise de la langue et les ressources personnelles. 

    Les migrants économiques (ceux qui migrent principalement pour des raisons économiques) sont susceptibles de choisir une destination en fonction des avantages économiques potentiels, tels qu’un capital humain plus élevé ou plus transférable, des possibilités d’emploi, des salaires et des avantages sociaux. Cette approche dans le choix de la destination est moins pertinente pour les réfugiés, pour qui la sûreté, la sécurité et la protection sont des considérations plus importantes dans la décision de migrer (Lens et al., 2019).

    Les taux élevés d’exposition aux traumatismes influencent les résultats sur le marché du travail

    Un grand nombre de réfugiés ont vécu des conflits violents, la torture et d’autres expériences traumatisantes. 

    Les recherches indiquent que la prévalence de l’exposition aux traumatismes parmi les populations réfugiées varie considérablement, allant de 5 % à 67 %, selon l’origine du groupe de réfugiés (Ellis et al., 2019). De nombreuses études ont démontré les profondes répercussions des traumatismes sur les personnes concernées (voir Mauritz, et al. 2013 ; Knipscheer, et al. 2015). 

    Ellis et al. (2019) ont mené une étude auprès de 353 réfugiés de diverses origines ethniques dans une clinique néerlandaise pour réfugiés. Parmi les participants, 37 % ont déclaré avoir subi des actes de torture, 37 % ont déclaré avoir vécu une expérience de mort imminente et 35 % ont déclaré qu’un ami ou un membre de leur famille avait été tué. De même, comme l’indiquent Ellis et al., (2019) dans une étude portant sur les réfugiés albanais du Kosovo, environ 67 % d’entre eux ont déclaré avoir été privés d’eau et de nourriture, 67 % ont vécu des situations de combat et 62 % ont déclaré avoir survécu à une situation où ils ont frôlé la mort. 

    Ces résultats témoignent du grand nombre de réfugiés ayant subi des traumatismes et des expériences dévastatrices (Ellis et al., 2019). Les taux élevés d’exposition aux traumatismes, la détresse psychologique et les problèmes de santé qui en découlent, et le stress considérable que représente la réinstallation, ont tous une incidence avérée sur la situation des réfugiés sur le marché de l’emploi.

    Nous ne savons pas si nous tirons pleinement parti des compétences et de l’éducation des réfugiés

    Le marché du travail canadien subit d’importants changements. Il est soumis à la pression de la pénurie d’emplois dans certaines professions, des postes inoccupés dans d’autres secteurs, des taux d’inflation élevés et de la reprise économique qui se poursuit depuis la crise de la COVID-19. 

    On ignore encore dans quelle mesure le gouvernement du Canada tire parti des compétences et de l’éducation des réfugiés (obtenues dans le cadre d’une formation à l’étranger) pour faciliter leur entrée et leur intégration sur le marché du travail. Cette question a retenu l’attention des chercheurs et des analystes politiques.

    Nous ne disposons pas de suffisamment d’informations sur le recours à l’IMT par les réfugiés

    Les données sur la façon dont les réfugiés accèdent à l’IMT pour faciliter leurs premières démarches sur le marché de l’emploi canadien sont limitées.  

    Il existe de nombreuses recherches sur l’intégration des réfugiés au marché du travail, mais elles sont de nature générale. La plupart des chercheurs s’accordent sur la nécessité de mener des recherches plus approfondies afin de clarifier et de mieux expliquer les différentes dynamiques intersectionnelles de l’accès des réfugiés à l’économie canadienne.

    Le type de programme par lequel un réfugié entre au Canada peut avoir une incidence sur ses résultats sur le marché du travail.

    Il existe une relation documentée entre le programme par lequel un réfugié arrive et sa trajectoire sur le marché du travail au Canada (Kaida et al., 2020 ; Ellis & Triandafyllidou, 2023).  

    Le gouvernement canadien a mis en place trois programmes de parrainage dans le cadre desquels les réfugiés peuvent demander l’asile au Canada :  

    • Programme des réfugiés pris en charge par le gouvernement (RPG) 
    • Programme de parrainage privé des réfugiés (PPPR) 
    • Programme mixte des réfugiés désignés par un bureau des visas (RDBV) 

    À leur arrivée ou plus tard (lorsqu’ils sont au Canada), les demandeurs d’asile peuvent également utiliser le Programme d’asile au Canada (Ellis & Triandafyllidou, 2023 ; IRCC, 2024b).

    L’accès à l’IMT varie considérablement en fonction du programme par lequel le réfugié arrive au Canada

    La recherche montre que « durant la première année suivant leur arrivée, les demandeurs d’asile qui avaient présenté une demande de protection au Canada dans le cadre du Programme d’asile au Canada avaient les revenus les plus élevés par rapport aux réfugiés parrainés par le gouvernement et par le secteur privé. Toutefois, après 10 ans, les réfugiés parrainés par des répondants privés affichaient les revenus les plus élevés par rapport aux deux autres groupes » (Ellis & Triandafyllidou, 2023, p. 104). 

    Les RPG rencontrent davantage d’obstacles à l’intégration sur le marché du travail que les réfugiés parrainés par des groupes privés. Ils ont tendance à avoir un niveau d’éducation formelle plus faible en raison des déplacements et du temps passé dans les camps de réfugiés. Ils sont également moins susceptibles de parler couramment l’anglais ou le français (Picot et al., 2019). 

    Les réfugiés qui arrivent par la voie des programmes RPG et PPPR sont soutenus par le programme d’aide à la réinstallation du gouvernement fédéral. Cependant, les demandeurs du Programme d’asile au Canada sont exclus de la plupart des programmes financés par le gouvernement fédéral, tels que les cours de langue.

    Les réfugiés s’appuient sur des réseaux informels pour combler les lacunes en matière d’IMT

    En raison de cette cet accès inégal au soutien, les réfugiés et demandeurs d’asile au Canada s’appuient sur les contacts de leurs réseaux informels, tels que les amis et la famille, pour obtenir des informations sur les possibilités d’emploi. 

    Senthanar et al. (2021) ont examiné les expériences d’intégration professionnelle des réfugiées syriennes au Canada à travers quatre voies d’immigration pour les réfugiés (RPG, PPPR, RDBV et Programme d’asile au Canada) et ont constaté que les différences entre les voies d’accès liées à l’admissibilité et à l’accès à diverses mesures de soutien peuvent faciliter ou entraver l’exposition à l’IMT et l’entrée sur le marché du travail. 

    L’une des principales conclusions est que les femmes qui arrivent par les programmes PPPR et RDBV ont de meilleures compétences linguistiques, un niveau d’éducation plus élevé et une plus grande expérience professionnelle que les femmes du RPG, ce qui les aide à tirer parti de leurs connaissances et de leurs réseaux sociaux pour accéder à l’emploi (Senthanar et al., 2021, p. 585).

    L’expérience antérieure de recherche d’emploi est une compétence sur laquelle certains réfugiés comptent pour trouver du travail

    Les parrains privés au Canada apportent généralement leur soutien en assumant la responsabilité financière totale ou partielle des réfugiés parrainés. Ils peuvent également les aider à trouver du travail (bien que ce travail soit souvent peu spécialisé, mal rémunéré ou précaire par nature). De leur côté, les femmes du RPG se débrouillent généralement seules dans le système de l’emploi, en faisant appel à des contacts personnels ou à des services d’établissement (Neupane, 2012). 

    Bien que des études canadiennes se soient penchées sur cet aspect de l’expérience des réfugiés, il reste encore beaucoup à faire pour mieux comprendre la relation entre les flux de réfugiés et la disparité d’accès à l’IMT. De plus, le recoupement des facteurs liés au genre, à l’origine ethnique et à la classe sociale pourrait offrir des perspectives importantes sur la dynamique intersectionnelle de l’accès des réfugiés aux IMT à travers divers programmes.

    Le Canada s’engage à mettre en place des passerelles vers l’emploi pour les réfugiés qualifiés

    Le Canada compte sur les nouveaux arrivants pour stimuler sa croissance démographique et économique (Ellis & Triandafyllidou, 2023). Cependant, les programmes de réfugiés du Canada témoignent d’un engagement à fournir un refuge sûr aux personnes qui fuient les conflits violents. 

    Bien qu’ils ne soient pas contradictoires, ces deux objectifs sont de plus en plus souvent – et de manière problématique – confondus, les programmes pour les réfugiés étant de plus en plus souvent associés à la responsabilité du gouvernement de remédier aux pénuries de main-d’œuvre (IRCC, 2024a). 

    Le programme d’aide à la réinstallation du Canada fait partie du plan d’immigration du pays, comme stipulé dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. La loi vise à « promouvoir l’intégration des résidents permanents au Canada, compte tenu du fait que cette intégration suppose des obligations pour les nouveaux arrivants et pour la société canadienne » (IRCC, 2024c). 

    Le programme d’aide à la réinstallation est un projet collaboratif. Les partenaires contributeurs incluent IRCC, d’autres ministères fédéraux (comme Emploi et Développement social Canada [EDSC]), les provinces et territoires, diverses municipalités et d’autres organisations à travers le pays. 

    Le rôle principal d’IRCC est de faciliter le processus de demande et d’approbation et de fournir un soutien financier aux actionnaires, tels que les organismes d’aide à l’établissement. Ces organismes offrent aux réfugiés, aux demandeurs d’asile et aux nouveaux immigrants au Canada toute une gamme de services, notamment en matière de logement, de finances, d’emploi, de langue et de services sociaux. 

    Le gouvernement fédéral canadien a donné la priorité à l’indépendance économique et à l’intégration des réfugiés à travers plusieurs initiatives (Ellis & Triandafyllidou, 2023) : 

    • De 2019 à 2020, IRCC s’est engagé à explorer des moyens productifs pour attirer et retenir les talents du monde entier afin de répondre aux besoins du marché du travail. En particulier, l’objectif est de créer de nouvelles voies pour que les réfugiés qualifiés obtiennent la résidence permanente (IRCC, 2023a). 
    • Pour répondre aux demandes du marché du travail canadien, le gouvernement fédéral a adopté des politiques visant à tirer parti des compétences et de l’éducation que les réfugiés ont acquises avant de s’installer au Canada.  

    Pourtant, il n’est pas clair dans quelle mesure les objectifs déclarés par le gouvernement correspondent à la capacité des réfugiés d’accéder à des informations sur le marché du travail qui pourraient les aider à convertir leur éducation et leur expérience professionnelle antérieures en possibilités d’emploi au Canada. 

    Nous décrivons ci-dessous trois programmes gouvernementaux conçus pour renforcer cet alignement et fournissons des informations sur l’accès des réfugiés à ces programmes et sur leur expérience avec ceux-ci.

    Trois programmes fédéraux visent à faire correspondre les compétences des réfugiés aux besoins du marché du travail canadien.

    Le gouvernement fédéral a mis en place plusieurs programmes visant à améliorer le rapport entre l’offre et la demande (dans certains secteurs de l’économie) et les compétences des nouveaux arrivants.

    Stratégie d’emploi ciblée pour les nouveaux arrivants

    En 2017, la Stratégie d’emploi ciblée pour les nouveaux arrivants a été lancée. Elle comprend un soutien avant l’arrivée, des prêts pour les processus de reconnaissance des titres de compétences étrangers et de l’aide pour acquérir une expérience professionnelle au Canada dans un domaine lié à la profession du nouvel arrivant (Brosseau, 2020).

    Services d’établissement avant l’arrivée

    Les services d’établissement avant l’arrivée visent à aider les demandeurs étrangers à entamer le processus de reconnaissance des titres de compétences. Bien que la recherche sur les résultats de ce programme soit limitée, les études disponibles indiquent que de nombreux immigrants potentiels ignorent l’existence de ce programme (IRCC, 2018).  

    Pourtant, le programme existe depuis 1998. Il vise à aligner les compétences des réfugiés avec les processus d’intégration au marché du travail et comprend une assistance gratuite, en personne ou en ligne, pour les personnes résidant à l’étranger qui préparent leur installation au Canada (IRCC, 2018). 

    Selon IRCC (2018), les utilisateurs du programme ont la possibilité d’obtenir de l’aide pour l’évaluation des diplômes, la mise en relation avec des employeurs et la recherche d’informations sur les agences de services d’établissement. 

    Plus précisément, « les services avant l’arrivée destinés aux réfugiés sont offerts dans le cadre du programme Orientation canadienne à l’étranger (OCE), qui est offert par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et comprend une séance d’orientation en personne de 3 ou 5 jours » (IRCC, 2018). 

    Peu d’études ont été réalisées sur l’efficacité des services préalables à l’arrivée à aider les réfugiés dans leur processus d’intégration sur le marché du travail. Toutefois, une étude a constaté que les nouveaux arrivants qui ont eu recours à ces services pour trouver du travail, mais qui ont également eu du mal à naviguer sur les sites Internet consacrés à l’emploi, ont eu de moins bons résultats sur le marché du travail après leur arrivée que les personnes qui n’ont utilisé que les services d’établissement pour trouver un emploi (Monteiro, 2022). Les services préalables à l’arrivée pourraient donc être plus efficaces pour les personnes ayant les compétences technologiques nécessaires pour utiliser les médias numériques. 

    La même étude a noté que, bien que les utilisateurs des services d’IRCC avant l’arrivée aient indiqué que les informations fournies étaient utiles à leur transition vers le marché du travail, très peu de données empiriques démontrent leur effet sur les résultats sur le marché du travail (Monteiro, 2022).  

    Des études indiquent par ailleurs que les nouveaux arrivants souhaitent disposer d’un meilleur accès aux informations avant leur arrivée (Kaushik & Drolet, 2018 ; Monteiro, 2022). 

    Bien que les réfugiés hors du Canada soient informés du programme OCE au cours de leur démarche de réservation, les répondants au sondage et les groupes de discussion de réfugiés dans une étude de l’IRCC de 2018 ont indiqué qu’ils ne savaient pas qu’il existait d’autres services préalables à l’arrivée pour les réfugiés (IRCC, 2018). Il est important de noter que, dans une évaluation des services d’établissement avant l’arrivée, l’IRCC indique que, pour les réfugiés, « l’emploi n’est pas un objectif principal de l’OCE » (IRCC, 2018). 

    Les services préalables à l’arrivée sont offerts aux nouveaux arrivants pour faciliter leur intégration au Canada, mais ils représentent également une occasion pour le gouvernement du Canada d’aligner les compétences et l’expérience professionnelle des réfugiés avec le marché du travail actuel. Le fait que les services préalables à l’arrivée coordonnés par le programme OCE n’abordent pas les possibilités d’emploi pour les réfugiés semble indiquer que le gouvernement du Canada doit améliorer cette initiative s’il veut donner la priorité à l’intégration des réfugiés sur le marché du travail. 

    Un examen plus approfondi est essentiel pour comprendre comment les réfugiés obtiennent actuellement des informations sur les services préalables à l’arrivée et interagissent avec les outils en ligne disponibles, ainsi que pour connaître les résultats économiques associés.

    Projet pilote sur la voie d’accès à la mobilité économique

    Le Projet pilote sur la voie d’accès à la mobilité économique (PVAME) prévoit une trajectoire vers la résidence permanente pour les réfugiés qualifiés qui comblent les lacunes du marché du travail. 

    Sous le PVAME, les candidats admissibles aux programmes économiques, tels que le Programme des candidats des provinces (PCP), le Programme d’immigration au Canada atlantique (PICA) ou le Programme pilote d’immigration dans les communautés rurales et du Nord (PPICRN), peuvent demander la résidence permanente au Canada. 

    IRCC affirme que (2022b) « dans le cadre du PVAME, les organismes partenaires aident les réfugiés qualifiés à l’étranger à entrer en contact avec des employeurs qui doivent combler d’importantes pénuries de maind’œuvre pour des professions comme aides-infirmières et préposées aux bénéficiaires, chefs et cuisiniers, et ouvriers qualifiés. Une fois que les candidats reçoivent une offre d’emploi, ils peuvent faire une demande d’immigration au Canada au titre des programmes d’immigration économique existants, avec l’aide des mesures du PVAME pour éliminer les obstacles auxquels les réfugiés sont confrontés en raison de leur déplacement. » Cela permet de s’assurer que les candidats recommandés répondront aux besoins spécifiques du marché du travail régional. Le programme tire parti des compétences et des aptitudes des candidats pour faciliter leur intégration économique dans la société canadienne. 

    Comme le PVAME a été lancé récemment (2023), il existe sur peu de données empiriques ses forces et ses faiblesses. IRCC a déjà constaté que moins de femmes que d’hommes accèdent au programme en tant que premières requérantes (IRCC, 2024a), mais on ne sait pas grand-chose pour l’instant sur les causes de cette disparité entre les genres. Toutefois, IRCC a indiqué son intention de suivre ces tendances.  

    Le rôle d’IRCC dans le PVAME est d’établir des politiques et des procédures et de faire la liaison avec les organisations partenaires. Les organisations, directions et agences participantes comprennent les gouvernements provinciaux canadiens, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, RefugePoint (une organisation d’orientation en matière de réinstallation) et Talent Beyond Boundaries (TBB, une agence de recrutement et de placement) (IRCC, 2021a ; HCR, 2024). 

    TBB est une organisation à but non lucratif qui aide les personnes réfugiées à accéder à la mobilité professionnelle dans leur pays de réinstallation. L’organisation fait appel à divers systèmes et utilise des outils en ligne pour faire correspondre les compétences, l’expérience et les objectifs des candidats réfugiés avec les possibilités de mobilité sur le marché du travail (TBB, n.d.). 

    Selon l’OIM, en novembre 2022, plus de 50 000 personnes déplacées s’étaient inscrites auprès de TBB pour faire valoir leurs compétences dans leur pays d’accueil (OIM, 2022). Cependant, à ce jour, il existe peu d’informations scientifiques sur les processus et les procédures de TBB.  

    Le PVAME n’en est qu’à ses débuts. D’autres recherches sont donc nécessaires pour évaluer l’accessibilité du programme, la façon dont les réfugiés sont informés de son existence et ses résultats dans le temps en matière d’intégration économique. 

    Dans l’ensemble, nous manquons de connaissances sur la façon dont les réfugiés accèdent aux programmes d’établissement, comme le PVAME, en tant que forme d’IMT. D’autres études sont essentielles pour mieux comprendre les interactions et les expériences des réfugiés avec le PVAME et les partenaires organisationnels d’IRCC.

    Les réfugiés se heurtent à des obstacles importants lorsqu’ils tentent d’accéder à l’IMT

    L’accès à l’IMT est un facteur déterminant des résultats sur le marché du travail. Il existe plusieurs définitions de la « littératie informationnelle », mais fondamentalement, et dans le contexte du marché du travail, il s’agit de la capacité d’acquérir, de comprendre, d’évaluer et d’appliquer l’IMT afin de prendre des décisions éclairées et d’entreprendre des actions qui influenceront les résultats sur le marché du travail. Il est clair que ce premier élément – la capacité d’accéder à l’IMT – joue un rôle essentiel dans les résultats sur le marché du travail. 

    Dans le contexte de la réinstallation des réfugiés au Canada, il est impératif de reconnaître les obstacles importants auxquels les réfugiés sont confrontés lorsqu’ils recherchent de l’IMT et des occasions d’emploi.  

    Les ministères fédéraux, comme Emploi et Développement social Canada, et les gouvernements provinciaux et territoriaux facilitent l’intégration économique des réfugiés et autres nouveaux arrivants en finançant des services à court et à long terme, tels que des stages, du mentorat, la préparation à l’obtention d’une licence ou d’un certificat, des événements de réseautage, des services de recherche d’emploi, de jumelage et d’orientation. 

    L’accès à des informations appropriées sur l’apprentissage de la langue et sur l’emploi (ainsi que sur le logement, la santé, le réseautage et la culture) compte parmi les principaux besoins des nouveaux arrivants au Canada (Kaida, 2013 ; Ellis & Triandafyllidou, 2023).  

    Dans un rapport de 2021, IRCC indique que différentes études ont montré que bon nombre de nouveaux arrivants ne sont tout simplement pas au courant des services disponibles (IRCC, 2021b). Une étude sur les fournisseurs de services a révélé que le manque d’accès à des informations pertinentes sur l’établissement était l’un des plus grands obstacles auxquels sont confrontés les réfugiés. Les participants ont noté qu’il était difficile de savoir « où aller pour quoi » et que le secteur des services de santé et sociaux est déroutant et fragmenté (Simich et al., 2005, p. 262). 

    L’examen par Okoye (2020) de la documentation universitaire et de la littérature grise, des rapports, des documents organisationnels et des sites Web appuie l’idée que l’accès à l’information sur l’établissement, aux connaissances sur l’accès et le maintien de l’emploi et à d’autres informations sur le marché du travail demeure un défi de taille pour les réfugiés au Canada.

    PARTIE 2 : ÉTUDE DE CAS – LES RÉFUGIÉS AFGHANS SUR LEURS EXPÉRIENCES DE L’IMT AU CANADA

    Nous savons que les réfugiés se heurtent à d’importants obstacles pour accéder à l’IMT et que cet accès varie considérablement en fonction du programme par lequel ils arrivent au Canada.  

    Les réfugiés s’appuient donc souvent sur des réseaux informels pour combler le manque d’informations et sur leurs expériences passées pour trouver un emploi.  

    Nous savons également qu’au Canada, nous manquons d’informations sur la façon dont les réfugiés utilisent l’IMT.  

    Pour combler cette lacune, nous nous sommes entretenus avec 25 réfugiés afghans qui se sont installés au Canada après la prise de pouvoir par les talibans en 2021. 

    Nous nous sommes concentrés sur leurs témoignages concernant leurs expériences de l’IMT et des politiques d’emploi, sur la gestion des dynamiques d’établissement ainsi qu’à leurs circonstances personnelles au cours de leurs premières années au Canada.  

    Nous avons choisi ce groupe pour l’étude de cas en raison de leur expérience commune : ils ont tous été admis à partir du même pays et à l’intérieur d’un délai similaire. Malgré la diversité d’identité, de genre, d’âge et d’autres caractéristiques démographiques, les membres du groupe partagent au moins une expérience clé : ils sont tous arrivés au Canada à peu près au même moment et dans le cadre de programmes identiques. Par conséquent, cette cohorte présentait une occasion unique de réaliser une étude de cas, dans la mesure où elle permettait une exploration ciblée des trajectoires et des expériences d’établissement. 

    Tous les participants ont été soutenus par le Programme de mesures spéciales en matière d’immigration, conçu pour les ressortissants afghans (et leurs familles) qui ont aidé le gouvernement du Canada. En outre, les participants ont eu accès à un programme humanitaire spécial visant à réinstaller les Afghans vulnérables.  

    Le contexte commun de leur arrivée et le recours aux mêmes programmes et ressources, en particulier dans le domaine de l’IMT, ont permis d’évaluer l’efficacité de ces initiatives.  

    En examinant les particularités de leur parcours collectif, cette étude de cas vise à comprendre comment les programmes canadiens normalisés ont influencé l’intégration des participants au marché du travail. Les données recueillies mettent en évidence les défis et les possibilités rencontrés par ce groupe précis de réfugiés.

    Méthodologie

    Les objectifs de recherche de cette étude étaient de recueillir les perceptions des réfugiés quant à l’efficacité de l’IMT au Canada et de cerner les lacunes que leur expérience a pu révéler. 

    Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur une méthodologie de recherche par étude de cas. Cette approche, l’un des premiers types de recherche utilisés en méthodologie qualitative, fournit aux chercheurs des outils pour étudier des phénomènes complexes dans leur contexte. Lorsqu’elle est appliquée correctement, elle devient une méthode précieuse pour l’évaluation de programmes (Baxter & Jack, 2008). 

    Selon Baskarada (2014), la recherche par étude de cas implique un examen approfondi d’une unité singulière, comme un individu, une communauté ou une organisation. Ainsi, elle permet au chercheur d’obtenir un point de vue global et approfondi du problème de recherche. Selon le contexte, cette approche peut faciliter la description, la compréhension et l’explication d’une question ou d’une situation. 

    La recherche par étude de cas repose sur l’investigation et l’analyse d’un cas unique ou collectif dans le but d’appréhender la complexité d’un objet d’étude (Stake, 1995). Comme le décrit Stake (1995), la recherche qualitative par étude de cas rassemble des méthodes de recherche naturalistes, holistiques, ethnographiques, phénoménologiques et biographiques dans une « palette de méthodes » (p. xixii). En d’autres termes, l’étude de cas, en tant que méthode qualitative, permet d’examiner un phénomène dans son contexte, à partir de diverses sources de données. En évitant toute perspective étroite et en adoptant au contraire différents points de vue, cette approche garantit une exploration exhaustive et la compréhension des multiples facettes d’un phénomène (Baxter & Jack, 2008). 

    L’engagement de la communauté a été essentiel dans la conception de l’étude et le processus de collecte de données. Un membre actif de la communauté afghane du Canada a apporté une aide précieuse en prenant part à différents rassemblements et événements culturels, communautaires et organisationnels afin de faciliter les contacts et de solliciter la participation des gens. Cette personne a joué un rôle central à toutes les étapes de l’étude, y compris dans l’élaboration du guide d’entretien semi-structuré, qui a été l’un des principaux outils utilisés pour recueillir les données. 

    Grâce à cette approche collaborative, les chercheurs et les participants ont établi un lien solide. L’étude a ainsi été conçue en tenant compte des sensibilités culturelles, ce qui a permis de mieux comprendre et de mieux représenter la communauté des réfugiés afghans au Canada. 

    Les participants à l’étude sont âgés de 25 à 55 ans, une tranche d’âge suffisante pour permettre un examen différencié de la façon dont les individus, à différents stades de leur vie, s’adaptent aux complexités de l’IMT et à la dynamique de l’établissement. Ils sont répartis dans tout le Canada, mais principalement concentrés en Alberta, en Ontario, en Colombie-Britannique et au Manitoba. Cette répartition géographique a permis d’explorer en profondeur les particularités régionales de l’expérience des réfugiés, notamment en ce qui a trait aux politiques du marché du travail et aux dynamiques de l’établissement.

    Note sur l’application d’un cadre théorique critique pour appréhender les défis individuels dans une perspective systémique

    Bien que les voix des participants doivent à juste titre être au cœur de ces discussions, il est important de reconnaître les perspectives des chercheurs dans cette étude. En tant que sociologues, nous avons interprété les expériences des participants. Nous reconnaissons que les défis auxquels ces individus racisés sont confrontés sont étroitement liés à leurs contextes sociaux. Nous estimons que ces inégalités vont au-delà des interactions individuelles et pointent vers des problèmes systémiques façonnés par des politiques s’inscrivant dans un paysage sociopolitique plus large. Nous croyons également quadopter une perspective de la théorie sociale critique (TSC) est désormais crucial dans le domaine de la migration forcée. Cette approche permet de mettre en lumière la marginalisation complexe vécue par les personnes déplacées, tant dans leurs pays dorigine que dans leurs nouvelles communautés. La TSC nisole pas lexpérience humaine, mais élargit plutôt son champ d’application pour examiner les politiques et pratiques qui influencent et perpétuent diverses expériences (Freeman & Vasconcelos, 2010).

    Avant l’arrivée : les réfugiés ne reçoivent aucune IMT

    Tous les réfugiés avec lesquels nous nous sommes entretenus ont déclaré quils navaient pas reçu dIMT officielle avant leur arrivée au Canada, alors quil sagissait de lun de leurs principaux besoins en matière dinformation. 

    Un thème récurrent est ressorti des récits des participants à l’étude concernant l’IMT qui leur a été offerte avant leur arrivée au Canada. 

    Malheureusement, ils ont fait état d’une absence totale d’IMT, y compris de données fondamentales sur les marchés du travail canadiens. Compte tenu des circonstances d’urgence qui obligent les réfugiés à quitter inopinément leur pays d’origine, la rareté de ces informations est prévisible. Cela reste néanmoins une difficulté importante pour les réfugiés qui cherchent à bien s’intégrer. 

    Dans cette étude de cas, les participants ont indiqué que leur seule source d’information avant leur arrivée était des amis ou des membres de leur famille qui avaient immigré au Canada. Les participants ont souligné la rareté de ces données informelles et confirmé qu’ils avaient pu obtenir que des informations limitées au sujet de la situation de l’immigration au Canada avant leur arrivée. 

    Pourtant, tous les participants à cette étude ont déclaré que l’IMT était l’un de leurs principaux besoins en matière d’information à leur arrivée au Canada – ce qui vient corroborer les données existantes sur le sujet. Leur perspective collective met en lumière le rôle crucial que joue cette information dans les premières étapes de l’établissement et de l’exploration du marché du travail dans un nouveau pays. 

    Amina, une femme de 27 ans, mère de deux enfants, qui travaillait auparavant comme enseignante en Afghanistan, a insisté sur le fait que l’IMT est un besoin primaire d’information :

    Trouver des informations sur le marché du travail canadien était tout aussi crucial, sinon plus, que d’obtenir les renseignements nécessaires pour les soins de santé et la scolarité de mes enfants. Une carrière stable et épanouissante est essentielle non seulement pour mon propre bien-être, mais aussi pour assurer un avenir prometteur à ma famille dans notre nouveau pays.

    Bien que les besoins des participants en matière dIMT varient en fonction de leur situation et de leurs objectifs, des thèmes communs se dégagent. Dans lensemble, les participants ont cherché à obtenir des informations sur :

    les offres d’emploi disponibles

    les secteurs d’emploi en demande

    l’alignement de leurs compétences sur les besoins du marché du travail local

    les possibilités de perfectionnement ou d’accréditation des compétences

    les attentes en matière de compétences linguistiques et les possibilités de formation

    les programmes d’éducation et de formation (pour renforcer les compétences)

    la culture, les normes et les attentes du lieu de travail canadien

    les salaires moyens dans les secteurs d’activité et les régions

    la manière de se constituer un réseau

    les moyens d’entrer en contact avec les ressources de la communauté

    l’accès aux programmes de mentorat

    De plus, les participants ont exprimé un vif intérêt pour des informations sur les programmes d’aide gouvernementaux, les subventions et les initiatives conçues pour soutenir les nouveaux arrivants dans leurs efforts en matière d’emploi.

    À l’arrivée : les réfugiés reçoivent des informations utiles sur l’installation et l’intégration, mais pas d’IMT

    À leur arrivée au Canada, les réfugiés afghans pris en charge par le gouvernement (RPG) ont été hébergés dans des logements temporaires, notamment des maisons d’accueil du Programme d’aide à la réinstallation, des appartements et des chambres de motel et d’hôtel.

    Les individus qui ont participé à cette étude ont été initialement logés dans des « hôtels de transition », des hébergements supervisés par des organismes d’établissement locaux. Leur séjour a duré de sept semaines à plusieurs mois.

    Ces hôtels de transition sont soutenus par diverses organisations, y compris des cercles d’amitié et des groupes communautaires, qui offrent assistance et ressources pendant le séjour des participants.

    Les réfugiés afghans ont assisté à des séances d’information utiles pour se familiariser avec la culture et les systèmes canadiens.

    Tout au long de leur séjour dans les hôtels de transition, que ce soit grâce aux cercles d’amis, aux groupes communautaires ou au service d’établissement d’accueil, les participants à cette étude ont obtenu un soutien et des informations substantiels, notamment dans le cadre d’ateliers virtuels et en personne, de cours et de séances individuelles personnalisées.

    Ces ressources couvrent des sujets comme :

    comprendre le processus de demande de résidence permanente au Canada

    obtenir une carte d’assurance maladie canadienne et un numéro d’assurance sociale

    comprendre le système juridique et accéder à un soutien juridique

    apprendre la gestion bancaire, l’établissement de budget et la gestion financière (pour s’orienter dans le système financier canadien)

    apprendre les droits et responsabilités des locataires

    acquérir des connaissances sur les coutumes, les valeurs et les normes sociales canadiennes

    inscrire les enfants à l’école

    Haadee, une femme de 30 ans qui travaillait auparavant comme employée administrative pour le gouvernement afghan, a cherché refuge au Canada après que les talibans ont menacé la vie de son mari, un journaliste. Haadee a parlé positivement de l’assistance et des informations qu’elle et sa famille ont reçues à l’hôtel où ils ont séjourné pendant les huit semaines qui ont suivi leur arrivée au Canada :

    À l’hôtel, nous avons reçu de l’aide pour de nombreuses choses : obtenir nos cartes de RP [résident permanent], nos numéros de NAS [assurance sociale] et les dossiers du PAR [programme d’aide à la réinstallation]. Des travailleurs sociaux et des chargés de dossiers nous ont aidés à remplir les documents administratifs en nous donnant des informations et des conseils. Cette aide nous a été très précieuse, car nous sommes arrivés ici sans même avoir les informations de base.

    Ashwa, une femme d’une trentaine d’années, qui a travaillé comme militante des droits de la femme en Afghanistan, est arrivée au Canada enceinte de six mois, accompagnée de son mari et de son jeune fils. Elle a parlé de l’aide qu’elle et sa famille ont reçue pendant leur séjour de trois mois dans un hôtel de la région de Toronto :

    Notre installation au Canada s’est déroulée en douceur grâce à cet incroyable groupe de bénévoles. Ils sélectionnent une famille et lui attribuent sept ou huit bénévoles pour l’aider. Il ne s’agit pas d’une aide financière, mais plutôt d’un soutien général. Lorsque j’étais enceinte, ils m’ont aidée à trouver un médecin, à localiser l’hôpital le plus proche et même à trouver une école pour mon fils. Ils ont également fourni des produits de première nécessité pour le bébé. Leur aide a été inestimable dans ces domaines.

    À leur arrivée, les réfugiés afghans n’ont pas reçu d’IMT ou n’ont reçu qu’une IMT limitée.

    Bien que tous les participants aient dans l’ensemble fait l’éloge de l’assistance et des informations générales reçues pendant leur séjour à l’hôtel, ils ont unanimement reconnu que l’offre d’IMT était soit totalement absente, soit beaucoup trop limitée.

    Les informations ont été principalement diffusées au moyen de sites Web et d’ateliers de formation, couvrant des aspects de base qui ne répondaient pas efficacement aux besoins particuliers de ce groupe.

    Par exemple, Ahmed, un professeur de génie civil de 51 ans qui a passé près de sept mois dans des hôtels de transition au Manitoba, a raconté :

    Environ une semaine après notre arrivée au Canada, une réunion en ligne a été organisée à l’intention des nouveaux arrivants. Au cours de cette séance, nous avons reçu des informations sur divers aspects de la vie au Canada, dont un aperçu du marché du travail et des conseils pour nous préparer à l’emploi. Les personnes qui sont venues nous chercher à l’aéroport [un service d’aide à l’établissement de la région de Winnipeg] nous ont donné quelques informations, mais ce n’était pas suffisant. Ils ne nous ont pas vraiment guidés, ils nous ont même découragés de participer à des programmes ou à des cours pour mettre à jour ou rafraîchir nos compétences dans notre ancienne profession, ce qui nous aurait mieux préparés à trouver un emploi ici. Ils ne nous ont donné que l’essentiel, à savoir comment rédiger un CV canadien et où chercher des offres d’emploi en ligne.

    Ellias, un homme de 47 ans, est venu au Canada avec sa femme, une militante des droits de la femme prise pour cible par les talibans : 

    Il y avait des programmes en ligne tous les jours, mais ils n’étaient pas axés sur le marché du travail. Ils portaient sur le système éducatif général du Canada, ou sur la géographie du Canada, ou encore sur l’éducation des enfants, et puis il y avait aussi, par exemple, comment ouvrir un compte en banque. 

    Imama, une journaliste de 26 ans, a parlé dans les mêmes termes de l’IMT qu’elle a reçue d’un service d’aide à l’installation qui l’a soutenue pendant son séjour de trois mois dans un hôtel de transition de la région de Toronto :

    En tant que réfugiés aidés par le gouvernement du Canada, nous avons un an d’aide financière à partir du jour de notre arrivée. Le compte à rebours est donc lancé. Le délai d’un an ne correspond pas nécessairement au temps qu’il faut généralement pour trouver un emploi stable… Il est donc important de recueillir des informations et de se faire aider pour entrer sur le marché du travail le plus tôt possible, parce qu’une année passe très vite. Nous avons reçu beaucoup d’aide de la part de personnes sympathiques, et cela a été formidable. Mais lorsqu’il s’agissait de trouver des informations sur l’emploi, c’était limité. On nous a surtout proposé des formations pour des emplois simples, comme celui de caissier, et des formations de base, comme la rédaction d’un CV et l’utilisation de l’ordinateur pour rechercher des emplois sur les sites Web du gouvernement. C’était bien, mais nous aurions aimé avoir plus d’informations pour nous aider à commencer à travailler. 

    Ashwa recommande des séances d’IMT personnalisées pour les nouveaux arrivants.

    « Il s’agirait d’un investissement et d’un effort considérables, mais la collaboration avec les agences locales d’établissement, les groupes communautaires et les organismes bénévoles pourrait être renforcée afin d’offrir des séances d’IMT personnalisées au cours de la période d’établissement initiale. Ces séances devraient non seulement couvrir les informations de base, mais aussi se concentrer sur les aspects pratiques, en tenant compte de l’éducation, des compétences, des besoins et des objectifs de chaque personne et en fournissant une aide ciblée pour faciliter le processus d’accréditation des titres de compétences étrangers. »

    Établissement : les réfugiés reçoivent une IMT trop élémentaire pour être utile à leur intégration sur le marché du travail canadien

    Comme dans le cas de cette cohorte de réfugiés afghans au Canada, la trajectoire d’un réfugié implique souvent une réinstallation dans des circonstances incertaines et soudaines, susceptibles d’interrompre leur carrière ou leur éducation et de les couper de leurs réseaux. Cette situation accroît les difficultés d’intégration dans une nouvelle économie.

    Les réfugiés comptent souvent sur les agences de services d’établissement pour les aider dans leurs recherches d’emploi (Auer, 2018 ; Ellis & Triandafyllidou, 2023 ; Ortlieb & Knappert, 2023).

    Le gouvernement du Canada répond aux besoins de réinstallation et d’intégration des réfugiés en finançant, en autorisant et en confiant la mise en œuvre des programmes d’intégration à des organismes d’aide aux immigrants (OAI) à but non lucratif dans tout le pays (Mukhtar et al., 2016).

    Les services d’établissement visent à soutenir l’intégration dans le marché du travail, mais ne répondent pas aux attentes.

    Les services d’établissement, y compris les OAI, sont destinés à aider les réfugiés à s’intégrer sur le marché du travail en offrant des formations linguistiques, de l’accompagnement pour la recherche d’emploi et des informations sur la reconnaissance des compétences acquises à l’étranger. Ces services fournissent également aux employeurs une formation à la sensibilité culturelle, ce qui peut aider les réfugiés à surmonter les obstacles et à trouver un emploi intéressant. Toutefois, les accords entre le gouvernement et les OAI ont été critiqués pour avoir restreint l’autonomie des OAI par rapport à l’État et leur capacité à bâtir et à superviser leurs propres services publics (Richmond & Shields, 2005 ; Mukhtar et al., 2016).

    La littérature spécialisée fait état de problèmes liés à un « manque d’intégration, de cohérence et de coordination entre les différents acteurs du secteur de l’établissement ; par exemple, parmi les différents niveaux de gouvernement, les organismes de services généraux ou génériques et les agences communautaires d’établissement des immigrants… », ce qui a finalement une incidence sur la variété et les types de services offerts aux réfugiés (Okoye, 2020, p. 28).

    Les OAI devraient adapter leurs services aux besoins des nouveaux arrivants au sein de leurs communautés. Cependant, elles doivent également tenir compte des changements dans la politique d’immigration (IRCC, 2021b). Compte tenu de l’augmentation du nombre de réfugiés et de la complexité de leurs besoins, les OAI accordent de plus en plus d’importance au rendement, aux résultats et à l’« optimisation des ressources » des programmes d’aide à l’établissement (IRCC, 2021b). Dans une étude portant sur les OAI et les défis auxquels ils sont confrontés en matière de planification et de prestation de services, les chercheurs ont constaté que l’influence des organismes de financement l’emportait sur les besoins des utilisateurs des services (Mukhtar et al., 2016, p. 23).

    Par exemple, des cadres d’OAI ont noté que les programmes génériques axés sur l’emploi, tels que l’apprentissage de la rédaction d’un CV, étaient prioritaires par rapport aux « programmes d’emploi ciblés qui répondraient mieux aux divers besoins des nouveaux arrivants cherchant à entrer sur le marché du travail canadien » (Mukhtar et al., 2016, p. 25).

    L’étude a également révélé qu’au lieu de coopérer pour atteindre les quotas de services obligatoires, les agences sont en concurrence les unes avec les autres. Les OAI fonctionnent de manière indépendante, sans collaborer, ce qui entraîne une duplication des services à l’intérieur de certaines limites régionales. Des ressources sont donc allouées à des services similaires plutôt qu’à la création de programmes sur mesure répondant aux besoins et aux compétences spécifiques des nouveaux arrivants. Ces derniers reçoivent donc souvent un soutien de nature générique ne répondant pas à leur situation ni à leurs besoins particuliers (Duvieusart-Déry, 2013 ; Mukhtar et al., 2016).

    Preuve supplémentaire des difficultés que rencontrent les réfugiés sur le marché du travail, la récente recherche de Monteiro (2022) a révélé que les services d’établissement encouragent les participants à accepter des emplois non rémunérés ou mal payés et précaires. Malheureusement, cette constatation corrobore une grande partie de la littérature existante sur les services d’établissement.

    Les réfugiés qui ont accès à ces services ont parfois la pression financière de devoir subvenir aux besoins des membres de leur famille et, par conséquent, acceptent n’importe quelle offre d’emploi.

    Les conseillers des OAI interrogés ont indiqué qu’en raison de leur lourde charge de travail, ils avaient tendance à orienter les femmes vers des emplois peu qualifiés et peu rémunérés dans des entreprises avec lesquelles ils étaient déjà en relation (Senthanar et al., 2020). Dans la même étude, qui examine l’expérience des femmes réfugiées auprès des organismes d’aide à l’établissement et leurs résultats en matière d’emploi au Canada, une réfugiée interviewée explique : « [l’agence d’établissement] se concentrait simplement sur toutes les choses que vous devez faire, vous savez, celles que le gouvernement attend de vous, tout ce qui concerne les soins de santé et ce genre de choses… Ils nous ont beaucoup parlé de ce genre de choses… comment louer une maison. Mais pour ce qui est du travail, rien. Ils n’en ont pas parlé… » (Senthanar et al., 2020, p. 55). Une autre personne interrogée a raconté : « J’ai fait une demande [à] la chargée de cas – pouvez-vous m’aider sur ce point [la recherche d’un emploi] ? Elle m’a répondu que ça ne faisait pas partie de sa description de tâches » (Senthanar et al., 2020, p. 55).

    Dans une autre étude sur les réfugiés, un participant a évoqué son expérience de recherche d’informations sur l’emploi auprès d’un bureau gouvernemental d’aide au revenu : « Parfois, les informations disponibles dans les [services publics de l’aide sociale] portent sur les emplois de base et non sur les professionnels qui ont des questions liées à l’éducation. Les fonctionnaires ne donnent pas beaucoup d’informations. La seule chose qu’ils disent, c’est : « Nous pouvons vous aider si vous êtes au chômage, nous pouvons vous faire suivre une formation d’un an, vous pourrez faire de la coiffure ou quelque chose comme ça. » C’est un travail de survie. Mais il n’existe pas de centre du genre « OK, vous qui venez avec ce diplôme », ils vérifient le diplôme et disent ensuite « OK, voici le domaine, les voies, les options. Laquelle voulez-vous choisir ? » (Bajwa et al., 2017, p. 59).

    Dans ces cas, les réfugiés ont trouvé difficile d’accéder à des informations sur le marché du travail auprès des agences d’établissement et des fournisseurs institutionnels.

    Suivant la littérature, la quasi-totalité des participants à notre étude ont sollicité l’aide des services d’établissement pour divers besoins, dont l’IMT et l’aide à l’emploi.

    Les aides à l’emploi proposées lors de la phase d’installation ont été perçues comme trop élémentaires, et les réfugiés ont été orientés vers des emplois qui ne correspondaient pas à leur expérience professionnelle.

    Faisant écho aux sentiments exprimés au sujet de l’IMT limitée obtenue pendant leurs séjours dans les hôtels de transition, les participants ont exprimé un point de vue similaire concernant le soutien fourni par les services d’aide à l’établissement.

    Les réfugiés afghans avec lesquels nous nous sommes entretenus considèrent que l’aide reçue était trop basique. Ils ont exprimé à plusieurs reprises le sentiment d’être orientés vers des emplois dont les exigences étaient nettement inférieures à leurs compétences.

    Surtout, les participants ont noté un manque d’efforts pour faire correspondre leur formation et leur expérience aux offres d’emploi disponibles, mettant en évidence une lacune dans l’accompagnement des services d’établissement pour optimiser leurs résultats sur le marché de l’emploi.

    Morsal, une avocate de 46 ans qui défend les droits des femmes et des jeunes filles et qui est fière d’avoir été l’une des avocates les plus en vue d’Afghanistan pendant deux décennies, nous a expliqué son expérience :

    Je suis titulaire d’une maîtrise en droit et j’ai travaillé comme avocate pendant plus de 20 ans dans mon pays. En arrivant ici, je savais que les choses seraient différentes, mais j’ai tout de même des compétences qui devraient être utiles partout. Je sais rédiger des plaidoyers, interpréter des preuves et communiquer avec les gens – ce sont des choses importantes. Mais lorsque je me suis adressée aux services d’aide à l’établissement, ils m’ont dit en gros que mon éducation n’avait pas de valeur ici et qu’ils ne pouvaient rien faire. Ils m’ont suggéré des emplois chez Walmart ou Costco, ce qui n’est pas du tout ce à quoi je m’attendais compte tenu de mon parcours. C’est frustrant d’avoir l’impression que mes compétences ne sont pas prises en compte et qu’on ne me donne pas l’occasion de les exploiter de manière utile. Ils m’ont dit en substance : « Recommencez du début si vous voulez être avocate ici ».

    Shehzad, un enseignant de 50 ans, a fait part de son expérience :

    À mon arrivée au Canada, je me suis adressée aux services d’aide à l’établissement de Winnipeg, mais j’ai eu du mal à trouver un emploi. Nous sommes donc déménagés à Toronto, pensant que ce serait plus facile. J’ai essayé trois endroits différents, trois services d’établissement différents à Scarborough, mais ils n’avaient que des informations et des programmes de base – plutôt pour les personnes plus âgées ou celles qui ont peu d’éducation. Les gens étaient très gentils – ils voulaient vraiment aider – mais ce n’était pas ce qu’il me fallait. Ils ne peuvent que vous aider à trouver un boulot de survie. Je n’ai pas pris la peine de faire de suivi avec la personne qui s’occupait de mon dossier parce qu’elle ne pouvait pas m’aider avec ce dont j’avais besoin.

    Kashm, une femme d’une trentaine d’années qui a travaillé comme journaliste en Afghanistan, en Turquie et en France, a confié :

    On m’a recommandé d’aller voir un service d’aide à l’emploi dans le centre-ville d’Ottawa, alors j’y suis allée, espérant obtenir des informations sur la meilleure façon de présenter mes compétences acquises à l’étranger afin que les employeurs soient moins préoccupés par mon manque d’expérience au Canada. Mais quand je suis arrivée, la femme m’a dit : « Nous travaillons avec de nombreux grands magasins et détaillants en ligne et vous pouvez facilement obtenir quelque chose comme ça, ce sera bien pour vous.

    Isaad, un homme de 37 ans titulaire d’un diplôme d’études anglaises qui, avant de fuir l’Afghanistan, travaillait pour une organisation humanitaire catholique, a raconté :

    Je remercie Dieu que le Canada nous ait offert la sécurité, mais je dois maintenant construire un foyer et je n’y arrive pas. J’ai une maîtrise dans mon pays d’origine, mais au Canada, je travaille dans un Walmart. C’est très préoccupant d’un point de vue psychologique, mais aussi pour le marché du travail. D’abord, le Canada ne peut pas utiliser mes compétences et connaissances à la hauteur de mes capacités alors que je suis ici. Et, d’un point de vue psychologique… avec l’énorme traumatisme que je porterai pour toujours dans mon cœur… le fait d’aboutir dans un Walmart et d’avoir affaire à quelqu’un ou à des gens qui n’ont pas les diplômes, les compétences ou les connaissances que j’ai, alors que je peux apporter beaucoup plus à mon nouveau pays, le Canada…

    De même, Samira, une femme d’une vingtaine d’années qui travaillait comme infirmière en Afghanistan, a expliqué :

    Ici, en Colombie-Britannique, il y a beaucoup de services pour les immigrants et les réfugiés, ce qui est une bonne chose. Mais il est très difficile de trouver un emploi et tout est très cher. À Vancouver, j’ai participé au programme Skills Hub, qui propose une formation gratuite à l’emploi et aux compétences. Je me suis dit que c’était parfait pour moi. Mais en fin de compte le programme s’adresse davantage aux personnes peu qualifiées ou qui ne maîtrisent pas tout à fait l’anglais, ce qui n’est pas plus mal, car elles ont également besoin d’aide et je suis très heureuse que le Canada leur offre cette aide. Mais ce n’était pas ce dont j’avais besoin.

    Lorsqu’on leur a demandé s’ils connaissaient des programmes ou des initiatives visant à aligner les compétences et l’éducation des réfugiés au marché du travail canadien, tous les participants ont indiqué qu’ils ignoraient l’existence de tels programmes.

    Cette méconnaissance des initiatives visant à réduire l’inadéquation entre les compétences, l’éducation et le marché du travail a mis en évidence un manque important en matière d’information. Les participants ont tous précisé n’avoir reçu aucune aide pour adapter leurs compétences, leur formation ou leur expérience aux possibilités offertes au Canada.

    Les réfugiés sont souvent poussés à accepter des « emplois de survie » par les agences d’aide à l’installation.

    Comme l’indiquent les recherches existantes, les participants à notre étude ont exprimé le sentiment commun que les efforts déployés pour jumeler leurs compétences et leurs connaissances aux emplois disponibles au Canada étaient insuffisants. Ils se sont plutôt sentis poussés à accepter des « emplois de survie » (Arthur et al., 2023), une situation qu’ils ont perçue comme un gaspillage de leur potentiel – à la fois pour eux-mêmes et pour le Canada. 

    Ils ont en outre critiqué l’IMT fournie par les organismes d’aide à l’établissement en raison de de sa généralité et de son étendue. Pour la plupart des membres de cette cohorte relativement instruite, l’IMT offerte n’a pas tenu compte de leur situation particulière et a nui à leur intégration au marché du travail. L’écart entre l’IMT disponible et les compétences uniques de ces personnes fait ressortir un problème systémique important dans le processus d’intégration.

    La plupart des réfugiés sont contraints de s’appuyer sur des connaissances et des réseaux informels pour trouver un emploi qui mette à profit leurs compétences et leur éducation.

    Oduntan et Ruthven (2021) ont examiné la manière dont les réfugiés et demandeurs d’asile répondent à leurs besoins en matière d’informations. Bien que leur étude ait été menée en dehors du Canada, elle décrit les multiples sources et « terrains d’information » (les lieux où les gens se rassemblent et partagent spontanément des informations) sur lesquels s’appuient les réfugiés pour comprendre les systèmes et processus d’intégration (Oduntan & Ruthven, 2021). Les terrains d’information sont parfois des espaces informels tels que des magasins, des salons de coiffure, des lieux de culte, des bibliothèques, des cours d’anglais langue seconde et des centres de garde d’enfants. 

    La littérature s’accorde à dire que les sources communes et informelles de soutien et d’information sont généralement des amis, des parents et des voisins appartenant aux mêmes groupes ethniques. Parmi les autres sources informelles d’information figurent les parrains indépendants, les organisations religieuses et les associations ethnoculturelles (Simich et al., 2005).  

    Les sources formelles d’information peuvent être les assistants sociaux, les avocats, les enseignants et le personnel d’établissement travaillant avec des agences, des institutions gouvernementales et des centres communautaires et culturels (Oduntan & Ruthven, 2021).  

    Par exemple, un réfugié interrogé dans le cadre de l’étude menée par Oduntan et Ruthven en 2021 a raconté que c’est son professeur qui lui a suggéré de chercher un emploi dans un grand magasin et un autre, que c’est un membre de sa famille qui avait vu une offre d’emploi et lui en avait parlé. 

    Les recherches révèlent que les sources d’information utilisées par les réfugiés varient en fonction de leurs parcours et de leurs expériences personnelles. Les réfugiés recherchent des informations auprès des personnes qu’ils rencontrent organiquement au cours de leur expérience unique, à la fois dans les lieux désignés comme sources par les sociétés d’accueil et dans les espaces informels (Oduntan & Ruthven, 2021). 

    Il existe peu de recherches similaires sur l’accès des réfugiés à l’emploi ou à l’IMT au Canada. Pourtant, bien que cela dépasse la portée de la présente recherche, les participants à notre étude ont également indiqué qu’ils satisfont principalement leurs besoins en matière d’IMT et de nombreux autres besoins d’information grâce à des interactions personnelles directes et des engagements sociaux indirects. Ils ont obtenu de l’information notamment auprès d’amis, de la famille et d’autres Afghans qu’ils avaient rencontrés au Canada.  

    Par exemple, Sameer, un jeune homme de 25 ans qui travaillait comme ingénieur hydroélectrique en Afghanistan, s’est souvenu :

    Sans vouloir minimiser l’aide que j’ai reçue du Canada et des Canadiens, je suis tellement reconnaissant envers les Afghans qui sont arrivés ici avant moi. Je croyais qu’en Afghanistan, nous n’avions pas vraiment une culture du partage, mais l’aide et les informations que j’ai reçues ici de la part de mes compatriotes m’ont impressionné. Une fois, j’étais à Toronto, j’attendais le bus en parlant au téléphone dans ma langue, me plaignant à un ami resté en Afghanistan que j’avais besoin d’obtenir un permis de conduire canadien, mais que je ne pouvais pas me permettre de suivre des cours de conduite, car à ce moment-là, je travaillais seulement dans un café. Et cette dame, qui vient en fait de mon pays, est venue vers moi et m’a dit : « Excusez-moi, je vous ai entendu parler au téléphone, saviez-vous qu’il existe un endroit qui peut vous aider pour obtenir des leçons gratuites ?

    Amina, 27 ans, mère de deux enfants et ancienne enseignante, a également fait remarquer :

    Je me suis fait des amis à l’hôtel et je suis toujours en contact avec eux. J’ai des amis de partout dans le monde qui sont venus au Canada pour des raisons de sécurité et nous partageons autant d’informations que possible. En fait, j’ai trouvé des informations sur un bon emploi parce qu’une dame que j’ai rencontrée m’a envoyé un SMS pour me dire qu’elle avait rencontré quelqu’un qui embauchait, j’ai postulé et j’ai même obtenu un entretien.

    Morsal, avocate de 46 ans, a misé sur ses compétences organisationnelles et sa nature spontanée pour créer un groupe de discussion sur WhatsApp avec 20 femmes, toutes rencontrées alors qu’elles fuyaient l’Afghanistan ensemble :

    Si je vais chez le boucher, je pose des questions, et si mon amie va à la pharmacie ou chez le médecin, elle pose des questions. Ainsi, au lieu que chacun d’entre nous doive aller poser ses propres questions, nous partageons toutes les informations dans notre chat. Nous disons : “J’ai vu un emploi qui convient à un enseignant” ou “J’ai vu un sous-sol à louer”, etc.

    Rabia recommande que les services d’installation metten
    les nouveaux arrivants en contact avec d’autres nouveaux arrivants.

    « Je pense que les services d’établissement pourraient ajouter un système de mentorat ou de jumelage permettant aux nouveaux arrivants d’échanger avec des personnes qui se sont bien intégrées au marché du travail canadien… Nous comptons déjà beaucoup sur les bénévoles, et même sur les gens de chez nous. Ça donnerait une occasion précieuse aux réfugiés de recevoir des conseils de la part d’autres personnes qui comprennent mieux leur situation comme ils ont vécu des expériences similaires. »

    Reconnaissance des diplômes étrangers : les efforts des réfugiés sont entravés par un manque d’information et un système excessivement complexe

    Le processus d’obtention des documents officiels reconnaissant le niveau d’études, et donc l’expérience professionnelle acquise à l’étranger, est parsemé d’embûches que les réfugiés doivent surmonter pour entrer sur le marché du travail.

    Les réfugiés et demandeurs d’asile, ainsi que les personnes déplacées à la suite de catastrophes naturelles, sont susceptibles de rencontrer des difficultés pour satisfaire aux exigences d’une évaluation standard de l’éducation. Par exemple, ils pourraient ne pas avoir tous leurs documents avec eux s’ils ont été contraints de s’enfuir.

    Il est parfois impossible d’obtenir des documents officiels auprès de l’établissement qui les a délivrés. Selon la situation dans le pays d’origine du nouvel arrivant, le système éducatif peut être incapable de gérer les archives et de répondre aux demandes des diplômés. Il est dans ce contexte difficile de trouver un emploi à la hauteur ou d’obtenir la formation complémentaire nécessaire pour construire une carrière intéressante sans preuve des diplômes. Beaucoup de nouveaux arrivants se retrouvent coincés dans des emplois qui ne valorisent pas pleinement leur formation, leurs compétences et leur expérience (Kohlenberg & Loo, 2020).

    Toutefois, en vertu de la Convention de Reconnaissance de Lisbonne, le Canada est tenu de proposer aux réfugiés un processus d’évaluation de leurs diplômes, même s’ils n’ont pas accès à des documents officiels (Kohlenberg & Loo, 2020).

    La reconnaissance des diplômes étrangers consiste à vérifier si la formation et l’expérience professionnelle acquises dans un autre pays sont équivalentes aux normes établies pour les professionnels canadiens. Il s’agit d’un élément essentiel de l’intégration des immigrants sur le marché du travail et d’un facteur déterminant de leur réussite professionnelle, en particulier dans leur domaine de formation ou d’expertise.

    Le saviez-vous ?

    Saviez-vous que 25,8 % des immigrants (âgés de 25 à 64 ans) titulaires de diplômes obtenus à l’étranger ont été jugés surqualifiés pour leur poste actuel (Statistique Canada, 2022) ?

    De 2016 à 2021, le nombre de Canadiens (âgés de 25 à 64 ans) détenant un diplôme de baccalauréat ou plus a augmenté de 19,1 %. Les immigrants récents représentent près de la moitié de cette croissance. Cependant, plus d’un quart de tous les immigrants titulaires de diplômes obtenus à l’étranger ont déclaré travailler dans des emplois ne nécessitant, au maximum, qu’un diplôme d’études secondaires. Ce taux est deux fois plus élevé que celui des titulaires de diplômes nés au Canada ou ayant étudié au Canada (Statistique Canada, 2022).

    C’est une préoccupation majeure dans un pays où de nombreux immigrants obtiennent la résidence et l’entrée au Canada précisément en raison de leur formation et de leur expérience professionnelle. Dans le cadre de recherches futures, le CIMT examinera les lacunes dans le processus de reconnaissance des titres étrangers et évaluera les opportunités d’intervention.

    Pour les nouveaux arrivants qui souhaitent obtenir une attestation officielle, les deux principaux programmes multisectoriels proposés par le gouvernement fédéral sont le Programme de reconnaissance des titres de compétences étrangers et le Bureau d’orientation relatif aux titres de compétences étrangers.

    L’une des principales initiatives canadiennes visant à identifier et à mettre en œuvre de telles pratiques de reconnaissance des titres de compétences étrangers a été lancée par World Education Services (WES), une organisation de premier plan spécialisée dans l’évaluation des titres de compétences qui est active au Canada et aux États-Unis. Le programme Gateway de WES fournit des évaluations de diplômes aux personnes qui ont été déplacées en raison de troubles politiques, de conflits ou de catastrophes naturelles et qui n’ont pas accès à des documents vérifiables (Kohlenberg & Loo, 2020).

    Le service d’éducation comparée est un autre service d’évaluation des diplômes fourni par la School of Continuing Studies de l’Université de Toronto.

    Ces deux programmes proposent des évaluations de diplômes à des fins d’immigration, d’emploi, de certification professionnelle et d’admission aux études (Kohlenberg & Loo, 2020 ; University of Toronto, 2024). Bien que ces organisations soient accessibles en ligne au moyen de recherches générales et sur le site Web de l’IRCC, les informations détaillées sur leur fonctionnement ne sont pas facilement accessibles pour de nombreuses personnes.

    Les réfugiés ne savent pas comment faire évaluer leurs formations ou leurs titres professionnels au Canada

    Les chercheurs ont constaté que les réfugiés titulaires de diplômes professionnels acquis dans leur pays d’origine ignorent la procédure à suivre pour faire évaluer leur scolarité et leurs certificats au Canada.  

    Dans de nombreuses études, les personnes interrogées ont indiqué qu’elles n’avaient jamais été informées de la nécessité de faire évaluer leurs titres de compétences pour trouver un emploi (Grant & Nadin (2007 ; Banerjee, et al, [2021]).  

    Ainsi, nombre d’entre elles se sont appuyées sur les informations reçues d’amis – qui leur ont généralement donné l’impression qu’ils devaient reprendre leurs études du début (Bajwa et al., 2017). Dans une autre étude, un responsable politique a noté que l’absence d’équivalence des diplômes créait un vaste réservoir de main-d’œuvre facilement exploitable, comparant l’exploitation des immigrants et des réfugiés à une forme d’esclavage (Simich et al., 2005). 

    Bien que les services d’IRCC avant l’arrivée prétendent offrir aux réfugiés un accès aux évaluations des titres de compétences, des recherches montrent que plusieurs organisations canadiennes n’acceptent pas de nombreuses certifications professionnelles obtenues à l’étranger (Girard et Bauder, 2007). Si certains documents soulignent les efforts déployés par le Canada pour améliorer l’évaluation des titres de compétences (Kohlenberg et Loo, 2020), la plupart font état des difficultés persistantes auxquelles les réfugiés sont confrontés lorsqu’ils tentent de se familiariser avec cette forme de certification.

    Le système canadien de reconnaissance des diplômes étrangers, complexe et obscur, constitue un obstacle à l’emploi des réfugiés.

    Confirmant les connaissances existantes, les participants à cette étude ont non seulement découvert que leurs diplômes étrangers n’étaient pas reconnus à leur arrivée au Canada, mais ils ont également eu beaucoup de mal à trouver des informations sur le processus même de reconnaissance des diplômes.  

    Le processus de reconnaissance des titres de compétences est complexe et nécessite la collaboration d’un grand nombre d’intervenants. 

    Au Canada, la répartition constitutionnelle attribue aux provinces et aux territoires la responsabilité de l’octroi des certificats d’aptitude aux métiers et aux professions, les professions étant autoréglementées. Toutefois, le Québec a l’exclusivité de la reconnaissance des diplômes et des compétences pour les nouveaux immigrants qui s’installent sur son territoire. 

    Dans les cadres provinciaux et territoriaux, plus de 440 organismes de réglementation supervisent environ 55 professions.  

    De plus, plus de 200 établissements postsecondaires accrédités évaluent les titres de compétences aux fins de placement.  

    Enfin, cinq autres agences d’évaluation mandatées par les provinces évaluent les diplômes en vue du placement universitaire et de l’entrée sur le marché du travail. Les évaluations effectuées par ces agences permettent d’accéder à un métier ou à un emploi dans des professions non réglementées. 

    Des processus efficaces de reconnaissance des diplômes permettent aux professionnels formés à l’étranger de travailler dans leur domaine tout en garantissant au Canada des services sûrs et de hautes qualités. Cependant, les participants à cette étude ont indiqué que le système canadien de reconnaissance des titres de compétences étrangers constituait pour eux un obstacle à l’emploi et qu’ils trouvaient le processus de reconnaissance de leurs titres de compétences « difficile à comprendre » et qu’ils avaient l’impression de « circuler dans un labyrinthe ». 

    Ashwa, militante pour le droit des femmes, a déclaré :

    Je suis venue au Canada pour ma sécurité et celle de mes enfants, et j’étais bien sûr prête à faire des concessions sur le plan professionnel. Je voulais un endroit stable, sûr, avec moins de problèmes pour l’avenir de ma famille. Mais même après un an et demi, je ne suis toujours pas persuadée que mes diplômes comptent. Lorsque je me renseigne, tout le monde me dit des choses différentes, et c’est frustrant de ne pas savoir si mes compétences ont une valeur.

    De même, Abdul-Hafez, l’un des 350 réfugiés afghans qui ont atterri à Saskatoon en 2022, a déclaré :

    Je suis dans la quarantaine, je viens de quitter l’Afghanistan pour m’installer au Canada et j’essaie maintenant de comprendre cette histoire de titres de compétences étrangers. J’ai fait quelques recherches et j’ai découvert que j’avais besoin d’une évaluation des diplômes d’études (EDE) délivrée par une organisation autorisée. Le problème, c’est qu’il y a tellement d’arnaques en ligne et je ne sais pas si je dois payer pour ce service. Quand on cherche sur le Web, on trouve tellement de choses différentes. Et je ne suis même pas sûr d’avoir vraiment besoin de le faire pour mes diplômes en sciences sociales. Ce n’est pas aussi évident que pour les médecins ou les avocats. C’est un peu un casse-tête, et j’essaie d’y voir clair pour un meilleur avenir ici.

    Saba, une femme d’une cinquantaine d’années qui était éducatrice dans une école pour filles en Afghanistan, a connu les difficultés auxquelles sont souvent confrontés les professionnels formés à l’étranger au Canada :

    Je cherche du travail depuis notre arrivée à Calgary, mais sans succès. Je suis allée au service d’établissement et j’ai demandé si j’avais besoin d’une reconnaissance de mes titres de compétences acquis à l’étranger. On m’a répondu que oui, et que c’était assez cher. Je suis dépassée. Je suis repartie sans poursuivre les démarches. 

    La reconnaissance équitable des études et de l’expérience professionnelle acquises dans un autre pays est cruciale pour plusieurs raisons :  

    1. Les nouveaux arrivants au Canada éprouvent souvent de la frustration lorsqu’ils se retrouvent sous-employés (à des postes nettement inférieurs à leurs attentes en raison de l’impossibilité d’utiliser pleinement leur formation et leur expérience antérieures). Cette situation nuit aux individus, qui peuvent se retrouver à payer des frais de scolarité pour des cours identiques à ceux qu’ils ont déjà suivis. Elle a également des implications plus larges pour les contribuables et les gouvernements. 
    2. La non-reconnaissance des diplômes étrangers constitue un désavantage concurrentiel pour le Canada dans ses efforts pour attirer de nouveaux talents du monde entier. Les difficultés liées à l’accréditation diminuent l’attrait du Canada en tant que destination pour les travailleurs hautement qualifiés et éduqués. Cette situation peut, en retour, compromettre la capacité du pays à exploiter tout le potentiel d’une main-d’œuvre diversifiée et mobile. Le coût de ce manque est estimé entre 2,4 et 5,9 milliards de dollars.  

      En 2016, seuls 5 % des nouveaux immigrants cherchant à faire reconnaître leurs diplômes avaient un emploi rémunéré dans le domaine pour lequel ils avaient été formés, ce qui illustre l’ampleur du problème. 

      Un rapport du Conference Board du Canada (2016) fait ressortir les avantages économiques considérables que le Canada pourrait réaliser. En effet, le gain potentiel estimé se situe entre 13,4 et 17 milliards de dollars, grâce à un capital humain mieux employé résultant d’une meilleure reconnaissance des acquis de l’éducation et de la formation. Le rapport insiste sur ce point, puisque cela permettrait de réduire les taux de chômage et de sous-emploi. 

      Une reconnaissance rapide, équitable, efficace et accessible des titres de compétences est essentielle pour exploiter les compétences des nouveaux arrivants, promouvoir la croissance économique et maintenir la position du Canada en tant que destination attrayante pour les professionnels hautement qualifiés. 

      Saba recommande d’obtenir un retour
      d’information direct sur la reconnaissance des diplômes.

      « Je sais que c’est compliqué parce qu’il est important que le Canada et les professions aient accès aux personnes les plus qualifiées et les plus talentueuses, mais si vous le pouvez, créez des moyens pour que les nouveaux arrivants puissent partager leurs réflexions et leurs expériences sur le processus de reconnaissance de leurs titres de compétences. Ce type de retour d’information peut vous aider à déterminer ce qui fonctionne bien et ce qui doit être amélioré. En écoutant ce que les nouveaux arrivants ont à dire, nous pouvons apporter des changements aux programmes et services existants d’une manière équitable pour tous. »

      Formation linguistique : de nombreux obstacles empêchent les réfugiés de participer aux programmes de formation aux langues officielles, par ailleurs souvent trop rudimentaires

      La capacité à parler l’anglais ou le français est primordiale pour s’intégrer au marché du travail canadien.

      La formation linguistique est largement reconnue comme une composante essentielle pour faciliter la transition et réduire ainsi la pauvreté (Kaida, 2013 ; Auer, 2018 ; Ortlieb & Knappert, 2023). La maîtrise de la langue aide les individus à tisser des liens sociaux et professionnels. Par ailleurs, un niveau élevé de maîtrise de l’anglais améliore considérablement l’accès aux possibilités d’emploi des nouveaux arrivants au Canada (Beiser & Hou, 2001 ; Nakhaie, 2018).

      Cependant, de nombreux réfugiés se heurtent à des obstacles qui les empêchent d’accéder et de participer avec succès à des programmes de formation linguistique.

      Le gouvernement canadien propose des programmes de formation linguistique financés (avec un soutien pour l’apprentissage de l’anglais ou du français) : les Cours de langue pour les immigrants au Canada (CLIC) fournissent aux immigrants des compétences linguistiques de base au cours des premières années suivant leur arrivée, tandis que les Cours de langue de niveau avancé (CLNA) offrent une formation en anglais ou en français de niveau avancé et axée sur l’emploi (Li & Sah, 2019). Le programme des CLNA se déroule sur 14 semaines, puis est suivi d’un stage professionnel de 6 semaines.

      Les informations sur les cours de langue sont souvent accessibles par l’intermédiaire des programmes de services d’aide à l’établissement au Canada (Fang et al, 2018).

      Le rapport annuel du Conseil scolaire du district de Toronto concernant son programme de CLNA 2021-2022 fait état de 39 314 visites et utilisateurs de services, d’un taux de recommandation de 94 % et de 755 mises en relation avec des employeurs (Toronto District School Board Community Services, 2022).

      Les longs délais d’attente et l’absence de services de garde font partie des obstacles fréquents à la formation linguistique des réfugiés.

      Les CLNA ont été critiqués parce qu’ils « se concentrent sur la correction de l’accent des immigrants, l’anglicisation de leur nom et la conformité à l’image de l’employé canadien idéal afin d’accroître leur employabilité sans remettre en question la discrimination en matière d’emploi et l’inégalité entre les sexes auxquelles ces immigrants sont susceptibles d’être confrontés » (Li & Sah, 2019, p. 328).  

      D’autres chercheurs ont noté que les interactions avec les fonctionnaires peuvent également influencer les possibilités qu’ont les réfugiés d’améliorer leurs compétences linguistiques (Ortlieb & Knappert, 2023). Hou et al. (2023) examinent les composantes discursives et cognitives des récits de réfugiés qui opèrent parmi ceux qui interagissent le plus fréquemment avec les réfugiés. Ils notent que la perception des acteurs étatiques à l’égard des réfugiés en tant que personnes ayant besoin de protection peut avoir une incidence sur la manière dont ces fonctionnaires les conseillent et offrent ou suggèrent des possibilités d’apprendre à parler la (les) langue(s) locale(s).  

      Cette perspective renforce la nécessité de recherches théoriques approfondies sur la manière dont les concepts et la manière de présenter la situation des réfugiés influencent leur intégration sur le marché du travail (Beiser, 2006). 

      Les réfugiés sont confrontés à des difficultés supplémentaires concernant l’enseignement de la langue, car ils sont soumis à de longs délais d’attente en raison des coupes budgétaires, de la pénurie d’enseignants et d’autres problèmes liés aux ressources. Selon une étude, le temps d’attente des nouveaux arrivants pour accéder aux programmes linguistiques peut aller de quatre mois à deux ans (Li & Sah, 2019).  

      Pourtant, Hou & Beiser (2006) ont démontré que les progrès les plus importants en matière d’acquisition de la langue se produisent au cours des premières années de réinstallation. Le temps joue un rôle important dans la manière dont les réfugiés apprennent une langue et, par conséquent, dans la manière dont ils peuvent utiliser ces compétences pour entrer sur le marché du travail.  

      Les obstacles à l’acquisition de la langue par les réfugiés sont également liés à des facteurs liés au sexe et à l’âge. Les femmes réfugiées, en particulier, sont les moins susceptibles de maîtriser l’anglais ou le français à leur arrivée (Beiser & Hou, 2006). Les femmes sont souvent les principales responsables des enfants, ce qui peut limiter leur capacité à suivre des cours d’anglais langue seconde. Bien que des aménagements aient été prévus pour permettre l’apprentissage à distance, le manque de services de garde d’enfants continue d’entraver les progrès des nouveaux arrivants qui s’efforcent d’atteindre le niveau de compétences linguistiques nécessaire pour intégrer le marché du travail (Fang et al., 2018). 

      Pour de nombreux réfugiés, les expériences difficiles qu’ils ont vécues rendent difficile l’apprentissage de la langue du pays d’accueil avant leur départ (Ortlieb & Knappert, 2023).  

      De plus, dans certains programmes d’anglais langue seconde, l’accent est mis sur l’assiduité plutôt que sur la compréhension, ce qui rend l’apprentissage d’une langue particulièrement difficile (Fang et al., 2018). Les chercheurs ont suggéré que « la progression dans le programme devrait être axée sur les progrès plutôt que sur l’assiduité afin de garantir que chacun puisse terminer le programme avec une solide compréhension de la langue anglaise à son propre rythme » (Fang et al., 2018, p. 3).  

      Boyd et Cao (2009) affirment que de nombreux « programmes axés sur les compétences linguistiques » n’ont pas réussi à répondre au besoin pour les immigrants d’apprendre les langues cibles et, par conséquent, n’ont pas rempli leur mandat consistant à fournir le soutien dont les nouveaux arrivants ont besoin pour réussir leur transition vers le marché du travail.  

      Au Canada, il existe une nécessité avérée d’un plus grand nombre d’infrastructures de formation linguistique de haute qualité, conçues pour répondre aux besoins des réfugiés et s’adapter à leurs capacités afin de soutenir leur recherche d’emploi (Ortlieb & Knappert, 2023).  

      Comme le note Kaida (2013), de nombreuses recherches qualitatives portent sur les expériences vécues par les nouveaux arrivants au Canada et sur leur participation à des cours de langue. Toutefois, il existe peu de données quantitatives représentatives sur les résultats des formations linguistiques au Canada. Cette question devra également être approfondie.

      Le programme de cours de langue pour les nouveaux arrivants au Canada est inaccessible à ceux qui ont des horaires rigides et est souvent trop basique pour ceux qui parlent déjà un peu l’anglais.

      Presque toutes les personnes qui ont participé à cette étude ont commencé à suivre des cours de langue pour les immigrants au Canada (CLIC) dès leur arrivée. 

      Le CLIC est un service d’aide à l’établissement des immigrants offert dans le cadre du Programme d’établissement. Il est financé par IRCC et les frais de scolarité sont couverts pour les participants admissibles.  

      Nous avons eu l’occasion de recueillir les propos d’une formatrice du programme CLIC de l’Ontario qui nous a contactés après avoir entendu parler du projet de recherche par l’un de ses étudiants. Voici ce qu’elle nous a dit :

      Les formateurs du CLIC viennent d’horizons divers, et beaucoup d’entre nous sont également des immigrants. La plupart occupent plusieurs emplois pour joindre les deux bouts. Nous ne gagnons pas beaucoup d’argent et, en fait, nous faisons ce métier parce que nous voulons rendre service à nos communautés, contribuer à changer les choses et aider réellement les gens à apprendre. Mais de plus en plus, il y a une telle pression pour que les gens se présentent aux cours. C’est une question de nombre de personnes en classe. Nous continuons à recevoir des fonds parce qu’il est difficile de mesurer les résultats de l’apprentissage et parce que, en général, il faut beaucoup de temps aux étudiants pour passer d’un niveau à l’autre. Il semble donc que la seule façon de justifier les fonds publics octroyés soit de prouver constamment que nos classes sont pleines.

      Bien que tous les participants aient indiqué que l’information sur la disponibilité et l’admissibilité des CLIC était facilement accessible, beaucoup ont estimé que le programme ne répondait pas à leurs besoins en matière d’information ou d’éducation.

      Wahida, une mère de 25 ans avec trois jeunes enfants qui travaille à temps plein dans un magasin à grande surface de la région de Calgary, a déclaré :

      La politique stricte de présence aux cours a été un obstacle majeur pour de nombreux apprenants, moi y compris. Si vous manquez des cours, vous risquez d’être expulsé du programme. Beaucoup d’entre nous finissent par abandonner après des mois d’efforts, non pas parce qu’ils n’ont plus besoin d’apprendre la langue, mais parce qu’ils sont contraints de faire un choix difficile. Il s’agit de trouver un équilibre entre accepter n’importe quel emploi disponible pour subvenir aux besoins de nos familles et poursuivre nos études. Entre la survie, la famille et l’éducation, c’est un véritable dilemme pour beaucoup d’apprenants du programme CLIC.

      Hasan, un homme de 39 ans qui a suivi les conseils de son agent d’établissement et s’est inscrit à des cours du programme CLIC après son arrivée à Toronto, a fait remarquer :

      Le programme CLIC a pour but d’amener la personne à un niveau qui lui permettra de demander la citoyenneté canadienne. À ce stade, vous pouvez faire des choses élémentaires comme commander de la nourriture ou discuter de vos loisirs. Mais pour les personnes qui, comme moi, maîtrisent déjà un peu l’anglais à leur arrivée, ce n’est probablement pas le meilleur programme. Il ne permet pas d’atteindre le niveau nécessaire pour devenir des citoyens actifs et participer pleinement à la vie de la communauté.

      De même, Basheer, un ancien employé du ministère des Affaires intérieures de l’Afghanistan, a déclaré :

      Le CLIC est structuré en différentes étapes, bien sûr, mais dans sa forme actuelle, il semble que l’objectif principal soit d’amener les gens à se présenter et à signer la feuille de présence. Il ne devrait pas s’agir uniquement de préparer les examens de citoyenneté. Il est important que le CLIC nous aide également à acquérir des compétences linguistiques utiles dans la vie de tous les jours au Canada, ainsi qu’à nous développer et à exceller en tant que professionnels.

      Zaman, un homme d’une trentaine d’années et écrivain de langue perse, souhaitait améliorer ses compétences linguistiques bien qu’il ait une connaissance de base de l’anglais. Il a trouvé les offres du programme CLIC décevantes. Par exemple, il a été frustré par le fait que la majorité des séances se déroulaient à distance. Il a également fait remarquer que le programme ne s’adressait pas à un public très large :

      J’ai été déçue parce que ces programmes semblent davantage destinés aux personnes qui ne connaissent pas beaucoup l’anglais, à celles qui n’ont jamais appris l’anglais ou aux personnes plus âgées pour qui l’apprentissage de nouvelles langues est difficile.

      De nombreux participants à cette étude partagent un même sentiment : le niveau des cours CLIC n’est pas adapté aux personnes ayant déjà une certaine connaissance de l’anglais, et le contenu laisse aussi beaucoup à désirer.

      Encore une fois, il est important de noter que la cohorte de réfugiés afghans de notre étude était principalement composée de personnes très instruites. Leur expérience des programmes de formation linguistique peut ne pas refléter celle de tous les nouveaux arrivants.

      Isaad recommande une offre de formations linguistiques
      diversifiées plutôt qu’une formule uniforme pour tous.

      « Je suggérerais un programme pilote dont le contenu serait adapté au niveau d’éducation et aux attentes des personnes très instruites, et qui fournirait une formation linguistique plus poussée en fonction des besoins. »

      Conclusion

      Dès leur arrivée au Canada, les réfugiés se heurtent à des obstacles (Oudshoorn et al., 2020 ; Rose, 2019 ; Rose & Charette, 2020) : 

      • Trouver un emploi décent 
      • Obtenir un revenu équitable et viable 
      • Développer de solides compétences linguistiques 
      • Faire reconnaître leurs diplômes 
      • Recevoir un soutien familial adéquat 
      • Maintenir une bonne santé mentale 
      • Vivre dans un logement adapté  

      Les défis auxquels les réfugiés sont confrontés sont amplifiés par l’inaccessibilité d’informations à jour et pertinentes, ce qui nuit à leur intégration sur le marché du travail.

      L’accès à l’IMT – que ce soit à travers les services d’établissement, les réseaux sociaux et professionnels, les cours de langue ou l’évaluation des diplômes – est essentiel pour les réfugiés, qui constatent souvent que ces services ne sont pas fournis ou qu’ils sont difficiles d’accès.

      Le manque d’informations accessibles empêche les réfugiés de s’adapter avec succès à leur nouvel environnement. Ce résultat met en évidence le rôle crucial de l’accès à l’information au cours des phases initiales de l’intégration.

      Les réfugiés afghans avec lesquels nous nous sommes entretenus ont invariablement insisté sur le fait que l’IMT était un des principaux besoins d’information à leur arrivée.

      Malgré des expériences généralement positives à l’égard de certains aspects de leur arrivée et de leur découverte du Canada, comme les logements temporaires ou de transition qui leur ont été fournis, les participants ont tous exprimé une certaine déception quant au manque d’informations sur le marché du travail. Selon le contexte, l’IMT était soit absente, soit inadéquate lors de leur établissement initial. 

      En offrant diverses séances d’information, les services d’établissement ont joué un rôle essentiel pendant les séjours des réfugiés dans les hôtels de transition. Toutefois, les participants ont souligné les limites de la profondeur et de la spécificité de l’IMT fournie.

      Le soutien disponible sur les sites web et dans les ateliers doit être plus dynamique afin de répondre aux besoins uniques de nombreux réfugiés.

      Les réfugiés afghans avec lesquels nous nous sommes entretenus ont salué le soutien général qu’ils ont reçu, mais un sentiment unanime s’est dégagé quant à l’inadéquation de l’IMT qui leur a été fournie. Les services d’établissement, qui visent à faciliter l’intégration des nouveaux arrivants au marché du travail, ont été critiqués pour leur accompagnement trop élémentaire.  

      Ce sentiment était particulièrement marqué chez les personnes hautement qualifiées ou éduquées, telles que Morsal, une éminente avocate, ou Shehzad, un enseignant, qui estimaient que leurs compétences n’avaient pas été prises en compte. 

      Les participants ont demandé des conseils plus personnalisés sur les possibilités d’emploi, l’alignement des compétences, la maîtrise de la langue et les programmes d’éducation, ce qui révèle un écart entre les informations fournies et les informations nécessaires pour répondre aux besoins propres à cette cohorte. 

      Des témoignages individuels ont mis en évidence les frustrations des participants. Par exemple, Kashm (journaliste), qui a voulu savoir comment présenter ses diplômes internationaux, s’est vu proposer des emplois qui ne lui correspondaient pas. Isaad, quant à lui, a souligné la sous-utilisation de ses compétences en tant que traducteur titulaire d’une maîtrise travaillant chez Walmart. D’autres personnes ont fait écho à son expérience, notamment Samira, une infirmière qui a également constaté que les services d’aide à l’emploi disponibles ne répondaient pas à ses besoins.

      Les relations interpersonnelles, les connaissances informelles et les réseaux jouent un rôle essentiel dans la compréhension qu’ont les réfugiés des ressources et des occasions qui s’offrent à eux.

      Les participants à notre étude ont souligné l’importance de disposer de réseaux informels et d’interactions personnelles pour répondre aux besoins d’information sur les possibilités d’emploi et l’établissement au Canada.  

      Ils ont tous mentionné l’utilité des informations obtenues de bouche à oreille, souvent par l’intermédiaire d’amis, de membres de la famille et de compatriotes afghans qu’ils ont rencontrés au Canada.

      Nos conclusions, en cohérence avec la recherche existante, révèlent un manque d’information critique et mettent en évidence la nécessité d’initiatives plus ciblées pour combler le fossé entre les compétences des réfugiés et les occasions offertes au Canada.

      La reconnaissance des diplômes étrangers, qui est apparue comme un défi important pour les participants, reflète les problèmes plus généraux auxquels sont confrontés les réfugiés qui tentent d’entrer sur le marché du travail canadien.

      Les participants ont exprimé leur frustration face à la complexité du processus de reconnaissance des titres de compétences, le comparant à un labyrinthe.

      Plusieurs participants, dont Ashwa, Abdul-Hafez et Saba, ont fait part de leurs difficultés à comprendre la nécessité d’une évaluation des diplômes et à trouver des organisations autorisées parmi les nombreuses options en ligne.

      Les réfugiés afghans ont évoqué les obstacles que rencontrent les nouveaux arrivants pour faire évaluer leurs titres de compétences étrangers et la manière dont cela compromet leur capacité à trouver un emploi intéressant.

      Le processus de reconnaissance des diplômes au Canada est complexe et implique différents intervenants, tels que les organismes de réglementation, les agences d’évaluation et les établissements d’enseignement des provinces et des territoires.

      Malgré les efforts du Canada, les participants à cette étude ont déploré le manque d’informations claires et accessibles sur le processus. La non-reconnaissance des titres de compétences étrangers a également été perçue comme un obstacle à l’emploi, entraînant frustration et sous-emploi chez les nouveaux arrivants.

      Il existe un besoin évident d’infrastructures de formation linguistique plus adaptées et plus flexibles, qui répondent aux différents niveaux de compétence linguistique des réfugiés et des immigrants au Canada.

      La maîtrise de la langue est essentielle à la capacité des nouveaux arrivants à s’intégrer sur le marché du travail canadien. Les participants ont reconnu l’importance des compétences linguistiques pour nouer des contacts sociaux et professionnels, une meilleure maîtrise de la langue étant corrélée à un meilleur accès aux occasions d’emploi.

      Cependant, les participants à l’étude, dont la plupart avaient un niveau d’éducation élevé, ont estimé que les programmes de formation linguistique existants ne correspondaient ni à leurs attentes ni à leur expérience antérieure de l’anglais (ou à leur niveau).

      Cette étude explore les expériences uniques d’un groupe particulier de réfugiés. Nous reconnaissons les limites potentielles de la généralisation à toutes les populations de réfugiés.

      Toutefois, nos résultats font ressortir un thème qui se retrouve dans toutes les communautés d’immigrants étudiées dans un nombre croissant d’ouvrages : il subsiste d’importantes lacunes en matière d’IMT pour les nouveaux arrivants. Dans l’ensemble, notre recherche révèle que les immigrants au Canada n’ont souvent pas accès aux services d’information sur le marché du travail dont ils ont besoin pour s’intégrer et s’épanouir dans leur nouveau pays.

      Remerciements

      Ce rapport a été réalisé par Suzanne Spiteri, responsable de la recherche au CIMT. 

      Nous remercions Kyla Simms et Wazhma Azizi pour leurs contributions essentielles, leurs conseils et leurs idées.  

      Pour plus d’informations sur ce rapport, veuillez contacter Suzanne Spiteri à suzanne.spiteri@lmic-cimt.ca 

      Comment citer ce rapport

      Spiteri, S. (2024). La réussite des réfugiés sur le marché du travail canadien: besoins et lacunes en matière dinformation sur le marché du travail. Ottawa: Conseil de linformation sur le marché du travail (CIMT).

      Notes

      1 La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés du Canada (2001) définit les réfugiés comme des individus ayant « une crainte fondée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social en particulier ou de ses opinions politiques, ou qui risque la torture ou des peines ou traitements cruels et inusités ». Les définitions des réfugiés et des demandeurs d’asile varient selon les disciplines et les contextes pratiques, y compris les cadres juridiques, les analyses statistiques et les critères d’admissibilité aux prestations sociales (Ortlieb & Knappert, 2023). Dustmann et al. (2017) soulignent la nature involontaire et spontanée de la migration des réfugiés, qui découle de circonstances telles que la violence, les conflits ou les catastrophes naturelles. En revanche, les décisions de relocalisation des migrants économiques sont principalement motivées par les avantages économiques anticipés, qui influencent leur choix de pays de destination. Certains chercheurs contestent complètement la distinction stricte entre réfugiés et migrants économiques, affirmant que ces catégories ne sont pas fixes mais plutôt fluides, et que les facteurs politiques, économiques et sociaux qui poussent les individus à quitter leur pays d’origine sont intimement liés et entrelacés.

      2 Le Canada offre trois canaux distincts pour ladmission des réfugiés: le Programme des réfugiés pris en charge par le gouvernement (RPG), une filière de parrainage privé et le Programme mixte des réfugiés désignés par un bureau des visas (RDBV). Dans le cadre du RPG, le HCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés) réfère les réfugiés à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, où ils sont soumis à des processus et à des entrevues menés par des agents dimmigration. Si leur demande est approuvée, les réfugiés pris en charge par le gouvernement reçoivent un soutien et des services complets de réinstallation de la part du gouvernement pendant une période pouvant aller jusquà un an après leur arrivée. Dautre part, les réfugiés parrainés par le secteur privé sont identifiés et soutenus par des membres de leur famille ou des groupes de la société civile au Canada. Ces parrains prennent la responsabilité de subvenir aux besoins des réfugiés réinstallés après leur arrivée dans le pays. Enfin, le programme RDBV combine des éléments daide gouvernementale et de parrainage privé. Les réfugiés dans le cadre du programme RDBV sont recommandés par le HCR et reçoivent un soutien financier du gouvernement canadien pour une période déterminée, tandis que leur réinstallation est facilitée par des parrains privés.

      3 Bien que lautosuffisance économique puisse représenter une interprétation étroite dune réinstallation réussie, la réalité actuelle est que certains chercheurs et décideurs politiques se concentrent uniquement sur la participation des réfugiés à un travail rémunéré (Brell et al., 2020). Dautres soutiennent quil est également important de prendre en compte la qualité des emplois des réfugiés et leurs expériences sur le lieu de travail (Gericke et al., 2018; Szkudlarek et al., 2021; Hess et al., 2019 ; Fedrigo et al., 2023).

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