Le CIMT se penche sur les professions à risque en raison du vieillissement de la main-d’œuvre
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Au Canada, la main-d’œuvre vieillit, et le nombre de travailleurs et travailleuses approchant l’âge de la retraite n’a jamais été si élevé.
Au cours des dernières décennies, la moyenne d’âge canadienne a augmenté, et la proportion de personnes âgées de 55 ans et plus est plus élevée que jamais.
Selon les estimations démographiques de Statistique Canada, le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus a augmenté de 36,9 % entre 2013 et 2022, pour atteindre un total de 7,3 millions. Suivant cette tendance, le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus atteindra les 9,4 millions d’ici 2023.1
Le marché du travail reflète ces tendances : la proportion de personnes employées dans ce groupe d’âge a atteint un niveau record. En 2022, le Canada comptait environ 4,3 millions de travailleurs et travailleuses d’âge mûr (55 ans et plus), soit 21,6 % des travailleurs et travailleuses âgés de 15 ans et plus (voir figures 1 et 2).
Au cours des 20 dernières années, les personnes d’âge mûr ont connu la croissance démographique la plus rapide sur le marché du travail canadien. En 2022, ils représentaient un travailleur sur cinq, alors qu’ils n’étaient qu’un sur huit en 2003.
Figures 1 et 2 : les taux d’emploi des travailleurs âgés augmentent
Figure 1 : Nombre de travailleurs par groupe d’âge, 2003-2022
Figure 2 : Part des travailleurs par groupe d’âge, 2003-2022
La hausse du nombre de personnes à la retraite risque d’avoir des conséquences sur le marché du travail et les programmes gouvernementaux, en plus d’entraîner un rétrécissement de l’assiette fiscale. En outre, le vieillissement de la population est susceptible de peser plus lourdement sur les systèmes de soins de santé et de sécurité sociale du Canada.
Dans ce contexte, le CIMT investigue pour savoir quelles professions seront potentiellement exposées à des pénuries de main-d’œuvre ou de compétences en raison d’une forte présence de personnes d’âge mûr.
En amont de la publication du rapport complet et de ses conclusions, cet article présente ce que nous savons des facteurs qui contribuent au vieillissement de la main-d’œuvre et ceux qui l’atténuent.
Quels sont les facteurs contribuant au vieillissement de la main-d’œuvre au Canada?
Le vieillissement de la main-d’œuvre canadienne est le résultat de plusieurs facteurs dont les conséquences sont plus ou moins grandes.
Les baby-boomers : Un groupe démographique de taille
L’un des facteurs majeurs contribuant au vieillissement de la main-d’œuvre est lié à la cohorte des baby-boomers, les personnes nées entre 1946 et 1965 et aujourd’hui âgées de 58 à 77 ans. Son poids démographique dépasse la cohorte qui la précède autant que celle qui la suit. En 2023, si certains d’entre eux ont pris leur retraite, ils sont nombreux à être toujours sur le marché du travail. Cette présence persistante des baby-boomers sur le marché du travail participe à la hausse de l’âge moyen de la main-d’œuvre.
Hausse de l’âge moyen de la retraite
Les travailleurs et travailleuses d’âge mûr tendent à rester plus longtemps sur le marché du travail par rapport aux générations précédentes. En effet, l’âge réel moyen de départ à la retraite a augmenté de 2,9 ans au cours des deux dernières décennies, passant de 61,7 ans en 2013 à 64,6 ans en 2022.
Cette tendance se reflète également dans le taux d’emploi des personnes âgées. Au cours de ces mêmes 20 années, le taux d’emploi des personnes âgées de 55 à 59 ans est passé de 59,7 % à 72,3 %, tandis que celui des personnes âgées de 60 à 64 ans est passé de 37,4 % à 53 %. La décision des personnes âgées de prolonger leur vie professionnelle contribue à l’accroissement du poids relatif des personnes d’âge mûr au sein de la main-d’œuvre globale ainsi qu’au vieillissement général de la main-d’œuvre.
Baisse des taux de fécondité
La baisse des taux de fécondité ralentit l’arrivée de jeunes travailleurs et travailleuses sur le marché du travail. Le Canada est répertorié comme un pays à faible taux de fécondité, lequel est en constante diminution depuis 2009. Il a même atteint un taux historiquement bas de 1,4 enfant par femme en 2021. Lorsque le taux de fécondité est en dessous de deux enfants par femme, il ne suffit pas à maintenir les niveaux de population actuels.
Les jeunes commencent à travailler plus tard
Un grand nombre de jeunes Canadiens et Canadiennes ont reporté leur entrée sur le marché du travail afin de poursuivre des études postsecondaires, généralement dans des programmes nécessitant plusieurs années d’études. En 2019, 73 % des personnes âgées de 25 à 34 ans avaient obtenu un diplôme d’études postsecondaires, contre 59 % en 2000. Cette proportion plus élevée est principalement due à une augmentation du nombre de jeunes ayant obtenu un baccalauréat, une maîtrise ou un doctorat par rapport à la génération plus âgée (55 à 64 ans), soit 39 % contre 24 %. Le pourcentage de diplômés du CÉGEP et de certificats de formation professionnelle est resté relativement stable.
Qu’est-ce qui ralentit le vieillissement de la main-d’œuvre au Canada?
Qu’est-ce qui ralentit le vieillissement de la main-d’œuvre au Canada?
Participation croissante des femmes au marché du travail
D’abord, la participation des femmes au marché du travail a augmenté au cours des dernières décennies. Parce qu’elles ont tendance à prendre leur retraite plus tôt que les hommes – l’âge moyen de la retraite était de 65,5 ans pour les hommes et de 63,6 ans pour les femmes en 2022 – les femmes contribuent à réduire l’âge moyen de la main-d’œuvre.
Dans certaines professions, l’entrée des femmes sur le marché du travail a compensé la perte de travailleurs. C’est le cas, par exemple, des médecins de famille, où le départ des travailleurs plus âgés a été compensé par l’arrivée de femmes.
Hausse de l’immigration
L’afflux d’immigrants, généralement plus jeunes que la population générale, contribue également à réduire l’âge moyen de la main-d’œuvre. En 2021, plus de 8,3 millions de personnes, soit près d’un quart (23,0 %) de la population, étaient soit des immigrants reçus, soit des résidents permanents au Canada. En outre, l’emploi des jeunes personnes immigrées affiche une tendance positive par rapport à celui des jeunes personnes nées au Canada.
Comme nous l’avons mentionné plus haut, les taux de fécondité au Canada ne sont pas suffisants pour maintenir la population à son niveau actuel. Si l’immigration joue un rôle prépondérant dans la croissance démographique – environ 80 % de l’augmentation de 1,8 million de la population canadienne entre 2016 et 2021 est le fait des nouveaux arrivants –, elle n’a pas suffi à compenser les autres facteurs qui contribuent au vieillissement de la main-d’œuvre canadienne.
La voie à suivre : le CIMT se penche sur les professions à risque en raison du vieillissement de la main-d’œuvre
Le prochain rapport du CIMT examinera la composition par âge de la main-d’œuvre canadienne de différentes professions et régions et fournira des perspectives sur les professions qui risquent de connaître des pénuries de main-d’œuvre ou de compétences en raison du fort recours à des personnes d’âge mûr.
Le rapport expliquera comment utiliser des données sur le marché du travail facilement accessibles pour mieux connaître le risque de pénuries de main-d’œuvre dues aux départs à la retraite à un niveau granulaire. Il fournira aussi un aperçu de l’examen initial de la composition par âge, qui servira de guide pour l’interprétation et l’application de l’analyse aux niveaux régional et professionnel.
L’accès à des informations complètes sur le marché du travail peut aider à déterminer quelles sont les régions et les professions qui risquent le plus de souffrir d’une pénurie en raison du départ massif à la retraite des travailleurs et travailleuses d’âge mûr. Les entreprises pourront ainsi planifier de façon stratégique la gestion de leur main-d’œuvre et les responsables politiques pourront mettre en œuvre des mesures visant à atténuer l’impact de ces départs à la retraite.
Laura Adkins-Hackett
Économiste
Laura Adkins-Hackett contribue à l'analyse et au développement de l'information relative au marché du travail au Canada. Elle se consacre avec passion à comprendre les raisons pour lesquelles l'économie fonctionne comme elle le fait et la meilleure façon d'utiliser la main-d'œuvre et les autres ressources pour améliorer la vie des Canadiens et des Canadiennes.
Anne-Lore Fraikin
Responsable de la recherche
Dr. Fraikin contribue à l'analyse et au développement de l'information sur le marché du travail au Canada. Elle apporte son expertise en analyse des politiques publiques, en microéconomie et en microéconométrie ainsi qu'en économie du marché du travail, de la population et publique.