Perturbations, répartition et données
Le 27 février, nous avons participé à la conférence Building Connections 2019, organisée par le Pôle d’emploi d’Ottawa. Des décideurs, des chercheurs, des groupes d’experts et des praticiens s’y sont rassemblés pour discuter d’une variété d’enjeux. Nous avons entre autres abordé les approches émergentes de l’exploration et de la promotion de carrières, les meilleures pratiques en développement de la main-d’œuvre, ainsi que les conséquences de l’intelligence artificielle et de l’automatisation sur le monde du travail.
Nous avons partagé la scène avec le Centre des Compétences futures pour présenter le discours introductif de la conférence, où nous avons mis l’accent sur la nécessité de surveiller les défis de répartition susceptibles de survenir dans l’avenir du travail et de répondre à ces problèmes, ainsi que sur le rôle majeur des compétences à cet égard. Dans le même ordre d’idées, nous avons participé à une table ronde captivante sur l’intelligence artificielle et l’automatisation, soulignant l’importance d’inscrire la révolution technologique actuelle dans une perspective historique plus large (voir la présentation de Tony ici). Trois thèmes liés aux conséquences sur le marché du travail et à l’avenir du travail ont résonné dans les discussions tout au long de la journée : les perturbations, la répartition et les données.
Le rythme actuel des changements technologiques continue de perturber le marché du travail et les marchés financiers. Il est difficile de prévoir ou même d’imaginer la forme précise que prendront les perturbations futures. Les innovations technologiques passées ont éliminé certaines professions et mené à de nouvelles façons de travailler et de nouveaux emplois. Toutefois, certains ont fait valoir que la révolution de l’intelligence artificielle pourrait s’avérer différente. Comme les machines deviennent en mesure d’accomplir à la fois des tâches courantes et des tâches d’initiative, elles sont de plus en plus capables de réaliser du travail cognitif complexe comme écrire de la musique (en anglais). Quelles perturbations entraîneront de telles innovations? Personne ne peut le savoir avec certitude.
Ce qu’on sait, c’est que les compétences requises pour réussir changent et que d’autres facteurs pourraient transformer aussi profondément le monde du travail. Le vieillissement de la population, l’évolution de la structure des échanges commerciaux et les changements climatiques ne sont que quelques exemples des tendances principales qui donneront lieu à des perturbations majeures du marché du travail. De plus, ces tendances se poursuivent en parallèle, ce qui accroît les incertitudes quant aux interactions possibles qui pourraient les faire s’atténuer ou s’exacerber mutuellement. Ces incertitudes sont amplifiées par le fait que la majorité de la recherche se penche généralement sur un facteur isolé des autres (comme le montre notre bibliographie annotée sur l’avenir du travail).
Répartition : les résultats nets masquent les inégalités
S’il y a une chose qu’on a retenue des perturbations passées, c’est que les bénéfices du changement ne sont pas partagés également. À titre d’économistes, nous nous concentrons trop souvent sur les avantages nets pour la personne moyenne ou représentative de la population, sur de longues périodes. De tels calculs indiquent les bénéfices économiques globaux, mais oublient le fait que ces changements impliquent inévitablement des gagnants et des perdants. Plus encore, les gens qui sont négativement affectés par les perturbations majeures sont typiquement ceux qui ont le moins de ressources pour absorber le changement et tirer avantage de nouvelles occasions.
En ce qui concerne l’avenir, les révolutions technologiques passées montrent que les répercussions à long terme mèneront à des gains nets et globaux. Malgré cela, il y aura d’importantes conséquences sur le plan de la répartition – conséquences qui exacerberont les inégalités en matière de revenu, d’opportunités, de compétences et d’éducation. C’est à ces répercussions que les décideurs doivent s’attaquer. L’importance de répondre à l’inégalité des effets de l’avenir du travail est d’autant plus grande que les économistes reconnaissent de plus en plus l’inégalité elle-même comme un frein à la croissance économique.
Données : de bonnes preuves pour de bonnes politiques
Les données fiables et de qualité sont essentielles au développement de politiques efficaces afin de répondre aux conséquences de répartition tout en tirant profit de nouvelles opportunités. Si nous voulons tirer parti de la nature changeante du travail et relever les défis complexes à venir, il est urgent d’apporter des preuves plus précises au débat politique, sous forme de renseignements et de perspectives exploitables.
Au Conseil de l’information sur le marché du travail, notre rôle est d’améliorer la rapidité, la fiabilité et l’accessibilité de l’information sur le marché du travail. Il est essentiel de le faire pour cerner les besoins des Canadiens en la matière et y répondre, particulièrement les besoins relatifs aux changements technologiques, au vieillissement de la population, à la transition vers une économie verte ou à d’autres facettes de l’économie mondiale.
On doit aller au-delà des évaluations « moyennes » et « nettes » afin de déterminer les conséquences réelles, positives et négatives, pour les personnes réelles, dans leur profession et dans leur région. Dans un pays aussi diversifié que le Canada, c’est incontournable.
Steven Tobin est directeur exécutif du Conseil de l’Information sur le marché du travail (CIMT). Steven assume la direction stratégique et la gestion d’ensemble du CIMT. Il est appuyé par le conseil d’administration et renseigné par les deux comités consultatifs du CIMT.
Tony Bonen est le Directeur de la recherche, des données et de l’analytique du CIMT. Il dirige l’équipe d’économistes du CIMT, dont les sujets d’étude relèvent de tous les domaines, depuis les divers besoins d’information sur le marché du travail jusqu’aux possibles répercussions de l’évolution du monde du travail au Canada.