Un événement sur l’avenir du travail pas comme les autres
Le monde du travail se transforme. Si on regarde le nombre de nouvelles possibilités de carrière émergeant des avancées technologiques, les restructurations et perturbations des emplois et le domaine florissant de la prévision des pertes et gains d’emplois, c’est évident. À titre d’économiste au CIMT et membre du conseil d’administration de la Ottawa Economics Association (OEA), ces tendances émergentes et incertaines m’intéressent particulièrement. J’étais donc emballée d’apprendre que Georg Fischer, associé de recherche principal au Vienna Institute for International Economic Studies, était de passage à Ottawa le mois dernier pour donner une conférence dans le cadre d’une activité de réseautage conjointe de l’OEA et de la Canadian Association of Business Economics (CABE). M. Fischer était interviewé par la présidente du CABE, Armine Yalnizyan. Étant donné l’expérience international de M. Fisher en politiques sociales et le rôle de Mme. Yalnizyan en tant que conseillère en politiques auprès du sous-ministre d’Emploi et Développement social Canada, je savais que je n’étais pas dans un quelconque évènement sur l’avenir du travail.
En travaillant avec mes collègues sur la bibliographie annotée sur l’avenir du travail du CIMT, j’ai vu revenir souvent l’idée de quantifier le risque de remplacement de différents emplois par des machines. Je m’attendais donc à ce que M. Fischer se concentre sur le même sujet. Mais à ma grande surprise, il a plutôt discuté d’un autre risque important que comporte l’avenir du travail : la diminution de la qualité des emplois.
Comment définir la qualité d’un emploi?
Selon M. Fischer, le plus grand risque auquel fait face le marché du travail au 21e siècle n’est pas la perte d’emplois comme telle, mais plutôt la diminution de la qualité des emplois. Ce risque s’explique principalement par la polarisation croissante des emplois : une proportion en baisse des emplois à revenu moyen et une augmentation des emplois à revenu faible et élevé. Bien que ses propos portaient surtout sur l’Union européenne (UE), la polarisation des emplois survient aussi en contexte canadien (voir Green & Sand, 2013).
En 2016, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a présenté un cadre permettant de mesurer et de comparer la qualité des emplois d’un pays à l’autre. Ce cadre comporte trois dimensions principales : la qualité des revenus, la sécurité sur le marché du travail et la qualité de l’environnement de travail. Le tableau ci-dessous présente un aperçu de ces dimensions ainsi que leurs tendances récentes et la façon dont le Canada se compare aux autres économies de l’OCDE.
Source : Georg Fischer, OCDE.
* NEET est l’acronyme de Not in employment, education, or training (ni en emploi, ni aux études, ni en formation).
Qu’est-ce qu’on peut faire?
Selon M. Fischer et l’OCDE, une meilleure qualité des emplois améliorerait la santé et la productivité des travailleurs, ce qui entraînerait une amélioration des résultats et de la croissance économique en général. L’amélioration de la qualité des emplois demandera des politiques intelligentes. Fischer soutient que des politiques sociales inclusives peuvent agir comme stabilisateurs automatiques et aider à réduire les conséquences négatives de la chute de la qualité des emplois. Il s’agit par exemple de faciliter l’accès à de la formation abordable et utile pour le développement de compétences, d’améliorer les programmes d’assurance-emploi et d’offrir un revenu minimum universel. En réformant les politiques de protection sociale et les lois sur le marché du travail, les gouvernements peuvent veiller à ce que les travailleurs à faible salaire aient un niveau de vie qui encourage la créativité et l’innovation, et leur permet de suivre le monde changeant du travail.
La voie à suivre : la proactivité, pas le rattrapage
En étant proactifs quant à l’avenir du travail – c’est-à-dire en mettant en œuvre une stratégie qui privilégie l’inclusion sociale –, on pourra tirer profit des nombreuses occasions qu’offrent les nouvelles technologies.
Pour plus de précisions sur le contexte de l’avenir du travail et son rapport à l’économie canadienne, ne manquez pas la bibliographie annotée du CIMT.
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Bolanle Alake-Apata est économiste au CIMT. Son travail se concentre sur la recherche d’information sur le marché du travail à l’intention des nouveaux immigrants et des étudiants.