Collaboration spéciale : s’orienter sur les marchés du travail en tant que réfugiée au Canada
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Pour les réfugiés au Canada, l’accès à l’information sur le marché du travail (IMT) est parsemé d’embûches et varie en fonction de la voie d’immigration par laquelle ils sont arrivés. Pour combler les lacunes en matière d’information et trouver un emploi, les réfugiés comptent souvent sur des réseaux informels ou sur leurs expériences passées.
Au Canada, nous ne disposons pas de suffisamment d’informations sur l’utilisation de l’IMT par les réfugiés.
Le CIMT a récemment publié un rapport sur les expériences des réfugiés sur le marché du travail canadien. Pour réaliser ce rapport, nous nous sommes entretenus avec 25 réfugiés afghans qui ont demandé l’asile au Canada en 2021. Nous nous sommes concentrés sur leurs expériences directes avec l’IMT et les services d’aide à l’emploi, sur le processus d’établissement et sur les circonstances de leurs premières années au Canada.
Le rapport, intitulé La réussite des réfugiés sur le marché du travail canadien : besoins et lacunes en matière d’IMT, résume nos connaissances au sujet de l’expérience des réfugiés sur le marché du travail au Canada et inclut une étude de cas fondée sur des témoignages recueillis auprès des réfugiés qui met en lumière les besoins, les lacunes, les obstacles et les possibilités en matière d’IMT.
Wazhma Azizi, aujourd’hui résidente permanente au Canada, est arrivée d’Afghanistan avec la cohorte de réfugiés ayant participé à notre étude. Chercheuse expérimentée et gestionnaire de programme ayant déjà travaillé avec le Free and Fair Elections Forum of Afghanistan, Wazhma s’est jointe au CIMT en tant que consultante de recherche pour ce rapport. Elle a dirigé le recrutement des participants de la communauté afghane et a apporté des idées et des recommandations précieuses qui ont aidé à façonner la conception et la méthodologie de la recherche.
Dans cet article, Wazhma explique comment l’IMT a influencé son parcours personnel après son arrivée au Canada en tant que réfugiée en provenance d’Afghanistan.
Je suis née dans le chaos de la guerre et j’ai passé ma jeunesse au cœur d’un pays déchiré par les conflits, l’Afghanistan. Très tôt, ma vocation s’est imposée : défendre les droits des femmes dans une société où une telle action se heurtait à une opposition farouche, notamment de la part de groupes tels que les talibans.
Malgré ces difficultés, je me suis consacrée à la cause et j’ai joué un rôle important dans la société et la politique afghanes. Mon histoire a cependant pris une autre direction lorsque les circonstances m’ont forcée à quitter ma terre natale et à chercher refuge dans un pays étranger, le Canada. Voici le récit de mon parcours, depuis les rues d’Afghanistan dévastées par la guerre jusqu’aux avenues prometteuses du Canada.
En Afghanistan, la défense des droits politiques des femmes n’était pas seulement un choix. C’était une nécessité. La création du Groupe de défense des droits politiques des femmes témoigne de ma résilience et de ma détermination. J’ai dû faire face à l’opposition, à la peur et aux menaces, mais je n’ai jamais perdu ma résolution. La mise en œuvre du système de quotas en 2004 – qui prévoit un nombre minimum de sièges parlementaires pour les femmes – a marqué une étape importante et augmenté la représentation des femmes sur la scène politique afghane. Mon combat ne visait pas seulement à briser les barrières. Il s’agissait de briser les stéréotypes et d’ouvrir la voie aux futures générations de femmes afghanes.
Mais ma vie a pris un virage inattendu lorsque, avec mon mari, un journaliste, et notre jeune fils, nous sommes devenus des réfugiés au Canada. Le Canada est connu pour son inclusivité et sa diversité, mais la transition a été loin d’être facile. Le conflit entre mon identité passée et la nécessité de tout recommencer dans un pays étranger m’a fait douter de moi-même. Je me suis questionnée : toutes ces années d’éducation et de militantisme en Afghanistan n’avaient-elles servi à rien ?
À mon arrivée au Canada, je ne savais pas comment trouver un emploi. Je ne savais pas comment rédiger un CV, où postuler, ni même quelles étaient les compétences requises. Comprendre la culture du travail au Canada et faire reconnaître mes diplômes et compétences me paraissait terriblement compliqué. J’ignorais l’existence de services d’aide et je ne savais pas comment entrer en contact avec des employeurs potentiels. C’était comme tenter de résoudre un casse-tête sans avoir toutes les pièces.
La source la plus précieuse d’informations sur le marché du travail pour moi, en tant que réfugiée, a été mes contacts et ma communauté. Bien qu’il existe d’autres ressources, c’est grâce à ces réseaux personnels que je suis entrée en contact avec un groupe de bénévoles qui m’ont guidée dans la mise à jour de mon CV et la création d’un profil LinkedIn, m’a donné des conseils personnalisés, a renforcé ma confiance en moi, m’a fait connaître des offres d’emploi cachées et des sites web de recherche d’emploi, m’a encouragée à participer à des événements de réseautage et m’a montré comment utiliser les outils en ligne. J’ai pu explorer toutes les possibilités offertes par le marché du travail canadien.
Le moment charnière a été lorsque j’ai décroché mon premier emploi. L’obtention de cet emploi a été la preuve de ma résilience et de ma foi inébranlable en mes capacités. Chaque défi que j’ai relevé, chaque refus que j’ai essuyé n’a fait que renforcer ma détermination. J’ai appris que la résilience ne consistait pas à éviter les échecs, mais à les accepter et à en sortir plus forte.
Mon parcours de militante des droits de la femme en Afghanistan devenue professionnelle au Canada m’a appris non seulement l’importance de bâtir un réseau, mais aussi ce qu’est véritablement l’autonomisation : la capacité de se relever après chaque chute.
Finalement, avec de l’aide et de la persévérance, j’ai appris ces précieux enseignements. Aujourd’hui, je réalise à quel point ces informations sont cruciales pour les nouveaux arrivants. Des conseils clairs et un soutien accessible peuvent faire une énorme différence pour les personnes qui, comme moi, repartent à zéro dans un nouveau pays.
Pour améliorer l’accessibilité des informations sur le marché du travail pour les réfugiés, les décideurs politiques et les organisations devraient organiser des ateliers sur mesure, offrir des programmes de littératie numérique, collaborer avec les organisations communautaires, apporter un soutien linguistique, mener des formations de sensibilisation culturelle, mettre en place des programmes de mentorat, créer des plateformes en ligne pour le développement des compétences, simplifier le processus de reconnaissance des compétences étrangères, organiser des salons d’emploi pour les réfugiés, et encourager la flexibilité d’emploi. De telles initiatives pourraient soutenir de manière significative les aspirations professionnelles des réfugiés et leur intégration dans le monde du travail.
Mon parcours, des terres meurtries d’Afghanistan aux rivages accueillants du Canada, témoigne du pouvoir de la détermination, de la résilience et de la communauté. Grâce à ce billet, j’espère inspirer les personnes confrontées à des défis similaires et leur rappeler que chaque obstacle est un tremplin vers l’autonomisation. Ensemble, nous pouvons surmonter l’adversité, réécrire nos histoires et créer un monde où la voix de chaque femme est entendue et respectée.
À propos de Wazhma Azizi
Wazhma est une chercheuse expérimentée basée à Toronto, en Ontario, qui travaille actuellement en tant qu'assistante de recherche à l'Université métropolitaine de Toronto. Spécialisée dans l'élaboration de programmes, la recherche et les questions de migration, Wazhma se concentre sur l'intégration des technologies numériques avancées (TNA) dans le marché du travail.
Titulaire d'une maîtrise en politique publique et administration de l'université de Kaboul, Wazhma a notamment occupé le poste de consultante en recherche au Conseil de l’information sur le marché du travail (CIMT), où elle a dirigé le recrutement des participants et contribué à la conception de recherches axées sur l'intégration socio-économique des réfugiés. Auparavant, elle a été chargée de la sensibilisation des femmes et des jeunes au sein du Free and Fair Elections Forum of Afghanistan (FEFA), où elle a élaboré et dispensé des programmes de formation, renforcé l'engagement politique des jeunes et mis en œuvre des politiques tenant compte des spécificités de chaque sexe.
En plus de ses activités professionnelles, Wazhma fait du bénévolat en tant que coordinatrice du New Canadian Welcome Circle avec JIAS Toronto, aidant les familles à s'installer et à s'intégrer dans la société canadienne.
Wazhma est passionnée par la mise à profit de son expérience en matière de recherche sur les migrations et d'analyse des politiques pour contribuer à des projets tels que Bridging Divides, qui se concentre sur l'intégration des immigrants par le biais de la FOAD. Son travail a été récompensé par plusieurs prix, dont celui de l'employée de l'année et une citation du Parlement afghan pour ses activités en faveur des droits de l'homme.