Combler les lacunes de l’information sur le marché du travail des personnes réfugiées au Canada
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La Journée mondiale des réfugiés est une journée annuelle désignée par les Nations Unies visant à saluer le courage, la force et la résilience des millions de personnes déplacées à travers le monde.
Ayant lieu tous les 20 juin, cette journée est en outre l’occasion de sensibiliser le public à cet enjeu majeur et de célébrer les parcours inspirants des personnes réfugiées, tout en défendant leurs droits et leur bien-être.
Déterminé à répondre aux besoins émergents et variés de toutes les personnes se trouvant au Canada, le CIMT profite de cette occasion pour examiner les résultats des personnes réfugiées sur le marché du travail au Canada.
La possibilité d’occuper un emploi décent et valorisant est essentielle au succès de l’intégration des personnes réfugiées
Les déplacements forcés à travers le monde ne cessent de croître, et le nombre d’individus cherchant refuge au-delà des frontières internationales pour échapper aux persécutions, aux conflits, à la violence, aux violations des droits de la personne et aux catastrophes environnementales a considérablement augmenté. Cette crise mondiale a pris des proportions sans précédent : le nombre total de réfugiés et de demandeurs d’asile transnationaux avait atteint 31,7 millions à la fin de l’année 2021.
Chef de file mondial en matière de réinstallation des personnes réfugiées, le Canada a accueilli plus de 75 000 réfugiés en 2022 seulement, et 1 088 015 depuis 1980.
La possibilité d’occuper un emploi décent et valorisant est essentielle au succès de l’intégration des personnes réfugiées.1 De plus en plus d’études ont démontré que l’aide à l’emploi joue un rôle déterminant dans la participation économique et sociale des personnes réfugiées.2 Cette participation à la vie active leur permet non seulement d’être autonomes financièrement et de maintenir un niveau de vie adéquat, mais aussi de développer un sentiment d’utilité, de structure, d’identité et d’appartenance,3 et d’améliorer leur état de santé physique et mentale.4
Malgré ces constatations bien documentées, les personnes réfugiées se heurtent à d’importants obstacles à l’intégration économique et civique.5
Selon Arthur et collab. (2023) : « de nombreux réfugiés restent bloqués dans des emplois de premier échelon, précaires et mal rémunérés, communément appelés emplois de subsistance, offrant peu de possibilités d’avancement, peu de temps pour la formation et le développement. Il s’agit le plus souvent d’emplois qui ne correspondent ni aux compétences ni à l’expérience des personnes réfugiées. »6
Il y a un manque criant d’informations sur les réfugiés et le marché du travail au Canada
Au Canada, les données sur l’intégration et les résultats des réfugiés sur le marché du travail sont à la fois obsolètes et d’une portée extrêmement limitée. Les données disponibles proviennent principalement d’enquêtes menées par les universitaires ou encore destinées à l’évaluation de programmes. Elles se concentrent surtout sur l’apprentissage de la langue, la santé mentale, les traumatismes et les services d’intégration sociale. De plus, les données sont souvent obsolètes et ne font pas de distinction entre les réfugiés et les autres groupes immigrants.
Les maigres données canadiennes révèlent cependant que les réfugiés sont nettement plus susceptibles que les autres immigrants d’occuper des emplois temporaires, de toucher de bas salaires, de bénéficier d’une forme d’aide sociale et d’être surqualifiés pour les emplois qu’ils occupent.7
Les données indiquent également que l’entrée sur le marché du travail est difficile pour la plupart des personnes réfugiées, avec des taux de chômage qui demeurent plus élevés que ceux des autres groupes d’immigrants au Canada, même cinq ans après leur arrivée.
Les barrières structurelles entravent l’accès des réfugiés au marché du travail et à la formation. Bien que les recherches portant sur les résultats et les expériences des réfugiés sur le marché du travail au Canada soient peu nombreuses, un vaste corpus de publications s’intéressant aux expériences des réfugiés en Europe et aux États-Unis met en évidence les défis systémiques et pratiques rencontrés. Il s’agit notamment des barrières linguistiques et culturelles, des parcours professionnels interrompus ou perturbés, de la non-reconnaissance des diplômes « étrangers », d’un niveau d’études inadapté ou de l’absence d’attestations d’études, de problèmes de santé, de l’absence de réseaux professionnels, de la discrimination, des préjugés inconscients dans la sélection des candidats réfugiés et de déséquilibres structurels au sein du marché du travail.
Le CIMT lance une initiative de recherche sur la situation professionnelle des personnes réfugiées au Canada
S’il existe une abondance de données probantes à l’échelle mondiale mettant en lumière les expériences (occasions, défis et obstacles) sur le marché du travail vécues par les personnes réfugiées, très peu de recherches ont été menées sur le sujet au Canada.
Pour contribuer à combler ce déficit important d’informations, le CIMT a lancé une initiative de recherche qui vise à mieux comprendre la situation professionnelle des personnes réfugiées au Canada.
Cette initiative de recherche qualitative explorera les résultats des personnes réfugiées sur le marché du travail, et s’intéressera plus particulièrement aux expériences des réfugiés originaires d’Afghanistan, dont plusieurs se sont réinstallés au Canada après la chute rapide des forces et du gouvernement afghans en 2021.
Partant du principe que l’intégration économique ne peut être appréhendée de façon isolée, notre recherche ne se limitera pas à la mesure des taux d’emploi et des niveaux de revenus. Nous examinerons le lien entre la participation à la vie active et la santé, la maîtrise de la langue comme facteur favorisant l’accès l’emploi, l’influence de l’origine ethnique, de la racialisation et des identités religieuses, l’importance des réseaux sociaux dans la recherche d’emploi et l’efficacité du gouvernement et d’autres programmes d’aide à l’intégration économique.
Nos recherches mettront en lumière les expériences des réfugiés afghans sur le marché du travail et le contexte plus large de la situation professionnelle des personnes réfugiées, et identifieront les stratégies, politiques et mesures efficaces pour renforcer la stabilité économique, le bien-être global et la cohésion sociale des personnes réfugiées au Canada.
Il nous paraît important de combler rapidement cette lacune cruciale en matière d’information sur le marché du travail au Canada, c’est pourquoi nous sommes impatients et impatientes de nous atteler à la tâche.
Suzanne Spiteri
Responsable de la recherche
Suzanne Spiteri est sociologue et possède plusieurs années d’expérience dans l’analyse qualitative des données ainsi que dans les méthodes d’analyse mixtes. Elle dirige les projets portant sur le resserrement du marché du travail et la situation professionnelle des groupes sous-représentés.
Notes
1 Arthur, N., McMahon, M., Abkhezr, P., & Woodend, J. (2023). Beyond job placement: Careers for refugees. International Journal for Educational and Vocational Guidance, 1-19.
Fedrigo, L., Cerantola, M., Frésard, C. E., & Masdonati, J. (2023). Refugees’ meaning of work: A qualitative investigation of work purposes and expectations. Journal of Career Development, 50(1), 52-68.
Hess, J. M., Isakson, B. L., Amer, S., Ndaheba, E., Baca, B., & Goodkind, J. R. (2019). Refugee mental health and healing: Understanding the impact of policies of rapid economic self-sufficiency and the importance of meaningful work. Journal of International Migration and Integration, 20, 769-786.
2 Zacher, H. (2019). Career development of refugees. International Handbook of Career Guidance, 359-384.
3 Fedrigo et al., op. cit.
4 Dowling, A., Kunin, M., & Russell, G. (2022). The impact of migration upon the perceived health of adult refugees resettling in Australia: A phenomenological study. Journal of Ethnic and Migration Studies, 48(7), 1536-1553.
5 Martén, Linna, Jens Hainmueller, and Dominik Hangartner. Ethnic networks can foster the economic integration of refugees. Proceedings of the National Academy of Sciences, 116.33 (2019): 16280-16285.
6 Arthur et al., op. cit.
7 Wilkinson, L., & Garcea, J. (2017). The economic integration of refugees in Canada: A mixed record? (pp. 9-12). Washington, DC: Migration Policy Institute.