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Démographie, immigration et transformation du marché du travail : menaces ou opportunités?

Les 29 et 30 mai dernier avait lieu le congrès annuel de l’Association des Économistes québécois à Québec. Le thème de cette année démographie, immigration et transformation du marché du travail tombait dans nos cordes, notamment notre réflexion sur l’avenir du travail.

Tout au long de ces deux journées, j’ai collecté quelques réflexions relatives à l’information sur le marché du travail et à notre travail au CIMT que je voulais partager, notamment :

Immigration et croissance : le mauvais calcul

Le congrès a commencé en force avec une allocution de Sir Paul Collier qui nous a exhortés à ne plus utiliser la croissance du PIB comme justification à l’immigration internationale. L’immigration augmente l’offre de main d’œuvre et donc la production, mais ce dont nous devrions mettre de l’avant c’est l’effet sur le bien-être ce qu’on peut estimer –en tant que bons économistes –via le produit par habitant (ou la richesse individuelle moyenne) et la santé de nos finances publiques (ou notre capacité à payer pour nos systèmes de sociaux et de santé). Sur les deux tableaux, Pierre-Carl Michaud et Mia Homsy s’entendaient pour dire que ce n’est pas toujours une augmentation des seuils, mais plutôt une sélection judicieuse des immigrants et leur intégration rapide au marché du travail qui améliorerait la situation.

Plus d’information s’il vous plaît

Mais, et c’est là que le bât blesse, pour comprendre ce qui marche et ce qui marche moins dans l’intégration, on manque encore d’information. Notamment, après avoir collecté un volume important d’information sur les nouveaux Canadiens avant leur arrivée au pays, il existe peu de données pour suivre leurs résultats sur le marché du travail par la suite. Il existe bien la base de données longitudinales sur l’immigration, mais son accès est limité pour les chercheurs.

Marie-Christine Ladouceur-Girard du Bureau d’intégration des nouveaux arrivants à Montréal comme Matthieu Arseneau de la Banque Nationale ont regretté le manque de données locales notamment au niveau municipal pour mieux suivre le marché du travail et informer les mécanismes d’évaluation de programmes.

Entre pénurie et rareté

Notre typologie pour parler des pénuries de main-d’œuvre, les déficits de compétences et l’inadéquation des compétences a souvent été reprise notamment par Audrey Murray, de la Commission des partenaires du marché du travail. Mais les employeurs invités ont proposé une nuance : si pour certains métiers, ils font face à une véritable pénurie de main d’œuvre –  il n’y a simplement pas de candidats –pour d’autres ils font plutôt face à une rareté. Il existe bien des candidats, mais la compétition pour recruter ces talents est telle que les employeurs doivent déployer de nouvelles approches et incitatifs pour les attirer.

Raconte-moi une histoire

Collier nous a également invités à enterrer l’homo economicus rationnel et avide pour nous pencher sur le rôle des récits dans les prises de décision de carrière. Ainsi sur l’épineuse question de la régionalisation de l’immigration, il note que les faits seuls ne peuvent motiver un nouvel arrivant à s’installer hors du trio Montréal-Toronto-Vancouver. Il faut que cette information soit contextualisée et adaptée pour faire front aux idées préconçues pour permettre à un travailleur de s’imaginer une vie hors des métropoles.

Demande d’ami

Par ailleurs, en arrivant au pays, les nouveaux Canadiens ont une connaissance limitée du marché du travail, et vont donc s’appuyer principalement sur les informations fournies par leur réseau – notre enquête d’opinion publique montre d’ailleurs qu’ils sont plus de 45% à se tourner en priorité vers la famille et les amis pour avoir de l’information sur le marché du travail. Lorsque le réseau est homogène -principalement d’autres récents immigrants installés en métropole – il est difficile de démontrer les bénéfices de s’installer en région.

Emna Braham

Emna Braham est économiste principale au CIMT. Elle travaille actuellement à évaluer l’état de l’information sur le marché du travail au Canada et mène des recherches prospectives en collaboration avec les intervenants.

emna.braham@lmic-cimt.ca

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