Table des matières
Principales constatations
- Le secteur du tourisme occupe le tout premier rang au chapitre des pertes d’emplois dues à la COVID-19 au Canada. Ce secteur d’emploi a chuté de plus de 42 % entre février et avril 2020, et au cours des deux derniers mois, ces pertes ont représenté 27 % de toutes les pertes d’emploi enregistrées dans le pays.
- De nombreux jeunes Canadiens comptent sur les emplois dans le secteur du tourisme pour démarrer leur carrière. Le manque d’emplois disponibles dans ce secteur est susceptible d’avoir des conséquences à long terme pour leur réussite sur le marché du travail.
- Le secteur du tourisme dépend des revenus des clients locaux ainsi que des voyageurs nationaux et internationaux. Le rythme auquel chaque secteur commencera à se redresser variera selon l’industrie et les entreprises. La demande locale devrait d’abord se rétablir en premier, suivie par la demande provenant d’autres régions du pays et enfin par les touristes internationaux.
- De nouveaux modèles d’affaires, protocoles et règlements, ainsi que des produits et services modifiés aideront le secteur à s’adapter, à se rétablir et à aller de l’avant à mesure que les restrictions d’urgence seront levées. Il sera alors essentiel de disposer de l’information sur le marché du travail relativement aux nouvelles exigences en matière de compétences qui découlent de ces changements.
Introduction
La pandémie de COVID-19 et les mesures prises pour en prévenir sa propagation (distanciation sociale, restrictions aux déplacements, fermetures d’écoles et d’entreprises, etc.) ont entraîné des pertes d’emplois et des faillites d’entreprises sans précédent partout au Canada. De nouvelles données de l’Enquête sur la population active (EPA) confirment que les répercussions économiques de cette crise sanitaire touchent différents secteurs de l’économie de façon particulière. Le présent rapport de Perspectives de l’IMT porte principalement sur un secteur qui a été très durement touché : le tourisme.
Le secteur du tourisme couvre un vaste éventail de services distincts qui fournissent des services de transport et de voyage, d’hébergement, de restauration, de loisirs et de divertissement (voir l’encadré 1). Dans tous ces sous-secteurs, le tourisme repose largement sur l’interaction directe avec les clients. Il n’est donc pas surprenant que le tourisme occupe le tout premier rang au chapitre des pertes d’emplois dues à la COVID-19, avec plus de 800 000 emplois perdus entre février et avril 2020. Bien que la reprise dans le secteur du tourisme ne soit qu’à ses débuts, elle devrait se dérouler en trois phases liées aux trois sources de la demande : la demande non touristique de la part des clients locaux qui fréquentent les entreprises touristiques dans leur propre communauté (comme les restaurants, les événements et les attractions), les touristes nationaux et les touristes internationaux. Avec la diminution des mesures de quarantaine, nous nous attendons à ce que la demande locale se rétablisse en premier, suivie de la demande provenant d’autres régions du pays et, enfin, des touristes internationaux. Le rythme auquel ces activités redémarreront reste incertain; tout dépend de notre sentiment collectif de sécurité que la crise sanitaire est maîtrisée.
La situation actuelle
En analysant les données de l’EPA, nous constatons une augmentation nette de l’emploi, tant pour le secteur du tourisme en particulier que pour le Canada en général, de janvier 2016 à février 2020 (voir la figure 1). En février 2020, près de deux millions (2000000) de Canadiens travaillaient dans le secteur du tourisme.1 En avril 2020, le secteur avait perdu 81 6000 emplois lorsque l’emploi a chuté à 1 111 000 (voir la figure 1). Cela représente une baisse de l’emploi de 42 % en deux mois, par rapport à une baisse de l’emploi de 16 % dans l’ensemble du Canada.
Encadré 1 : Le secteur du tourisme au Canada
Le tourisme est un élément essentiel de l’économie canadienne, qui crée des emplois et des débouchés pour des millions de personnes. En fait, un emploi sur neuf au Canada est dans le secteur du tourisme. Le tourisme est également le plus grand employeur de jeunes ainsi qu’une source importante d’emplois pour les immigrants. En 2018, le tourisme national et international a contribué pour près de 80 milliards de dollars et de 22 milliards de dollars à l’économie canadienne, respectivement. Au total, le secteur du tourisme représente plus de 2 % du PIB du Canada. Le tourisme constitue également notre principale exportation de services, avec plus de 22 millions de visiteurs étrangers ayant séjourné une nuit ou plus au Canada en 2019.
Figure 1 : Entre février et avril 2020, le secteur du tourisme a perdu 816000 emplois.
Niveau d’emploi (janvier 2016 = 100), Canada, données désaisonnalisées.
Même par rapport à d’autres secteurs fortement touchés par la pandémie, le tourisme a connu davantage de pertes d’emplois en termes absolus et relatifs en mars et en avril 2020 (voir la figure 2). En mars 2020, l’emploi dans le secteur touristique a diminué de plus de 414 000 emplois; en avril 2020, environ 401 000 emplois de plus ont été perdus.
Figure 2 : L’emploi dans le secteur du tourisme a plus fortement diminué que dans les autres secteurs.
Variation de l’emploi, Canada; secteurs dont le fléchissement a dépassé les pertes d’emploi record enregistrées précédemment dans l’ensemble de l’économie, données désaisonnalisées.
Répercussions
Le secteur canadien du tourisme a été touché par la COVID-19 dès février 2020, le nombre de voyageurs en provenance de la Chine ayant chuté de 60,6 % par rapport au mois de février précédent. Au cours de la deuxième semaine de mars, des indicateurs avancés ont révélé que la demande de services touristiques a commencé à se contracter, alors que les voyages internationaux et nationaux étaient limités. Les restrictions de voyage ont été rapidement suivies par des fermetures, des mesures de restriction aux frontières et la fermeture de services non essentiels dans tout le pays. Les revenus des entreprises touristiques se sont taris, laissant bon nombre d’entre elles dans l’incapacité de conserver leur personnel. L’emploi total dans le secteur du tourisme est maintenant réduit à des niveaux jamais vus depuis les années 1980. Malgré cette perte d’emplois d’une ampleur sans précédent, le tourisme compte toujours plus d’un million de Canadiens (6,9 % de la population active en avril 2020), même si bon nombre d’entre eux travaillent selon un horaire réduit.
Outre les touristes, le secteur tire également des revenus des résidents locaux. Ainsi, même si les restrictions en matière de voyages restent en vigueur, certains services et emplois peuvent être rétablis lorsque les mesures de fermeture d’entreprises seront assouplies. Les installations de loisirs et les restaurants, par exemple, tirent 75 % et 78 % de leurs revenus (respectivement) de personnes qui ne sont pas des touristes. Elles pourront réembaucher les employés à mesure que la demande locale augmentera. Bien sûr, les restaurants, les attractions et les installations de loisirs doivent respecter les règles de distanciation physique, ce qui limite le nombre de clients à tout moment. De plus, on ne connaît pas la rapidité avec laquelle le public retrouvera le niveau de confort nécessaire à la reprise des activités récréatives et touristiques. L’assouplissement des restrictions ne permettra pas à lui seul de rétablir les niveaux d’emploi antérieurs à la COVID. De plus, beaucoup d’incertitudes subsistent quant à la capacité de ces entreprises de demeurer financièrement viables lorsqu’elles sont exploitées à des capacités considérablement réduites.
Le secteur de l’hébergement — qui tire 87 % de ses revenus des touristes canadiens (54 %) et étrangers (33 %) — doit attendre la levée des restrictions sur les voyages avant de pouvoir commencer à se redresser. Ce constat vaut également pour les services de transport et de voyage. Les déplacements transfrontaliers demeurent limités, même si les restrictions à l’intérieur des provinces sont assouplies. Les déplacements à l’intérieur des provinces demeurent également controversés en raison des craintes de propagation de la COVID-19 à partir des régions où les concentrations du virus sont plus élevées. On ignore encore dans combien de temps les voyages intérieurs et internationaux reprendront. Les voyages internationaux seront sans doute le dernier secteur à se rétablir.
La perte de la saison estivale 2020 est très préoccupante. Au Canada, comme ailleurs, le secteur touristique est très saisonnier, obtenant la plus grande partie de ses revenus pendant la saison estivale, qui est très chargée. En général, les entreprises de ce secteur comptent sur les revenus de juin, juillet et août pour rentabiliser l’année. Peu importe le rendement de la demande des clients locaux, la demande estivale des touristes canadiens et étrangers est essentielle à la viabilité de tous les sous-secteurs du tourisme. Si cet été est une saison «perdue», les répercussions à long terme sur le tourisme pourraient être dévastatrices. De nombreuses entreprises touristiques auront de la difficulté à survivre jusqu’à l’été 2021. Et même si ces entreprises réussissent à survivre, les retombées économiques de la COVID-19 risquent d’entraîner une baisse de la demande pendant plusieurs années. Bien que l’emploi dans le secteur du tourisme puisse commencer à rebondir, il est peu probable qu’il revienne à son niveau de 2019 avant de nombreuses années.
Le rôle de l’IMT
L’information sur le marché du travail sera essentielle pour comprendre les répercussions à moyen et à long terme sur les groupes démographiques que le tourisme emploie, en particulier les jeunes. Selon le recensement de 2016, les personnes âgées de 15 à 24 ans occupaient 31 % des emplois dans le secteur du tourisme. Un sondage mené auprès de 5000 Canadiens a révélé que 28 % ont trouvé leur premier emploi dans l’un des cinq secteurs du tourisme.2 Qu’il s’agisse de faire carrière au sein de l’industrie ou d’avoir besoin d’un emploi suffisamment souple pour tenir compte de l’horaire des étudiants, les emplois de première ligne dans le secteur du tourisme constituent des points d’entrée essentiels sur le marché du travail pour les jeunes Canadiens. La réduction de l’emploi dans le secteur du tourisme est susceptible de retarder leur entrée sur le marché du travail et de limiter leur expérience de travail précoce, ce qui peut avoir des conséquences à long terme sur la progression de leur carrière (lien en anglais seulement). Dans le cas contraire, si ces jeunes trouvent un emploi ailleurs, cela pourrait créer des difficultés de dotation en personnel pour une industrie à forte intensité de main-d’œuvre lorsque la demande reviendra.
Il sera important de comprendre comment cette crise modifiera la dynamique du travail dans le secteur à l’avenir. Lorsque les mesures d’urgence seront levées, les employés retourneront au travail dans des circonstances radicalement différentes de celles qui existaient en février 2020. Ils auront besoin de nouvelles compétences adaptées à de nouveaux modèles d’affaires, de nouveaux protocoles et règlements, ainsi qu’à des produits et services modifiés. La distanciation physique se poursuivra pendant un certain temps. Les entreprises et les employés doivent être constamment prêts à adapter leurs procédures et comportements à mesure que la situation évoluera et que de nouvelles pratiques exemplaires seront découvertes. De nombreux guides de réouverture sont en cours de réalisation, mais on constate un manque de cohérence. Il est trop tôt pour définir avec précision les protocoles les plus efficaces pour assurer la sécurité des clients et des employés. On peut s’attendre à un nouvel assouplissement des restrictions, ce qui nécessitera également une évolution continue des pratiques exemplaires.
L’information sur le marché du travail sera essentielle pour comprendre comment les pratiques et les politiques en matière de ressources humaines seront remaniées. Les employeurs doivent savoir dans quelle mesure les attentes des voyageurs et des employés ont changé. De nouvelles règles de santé publique et d’hygiène seront sans doute édictées. Il sera nécessaire de comprendre si le respect de ces règlements permettra d’apaiser les inquiétudes des clients et des employés, ou si le secteur devra les dépasser pour affronter la concurrence.
Pour comprendre les perspectives à long terme, nous avons besoin d’information sur le marché du travail qui est de la plus haute qualité. Lorsqu’un secteur qui employait près de 10 % des Canadiens ferme ses portes pendant plusieurs mois et qu’il risque de ne pas connaître une reprise complète avant plusieurs années, qu’arrive-t-il à sa main-d’œuvre? En particulier, nous devons commencer dès maintenant à nous pencher sur ce dont les utilisateurs de l’IMT ont besoin pour prendre des décisions éclairées et plus judicieuses au lendemain de la pandémie.
La voie à suivre
Pour aller de l’avant, nous avons besoin d’une souplesse continue dans les programmes et les politiques qui aident les entreprises et les employés à se tirer d’affaire. Ces programmes devront être ajustés en fonction de l’IMT qui évalue les répercussions continues sur les différents secteurs touchés par la COVID-19. Compte tenu de sa dépendance à l’égard des voyages nationaux et internationaux, le tourisme devrait faire partie des secteurs considérés pour un soutien particulier en raison de la perturbation massive de la demande.
Des protocoles cohérents relatifs à la COVID-19 sont essentiels. Les lignes directrices pour les différents secteurs et types d’entreprises devront être exhaustives, explicites et cohérentes avec les principaux protocoles de santé publique et d’hygiène qui peuvent être appliqués partout au Canada. Cette approche permettra d’éviter la confusion chez les consommateurs, d’accroître la confiance dans les pratiques de santé et de sécurité de l’industrie et de créer des conditions équitables pour tous.
Enfin, le soutien continu à la recherche et à l’analyse exhaustives du marché du travail aidera à suivre la reprise du secteur touristique. Il existe de nombreuses questions pour lesquelles nous n’avons pas encore de réponses. Il s’agira de suivre les signaux de reprise, de modifier les habitudes de déplacement, les perceptions des employés et les répercussions à long terme sur l’emploi. La coopération entre les intervenants du secteur du tourisme et le partage ouvert des données seront essentiels pour étayer les plans et les stratégies de rétablissement qui permettront au secteur touristique d’aller de l’avant.
Remerciements
Le présent rapport de Perspectives de l’IMT a été préparé par Calum MacDonald de RH Tourisme Canada. Nous aimerions remercier le personnel du CIMT pour son soutien dans l’élaboration de ce rapport. Pour en savoir plus sur ces questions, veuillez communiquer avec Calum Macdonald, vice-président de l’information sur le marché du travail, à cmacdonald@tourismhr.ca, ou Zoe Rosenbaum, économiste au CIMT, à zoe.rosenbaum@lmic-cimt.ca.
Pour de plus amples renseignements sur les autres activités et produits du CIMT, veuillez communiquer avec Tony Bonen, directeur de la recherche, des données et de l’analyse, à tony.bonen@lmic-cimt.ca.
Notes :
- Données désaisonnalisées, sauf indication contraire.
- Ces résultats font partie d’un sondage mené par RH Tourisme Canada, qui sera publié prochainement.