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L’autonomisation économique des femmes et le marché du travail canadien

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« La participation des femmes à la vie économique et l’accroissement de leur pouvoir d’action dans ce domaine sont essentiels pour renforcer leurs droits et leur permettre d’avoir la maîtrise de leur vie et d’exercer une influence au sein de la collectivité. » OCDE

C’est la Journée internationale de la femme et le thème de cette année, #InvestirDanslesFemmes, nous invite à réfléchir à ce que pourrait signifier la pleine inclusion économique pour les femmes au Canada. 

La Journée internationale de la femme, depuis ses origines dans les mouvements syndicaux du monde entier au XXe siècle jusqu’à son adoption par les Nations unies en 1975, est restée indissociable de la lutte internationale entourant les politiques d’emploi des femmes. 

Alors que la nécessité de renforcer l’autonomie des femmes et de faire progresser les objectifs de développement tels que la croissance économique, la réduction de la pauvreté, la santé, l’éducation et le bien-être (Golla et al., 2011) est de plus en plus reconnue à travers le monde, il est important d’avoir un portrait actuel de l’autonomisation économique des femmes et de la situation des femmes sur le marché de l’emploi au Canada. 

Dans cet article, nous examinons les données relatives à la participation au marché du travail, aux salaires et à l’entrepreneuriat afin d’évaluer les progrès réalisés concernant le renforcement du pouvoir économique des femmes au Canada.

L’autonomisation économique des femmes : de quoi s’agit-il?

L’autonomisation économique des femmes est un concept à multiples facettes qui a été quantifié, mesuré et décrit selon différentes approches. Il s’agit d’un sujet complexe pour lequel il n’existe pas de définition universellement acceptée. 

Toutefois, suivant le cadre proposé par Taylor et Pereznieto (2014), au CIMT nous comprenons l’autonomisation économique des femmes comme un processus de transformation associant le pouvoir, la capacité d’agir et l’épanouissement économique. Selon ce cadre, l’autonomisation économique des femmes signifie : 

  • atteindre l’égalité d’accès et de contrôle des ressources économiques 
  • exercer un contrôle accru sur les différents aspects de leur vie. 

L’autonomisation économique des femmes est un élément crucial de la réalisation des Objectifs de développement durable des Nations unies, en particulier ceux visant à lutter contre la pauvreté, à promouvoir l’éducation et à faire progresser l’égalité entre les genres. Elle présente également des avantages sociaux plus larges susceptibles de favoriser la productivité, la croissance économique et la stabilité sociale (Sudha & Reshi, 2023).  

En outre, comme le résument Golla et al. (2011), l’autonomisation économique représente pour les femmes un moyen puissant de réaliser leur plein potentiel et de faire valoir leurs droits. 

Les femmes ayant un pouvoir économique apportent une contribution substantielle à leur famille, à la société et à l’économie de leur pays. Au niveau mondial, il existe des preuves irréfutables que les femmes sont plus susceptibles que les hommes d’investir leurs revenus dans leurs enfants. 

La participation au marché du travail comme indicateur de l’autonomisation économique des femmes

La participation au marché du travail est l’un des indicateurs les plus couramment utilisés pour mesurer l’autonomisation économique des femmes (De Haan, 2017).  

Il a été constamment démontré que l'emploi à temps plein, en particulier, est un élément crucial du bien-être financier. Il est associé à l'accumulation d'actifs financiers, à une préparation adéquate de la retraite, à l'accès aux avantages sociaux, à la stabilité de l'emploi, aux possibilités de formation parrainées par l'employeur et à de meilleures perspectives d'avancement professionnel. 

Les données de l’Organisation internationale du travail (OIT) révèlent une disparité persistante entre les genres en matière de participation au marché du travail. En 2022, parmi les personnes âgées de 25 à 54 ans dans le monde, l’écart entre les hommes et les femmes s’élevait à 29,2 points de pourcentage, ce qui est énorme. 

Plus précisément, le taux de participation des femmes s’élevait à 61,4 %, un taux nettement inférieur à celui des hommes (90,6 %). Cet écart met en évidence un déséquilibre important entre les hommes et les femmes dans la mobilisation de la main-d’œuvre à l’échelle mondiale.

La situation sur le marché du travail des femmes en âge de travailler au Canada s’est améliorée en 10 ans

Au Canada, la participation des femmes au marché du travail a évolué considérablement depuis que l’Enquête sur la population active de Statistique Canada a enregistré pour la première fois le taux d’emploi des femmes en âge de travailler à 48,2 % en janvier 1976.  

En effet, ce taux n’a cessé d’augmenter, dépassant 60 % au milieu des années 1980, 70 % à la fin des années 1990. Depuis septembre 2021, il est resté supérieur à 80 %. 

Au cours des dix dernières années, nous avons observé une augmentation des taux d’activité et d’emploi dans divers groupes de femmes en âge de travailler, mais, comme le montre le tableau 1, il subsiste un écart entre les femmes immigrantes et les femmes nées au Canada.

Tableau 1 : Les indicateurs du marché du travail pour les femmes immigrantes en âge de travailler s’améliorent avec les années vécues au Canada

 

2013 

2023 

  Taux de participation Taux demploi  Part à temps plein  Taux de participation  Taux demploi Part à temps plein
5ans ou moins au Canada  66,1%  57,1%  76,9%  77,4%  69,5%  84,7% 
5 à 10ans au Canada  74,3%  67,5%  77,1%  79,1%  74,2%  84,1% 
10ans ou plus au Canada  81,4%  76,1%  81,6%  83,6%  79,5%  83,5% 
Née au Canada  85,0%  80,8%  81,1%  87,9%  84,9%  85,1% 

Source : Statistique Canada, Tableau 14-10-0085

Le tableau 1 montre l’évolution sur dix ans du taux d’activité, du taux d’emploi et de la proportion de femmes immigrantes en âge de travailler possédant un emploi à temps plein, par statut d’immigration. Les trois catégories d’emploi affichent des changements positifs pour tous les groupes de femmes. Autrement dit, les femmes en âge de travailler étaient plus susceptibles en 2023 d’être sur le marché du travail, d’avoir un emploi et de travailler à temps plein qu’elles ne l’étaient en 2013, peu importe depuis combien de temps elles étaient au Canada. 

La participation des femmes au marché du travail (le nombre de femmes en âge de travailler présente sur le marché du travail divisé par le nombre total de femmes en âge de travailler) a augmenté de façon spectaculaire depuis les années 1960. Cette hausse est due à la fois à l’augmentation de la proportion de femmes employées à un moment donné et à la diminution de la propension des femmes employées à se retirer du marché du travail lorsqu’elles se marient ou ont des enfants. 

Si les femmes nées au Canada continuent d’afficher les valeurs les plus élevées pour les trois indicateurs, les progrès les plus notables au cours de la dernière décennie ont été observés chez les femmes immigrantes arrivées au cours des cinq dernières années. 

Les inégalités du marché du travail touchant les femmes racisées

Dans le monde entier, les disparités sur le marché du travail sont liées au sexe, à la race, à l’appartenance ethnique et à la citoyenneté (Browne & Misra, 2005).  

Au Canada, des preuves signalent l’existence de disparités importantes sur le marché du travail entre différents groupes démographiques. Ces disparités, fondées sur le sexe et sur l’identité raciale, engendrent des inégalités persistantes sur les marchés du travail canadiens. En fait, les disparités liées à la race et au sexe sont tenaces, comme en témoignent les variations entre les taux d’activité, les salaires médians et l’emploi par profession et par secteur d’activité.

Figure 1 : Évolution de la situation des femmes du principal groupe d’âge actif sur le marché du travail, par groupe racisé

Variation en points de pourcentage entre 2022 et 2023, classée par taille de population

Étant donné que Statistique Canada n’a commencé à publier des données sur le marché du travail classées par groupes racisés qu’en 2022, il nous a été impossible de faire une comparaison sur dix ans. Nous avons cependant pu comparer les données pour les années 2023 et 2022. 

La figure 1 présente certains indicateurs du marché du travail tels que le taux d’activité (en vert), le taux d’emploi (en bleu) et le taux d’emploi à temps plein (en rouge). Les directions indiquent si les valeurs ont augmenté ou diminué pour le groupe racisé respectif sur la ligne horizontale inférieure. 

Deux raisons importantes expliquent pourquoi nous examinons ces trois indicateurs plutôt que les valeurs de l’emploi ou de la population active : premièrement, le nombre de personnes ayant un emploi ou faisant partie de la population active peut fluctuer en fonction de la taille de la population ; deuxièmement, nous ne disposons pas d’une série chronologique suffisamment longue pour dégager les tendances de l’emploi au fil du temps.  

Les indicateurs basés sur les taux de la figure 1 tiennent compte des changements de population et indiquent clairement si le taux a augmenté ou diminué depuis 2022, en plus de préciser quel groupe racisé a connu la variation relative la plus importante. 

Le taux d’emploi à temps plein est le pourcentage de femmes en âge de travailler qui occupent un emploi à temps plein (qui travaillent 30 heures ou plus par semaine). 

La figure 1 montre que le taux de travailleuses à temps plein a augmenté davantage que le taux d’emploi pour sept des groupes racisés. Cela signifie qu’un plus grand nombre de travailleuses à temps plein stimule la croissance de l’emploi. Il peut s’agir de travailleuses qui passent d’un emploi à temps partiel à un emploi à temps plein ou de nouvelles venues sur le marché du travail qui ont plus de chances de décrocher un emploi à temps plein. 

La figure 1 montre également que les personnes appartenant aux groupes racisés désignés Noir, Arabe, Asiatique occidental et minorité visible n.i.e. (« non inclus ailleurs ») ont vu leurs taux d’emploi et d’activité diminuer, mais leurs taux d’emploi à temps plein augmenter.  

Les taux d’emploi, d’emploi à temps plein et d’activité ont tous augmenté pour les femmes noires en âge de travailler. Toutefois, la croissance de la population a été si importante que les taux d’emploi et d’activité ont diminué. En d’autres termes, davantage de femmes noires en âge de travailler occupaient un emploi en 2023 qu’en 2022, mais la population de ce groupe a également augmenté. Par conséquent, en moyenne, il était moins probable qu’une femme noire en âge de travailler soit employée. 

Pour les femmes arabes en âge de travailler, le niveau d’emploi à temps plein a diminué, mais pas autant que celui de l’emploi. Il en résulte qu’une femme arabe en âge de travailler est moins susceptible d’être employée, mais plus susceptible de travailler à temps plein si c’est le cas.  

Notamment, la combinaison du genre et de la race accentue ces phénomènes et touche de manière disproportionnée les femmes racisées. Au Canada, les femmes racisées ont des taux d’activité1 et d’emploi plus faibles, sont moins susceptibles de travailler à temps plein et connaissent un écart salarial plus important par rapport aux hommes nés au Canada.

Les salaires comme indicateur de l’autonomie économique des femmes

Les salaires sont un autre indicateur de l’autonomie économique des femmes.  

L’une des façons d’évaluer les salaires des femmes est d’examiner l’écart salarial entre les genres. L’écart peut être mesuré à l’aide de différents paramètres, dont le salaire horaire moyen, le salaire horaire médian, le salaire annuel moyen et le salaire annuel médian. 

Partout dans le monde, les femmes continuent de gagner beaucoup moins que les hommes.  

Au Canada, si les hommes gagnent toujours plus que les femmes, l’écart s’est réduit, passant de 82 cents pour chaque dollar gagné par un homme en 1997 à 87 cents en 2023.  

Depuis que Statistique Canada a commencé à recueillir des données sur les salaires en 1997, le salaire horaire moyen des hommes a plus que doublé (+109,6 %) et celui des femmes a augmenté encore plus (+123,7 %). Le salaire horaire moyen des femmes est désormais supérieur à celui des hommes dans quelques professions de la santé, à savoir les soins infirmiers et les professions paramédicales, ainsi que les soins thérapeutiques et d’évaluation.  

Sans tenir compte des différences en matière d’expérience professionnelle, de qualifications, de caractéristiques d’emploi ou de données démographiques, l’écart salarial entre les hommes et les femmes était de 19 % en 2019, contre 27 % en 2000 dans l’ensemble du Canada (Schirle & Sogaolu, 2020).  

La recherche fait état de nombreux facteurs contribuant à l’écart salarial entre les hommes et les femmes, dont les pratiques des ressources humaines, les heures supplémentaires, la maternité (abordée ci-dessous), le capital humain (éducation et expérience professionnelle), les écarts de genre dans l’acquisition des compétences et les transitions professionnelles, ainsi que la ségrégation professionnelle fondée sur le genre.  

Si au cours des dernières décennies des progrès notables ont été réalisés dans la réduction des inégalités entre les genres en termes d’éducation et de participation au marché du travail, de ségrégation professionnelle et sectorielle fondée sur le genre reste remarquablement persistante dans l’espace et le temps et contribue largement aux écarts salariaux entre les genres (Borrowman & Klasen, 2020). 

Plusieurs hypothèses ont été émises pour expliquer cette ségrégation en fonction du genre de la main-d’œuvre, notamment (Puzio & Valshtein, 2022) :

les stéréotypes de genre et la dévalorisation des compétences féminisées

la socialisation émotionnelle et l’éducation relationnelle inégales entre les sexes pendant l’enfance

la présence d’un « plafond de verre » ou d'un « plancher collant» (en anglais seulement) et d’un « escalier de verre » racisé2

les mesures incitatives disproportionnées en faveur de la recherche sur la ségrégation professionnelle dans les professions féminisées

La ségrégation professionnelle et sectorielle explique en grande partie la disparité salariale entre les hommes et les femmes au Canada, où les femmes occupent généralement des postes moins bien rémunérés que ceux occupés plus couramment par les hommes. 

En 2019, seuls 3 % des femmes étaient employées dans le secteur de la construction (contre 14 % des hommes), où le salaire horaire moyen était de 32 $. La même année, 17 % des femmes et seulement 2 % des hommes travaillaient dans le secteur des soins de santé et de l’assistance sociale, où le salaire horaire moyen était de 24 $ (Schirle & Sogaolu, 2020).  

Les écarts salariaux entre les genres se creusent si l’on compare les femmes immigrantes et racisées aux hommes blancs nés au Canada. En 2019, l’écart salarial entre les hommes blancs nés au Canada et les femmes immigrantes était de 47 %. Cet écart est passé à 61 % pour les femmes immigrantes racisées (Schirle & Sogaolu, 2020).  

Un écart de revenus supplémentaire existe selon les catégories d’immigration et le nombre d’années écoulées depuis l’arrivée. Selon Picot (2019), les réfugiés, en particulier, ont les revenus moyens les plus faibles par rapport à d’autres catégories, telles que la famille ou la classe économique.  

L’intégration économique des réfugiés diffère de celle des autres groupes d’immigrants. Ils font souvent partie des immigrants les plus vulnérables, confrontés à une multitude d’obstacles qui entravent leur intégration économique et civique (Martén et al., 2019) et contribuent à ce que l’on appelle le « fossé des réfugiés », c’est-à-dire l’écart en matière d’emploi et de salaire entre les réfugiés et les autres groupes de migrants (Connor, 2010).  

Les mères ont également tendance à percevoir des salaires inférieurs à ceux de leurs homologues qui n’ont pas d’enfants (Cukrowska-Torzewska & Matysiak, 2020). Cette « pénalité salariale liée à la maternité », phénomène par lequel la participation des femmes au marché du travail et leurs revenus futurs sont réduits en raison de la maternité, est un autre facteur contribuant à l’écart salarial entre les hommes et les femmes.  

La pénalité salariale liée à la maternité est souvent appelée « écart salarial lié à la maternité », « prix de la famille » ou « écart salarial lié à la maternité ». Le mécanisme précis à l’origine de l’écart salarial pour les mères n’est toujours pas clair. 

Selon l’analyse de la littérature réalisée par Cukrowska-Torzewska et Matysiak (2020), cette pénalité salariale peut s’expliquer par la perte éventuelle de compétences lors des interruptions de carrière liées aux soins – y compris le congé parental, la réduction du temps de travail ou le fait de quitter complètement le marché du travail – ou par d’autres choix que font les femmes pour donner la priorité aux enfants, par exemple en optant pour des emplois moins bien rémunérés qui cadrent mieux avec leurs responsabilités familiales ou en investissant moins d’efforts dans leur travail.  

L’ampleur de l’écart salarial est influencée par le contexte social. Une pénalité salariale moindre liée à la maternité est associée à l’acceptation sociale des femmes qui travaillent et à l’accès à des congés parentaux flexibles et bien rémunérés, à des services de garde d’enfants abordables et de qualité, ainsi qu’à d’autres politiques favorables à la famille (Petersen et al., 2010). 

Malgré ces considérations, un écart salarial statistiquement inexpliqué subsiste entre les hommes et les femmes. Des études menées dans l’ensemble du Canada révèlent que des facteurs tels que l’éducation, la durée de l’emploi, les horaires de travail et diverses variables démographiques peuvent expliquer environ 30 % de l’écart salarial, ce qui en laisse 70 % inexpliqués 

L’une des explications fréquemment avancées pour la partie inexpliquée de l’écart est la discrimination (Litman et al., 2020). Selon cette perspective, une fois que les différences entre les déterminants pertinents des salaires entre les hommes et les femmes ont été prises en compte, toute disparité salariale restante est due à la discrimination.  

Toutefois, cette explication pourrait simplifier à l’excès le problème. Si la discrimination influence les choix que font les femmes en matière d’éducation, de carrière et de responsabilités familiales, l’écart « inexpliqué » pourrait alors sous-estimer l’impact réel de la discrimination. 

L’entrepreneuriat en tant qu’indicateur de l’autonomie économique des femmes

L’entrepreneuriat féminin, considéré comme un facteur favorisant l’autonomisation économique des femmes, est de plus en plus reconnu à travers le monde (Noor et al., 2021).  

Comme nous le soulignons dans un article paru dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs, l’entrepreneuriat est largement reconnu comme un moteur essentiel de la mobilité économique, de l’accumulation de richesses et de la création d’emplois (Morgenthaler, 2007). L’importance sociale et économique de l’entrepreneuriat pour la croissance économique, tant au niveau local que mondial, est incontestée (Gódány et al., 2021).  

L’entrepreneuriat est vital pour la croissance économique et la création d’emploi au Canada, et les petites et moyennes entreprises y contribuent largement (Nimoh, 2022). 

Les entreprises détenues par des femmes sont de plus en plus nombreuses parmi les petites et moyennes entreprises au Canada

Selon Statistique Canada (2022), les petites entreprises représentent plus de 98 % de toutes les entreprises employeuses3 et occupent plus de 10 millions de personnes, soit près des deux tiers (63,8 %) de la main-d’œuvre totale. 

Le Portail de connaissances pour les femmes en entrepreneuriat est une plateforme numérique qui soutient un réseau de partenaires régionaux, de chercheuses et d’entrepreneuses qui collaborent à la collecte de données et de connaissances pour connaître les expériences de diverses femmes entrepreneures. Il a estimé qu’en 2022, 18 % des entreprises étaient majoritairement détenues par des femmes et que 99 % d’entre elles étaient des petites et moyennes entreprises (PME). 

Publié en 2023, le quatrième rapport annuel du Portail, État des lieux de l’entrepreneuriat féminin au Canada, met en lumière les progrès accomplis et les défis auxquels sont encore confrontées les entrepreneures dans tous les secteurs d’activité et dans des milieux différents.

Le rapport montre que certaines entrepreneures ont réagi de manière proactive au climat économique en lançant des initiatives inclusives. Par exemple:

La moitié des entrepreneures en phase de démarrage et un tiers des entrepreneures établies ont intensifié leur utilisation des technologies numériques pour s’adapter aux circonstances économiques pendant la pandémie.

En 2020, les PME majoritairement détenues par des femmes (26,1%) ont mis en œuvre des innovations en matière de marketing à un taux plus élevé que celles détenues par des hommes (9,8%).

Les PME détenues par des femmes étaient les plus susceptibles de favoriser l’inclusivité en offrant des possibilités aux groupes dignes d’équité, tels que les femmes, les Autochtones, les Noirs et les personnes racisées, ainsi que les membres des communautés 2SLGBTQA+.

D’autre part, le Portail met en évidence les obstacles qui continuent de toucher les entrepreneures aux identités croisées. Ces obstacles comprennent la discrimination, l’isolement géographique et des limites formelles ou informelles à l’accès au financement. Par exemple :

Les femmes noires sont plus susceptibles de faire état de discriminations fondées sur la race et de rencontrer des obstacles au financement, notamment des coûts d’emprunt plus élevés et moins de possibilités de mentorat et de réseautage.

Les immigrantes sont plus nombreuses à déclarer avoir été poussées vers l’entrepreneuriat comme solution de rechange à l’emploi traditionnel.

L’application d’une grille de lecture sexospécifique à la distribution des récompenses financières et des ressources pour les entrepreneurs autochtones pourrait atténuer certains des défis qui leur sont propres.

Les approches intersectionnelles de la collecte de données et de connaissances sont essentielles pour comprendre l’autonomisation économique des femmes

Au cours des dernières décennies, les femmes au Canada ont enregistré des progrès notables en matière d’autonomisation économique, notamment en ce qui concerne la participation au marché du travail, les salaires et l’entrepreneuriat. Ces progrès collectifs soulignent le rôle essentiel que jouent les femmes dans l’évolution du paysage économique canadien et démontrent l’importance de poursuivre les efforts en vue d’une plus grande inclusion et d’une plus grande autonomisation. 

Cependant, malgré ces réalisations, des progrès considérables doivent encore être accomplis pour bien comprendre et prendre en compte l’intersectionnalité dans le contexte de l’autonomisation économique des femmes.  

Dans un article récent, nous avons évoqué l’effet transformateur que l’intersectionnalité – les expériences vécues influencées par les identités sociales et les rôles qui leur sont associés – peut avoir sur les informations relatives au marché du travail. 

À la suite de la réélection de Justin Trudeau en 2021, et conformément aux engagements du programme électoral, le gouvernement fédéral a souligné sa volonté de collaborer avec diverses communautés et d’intégrer des perspectives variées, notamment celles des femmes, des peuples autochtones, des personnes noires et racisées, des nouveaux arrivants, des communautés confessionnelles, des personnes en situation de handicap, des personnes 2SLGBTQA+ et des communautés linguistiques minoritaires.  

Cet engagement rejoint la volonté du gouvernement d’utiliser des cadres intersectionnels, tels que l’Analyse comparative entre les sexes plus (ACS Plus) et les indicateurs de qualité de vie, dans l’élaboration des politiques.  

Le gouvernement a renforcé sa mise en œuvre de l’ACS Plus, protégé la budgétisation sensible au genre dans la Loi canadienne sur la budgétisation sensible au sexe, établi le Cadre des résultats relatifs aux genres, articulé l’engagement de Justice Canada à l’égard de l’ACS Plus et lancé le carrefour des statistiques sur le genre, la diversité et l’inclusion de Statistique Canada.  

Malgré ces engagements louables et ces mesures concrètes, les données nécessaires à l’application d’une approche intersectionnelle pour comprendre les différents aspects de l’autonomisation économique des femmes, notamment en ce qui concerne la participation au marché du travail, les salaires et l’entrepreneuriat, sont encore très insuffisantes.  

La voie à suivre

Bien que nous ayons progressé dans la collecte et le partage d’un certain nombre de données intersectionnelles, nous avons besoin de plus d’informations pour comprendre pleinement comment l’autonomisation économique se manifeste pour toutes les femmes canadiennes.

Les lacunes actuelles en matière de données nous empêchent de comprendre les expériences complexes des femmes dans la population active et des entrepreneures. La réalité des femmes est plus difficile que les faits présentés ici. Sans une compréhension plus nuancée de la manière dont les diverses identités qui se croisent façonnent les résultats économiques, il existe un risque de négliger certaines des difficultés rencontrées par différents groupes de femmes.

Combler ce manque de données n’est pas seulement un exercice visant à une compréhension globale, mais une étape cruciale vers la reconnaissance et l’élimination des obstacles à multiples facettes qui entravent une véritable autonomisation économique pour toutes les femmes canadiennes.

Notes

1 Statistique Canada utilise le terme « minorité visible » pour désigner les groupes racisés au Canada. Cependant, le CIMT préfère le terme « racisé ». Bien que ce dernier ne soit pas exempt de critiques légitimes, il souligne le fait que la race n’est pas intrinsèquement biologique ou objective ; il s’agit plutôt d’une construction sociétale dont les origines sont enracinées dans les perceptions humaines et les structures sociales. 

 Statistique Canada classe les populations sud-asiatiques, chinoises, noires, philippines, arabes, latino-américaines, sud-est asiatiques, ouest-asiatiques, coréennes et japonaises dans la catégorie des « minorités visibles ». Au CIMT, nous contestons le bien-fondé de l’expression « minorité visible » et demandons instamment une réévaluation de son utilisation au Canada. L’expert indépendant des Nations Unies sur les questions relatives aux minorités a souligné le manque de précision de ce terme, citant les obstacles potentiels à une prise en compte efficace des écarts socio-économiques entre les divers groupes ethniques. En outre, le terme a été critiqué parce qu’il obscurcit et dilue les expériences distinctes des divers groupes minoritaires. Contrairement à ce qu’indique l’étiquette, les personnes désignées comme « minorités visibles » au Canada sont loin de constituer une minorité numérique. 

2 Le concept d’« escalier de verre » fait référence aux avantages dont bénéficient les hommes blancs hétérosexuels sur le marché du travail (Williams, 2013).

3 Une « entreprise employeuse », telle que définie par Statistique Canada, est une entreprise qui emploie au moins un salarié. En revanche, une « entreprise non employeuse » n’a pas de salariés. 

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Brittany Feor

Responsable de recherche (par intérim), Économiste principale

Spécialisée en analyse quantitative et en macroéconomie, Brittany Feor contribue à l’accessibilité et à l’analyse de l’information sur le marché du travail. Ses recherches quantitatives portent des sujets liés au travail et à l’éducation, comme les résultats en matière d’emploi des nouveaux diplômés canadiens.

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Suzanne Spiteri

Responsable de la recherche

Suzanne Spiteri est sociologue et possède plusieurs années d’expérience dans l’analyse qualitative des données ainsi que dans les méthodes d’analyse mixtes. Elle dirige les projets portant sur le resserrement du marché du travail et la situation professionnelle des groupes sous-représentés.

Références

Alam, S. (2020). Female labour force participation and economic development. Journal of Society & Change, 14(4). 

Borrowman, M., & Klasen, S. (2020). Drivers of gendered sectoral and occupational segregation in developing countries. Feminist Economics, 26(2), 62-94. 

Browne, I., & Misra, J. (2005). Labor‐market inequality: Intersections of gender, race, and class. The Blackwell Companion to Social Inequalities, 165-189. 

Connor, P. (2010). Explaining the refugee gap: Economic outcomes of refugees versus other immigrants. Journal of Refugee Studies, 23(3), 377-397. 

Cukrowska-Torzewska, E., & Matysiak, A. (2020). The motherhood wage penalty: A meta-analysis. Social Science Research, 88, 102416. 

De Haan, A. (2017). The win-win case for women's economic empowerment and growth: Review of the literature. Institute for the Study of International Development (ISID), GrOW Working Paper Series, GWP-2017-03 Concept Paper. 

Gódány, Z., Machová, R., Mura, L., & Zsigmond, T. (2021). Entrepreneurship motivation in the 21st century in terms of pull and push factors. TEM Journal, 10(1), 334. 

Golla, A. M., Malhotra, A., Nanda, P., & Mehra, R. (2011). Understanding and measuring women's economic empowerment: Definition, framework and indicators. International Center for Research on Women. 

Litman, L., Robinson, J., Rosen, Z., Rosenzweig, C., Waxman, J., & Bates, L. M. (2020). The persistence of pay inequality: The gender pay gap in an anonymous online labor market. PloS one, 15(2), e0229383. 

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Morgenthaler, D. T. (2007). The importance of entrepreneurship to economic growth, job creation and wealth creation. Canada-United States Law Journal, 33, 7-47. 

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