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Les mégadonnées autour du monde

Partout dans le monde, les compétences constituent l’une des lacunes les plus importantes en matière d’information sur le marché du travail (IMT). En plus d’être difficiles à reconnaître et à mesurer, les compétences ne sont pas clairement définies. Comme nous le soulignions récemment dans Perspectives de l’IMT, ce manque de données sur les compétences ne peut être comblé que si les compétences sont liées à des données du marché du travail comme les professions. Il s’agit là d’un grand défi pour le Canada, mais comme je l’ai appris la semaine dernière, les pays du monde entier sont aux prises avec le même problème. Une avenue importante que le CIMT explore en collaboration avec Statistique Canada et Emploi et Développement social Canada (EDSC) est de savoir comment tirer parti des nouvelles sources de mégadonnées récemment devenues disponibles.

La semaine passée, j’ai eu le privilège de participer à un atelier sur les compétences et les mégadonnées organisé par l’Organisation internationale du Travail (OIT). L’atelier visait à répondre à la question : « Peut-on se servir des mégadonnées pour l’anticipation et l’adéquation des compétences? », en réponse, le consensus était sans équivoque : « Oui! Mais il y a d’abord beaucoup d’obstacles à surmonter ». À cet égard, les participants ont relevé quatre défis importants :

  1. Les compétences doivent être liées aux données traditionnelles

La nécessité d’établir des liens fiables et précis entre les compétences et les autres indicateurs de l’IMT, principalement les professions, est cruciale. De tels liens permettent aux chercheurs et aux autres utilisateurs de l’IMT de mettre à profit les données historiques existantes. C’est pourquoi nous collaborons avec Statistique Canada et EDSC afin d’évaluer les différentes approches pour établir une concordance entre les compétences et la Classification nationale des professions (CNP). Dans cette optique, notre projet pilote se concentrera sur les 47 compétences de la nouvelle Taxonomie des compétences et aptitudes d’EDSC. Comme le montre la figure 1, toutefois, de nombreux autres aspects du travail, par exemple les connaissances, les intérêts, les activités professionnelles ainsi que les outils et technologies, peuvent et devraient être mis en lien avec les données d’IMT existantes comme les professions et les industries.

  1. Les mégadonnées doivent être utilisées

La quantité de données disponibles a explosé dans les dernières années, en grande partie grâce à l’utilisation exponentielle des sites d’affichage d’offres d’emploi. Les entreprises de moissonnage et d’analyse de données web, comme Vicinity JobsBurning Glass Technologies et Janzz sont en train de devenir expertes dans le nettoyage et la structuration des données riches que contiennent ces affichages en langage naturel. Bien que les données d’offres d’emplois comportent de nombreuses limites, ne pas tenir compte de ce type d’information éliminerait de nouvelles connaissances importantes provenant du langage, des expressions et des mots du monde réel utilisés par les employeurs. Nettoyer et structurer ces données demeure un défi important. Heureusement, plusieurs organisations sont de plus en plus ouvertes au sujet des taxonomies qu’elles utilisent pour organiser l’information tirée des sources de mégadonnées.

  1. Les mégadonnées ne sont pas une panacée

Certaines des qualités des données d’offres d’emploi en ligne constituent également une source de faiblesse. Les descriptions des compétences en langage naturel (non formatées, brutes), sont détaillée mais peuvent être mal articulées (p. ex. : un domaine d’études ou des exigences en matière de programmes informatiques) et n’incluent pas les compétences implicites (celles que les employeurs ne nomment pas mais dont ils ont besoin). En ce sens, il y a à la fois trop et pas assez de « compétences » répertoriées dans les données d’offres d’emploi. Les ressources comme la base de données O*NET, qui offre des données sur les compétences pour les professions aux États-Unis, doivent continuer de jouer un rôle important en veillant à la fiabilité des données sur les compétences tirées d’affichages de postes et d’autres sources non standard.

  1. La qualité et la disponibilité des mégadonnées varient grandement

Tous les postes ne sont pas affichés en ligne et ça n’est pas un hasard. En effet, les offres d’emploi sont souvent orientées en fonction des marchés du travail urbains et des professions de cols blancs. Bien qu’il s’agisse d’un problème pour le Canada et d’autres économies industrialisées, pour les économies émergentes et en développement, le problème est amplifié. En plus d’avoir une part beaucoup plus faible des emplois affichés en ligne, de nombreux pays émergents et en voie de développement ne disposent pas d’un outil de collecte de données régulière comme l’Enquête sur la population active pour relier les compétences à l’emploi. C’est là un défi important pour l’OIT et ses pays membres. Le CIMT, Statistique Canada et EDSC publieront et partageront les leçons apprises au Canada au fil de l’utilisation et de l’évaluation des mégadonnées en combinaison avec d’autres méthodes. Nos expériences pourront, espérons-le, aider les autres à combler et à surmonter le manque de données sur les compétences.

Lors de l’atelier de l’OIT, grâce à la contribution d’organisations internationales, d’entreprises privées et d’universitaires, j’ai acquis de nombreuses connaissances sur les nouvelles techniques d’analyse de données, leurs applications et les défis constants de l’univers de l’IMT. Mais le constat le plus clair était que tout le monde n’en est qu’aux premiers stades de la compréhension du monde du travail sous l’angle des compétences. Bien que l’avenir offre plusieurs voies possibles, nous avons tous convenu que la meilleure avenue ne peut être trouvée que dans un engagement envers l’ouverture, la transparence et le dialogue en matière de données.

Tony

Tony Bonen est le Directeur de la recherche, des données et de l’analytique du CIMT. Il dirige l’équipe d’économistes du CIMT, dont les sujets d’étude relèvent de tous les domaines, depuis les divers besoins d’information sur le marché du travail jusqu’aux possibles répercussions de l’évolution du monde du travail au Canada.

tony.bonen@lmic-cimt.ca

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