L’histoire de deux provinces : Mesure de l’emploi interprovincial
L’an dernier, j’ai pris la décision de déménager de la Colombie-Britannique — où j’avais travaillé et étudié au cours des cinq dernières années — en Ontario, afin de profiter d’une nouvelle occasion professionnelle au CIMT. Bien que cette décision ait changé ma vie, je savais que je n’étais pas la seule à la prendre. Bon nombre de mes amis déménageaient d’un bout à l’autre du pays ou vivaient avec leur famille, mais se rendaient dans des endroits éloignés pour le travail. Pour certains, le trajet domicile-travail était non seulement long, mais il se faisait dans une autre province.
Au Canada, les personnes qui déménagent dans une autre province ou un autre territoire pour y travailler, mais qui conservent leur province ou leur territoire d’origine comme lieu de résidence, sont appelées des employés interprovinciaux et interterritoriaux (EII) (auparavant simplement des employés interprovinciaux).
Heureusement, comme l’a mentionné Young Jung dans un récent article d’un blogue du CIMT Données locales, granulaires pour débutants, il existe une quantité considérable de données administratives et de données de recensement qui peuvent éclairer des questions comme celle-ci. La mise en relation de ces données est également à portée de main. Par conséquent, nous disposons de l’information nécessaire pour mesurer avec précision l’emploi interprovincial et interterritorial et transmettre les données et les analyses aux employés, aux provinces et aux employeurs.
L’importance de mesurer les employés interprovinciaux et interterritoriaux
La mesure de l’emploi d’une province ou d’un territoire à l’autre est extrêmement pertinente pour comprendre l’économie canadienne, et ce, pour trois raisons principales :
- Elle nous permet de mesurer dans quelle mesure certaines provinces dépendent d’autres provinces pour leur revenu d’emploi; par exemple, selon un rapport de Statistique Canada, 8,5 % du salaire total gagné à Terre-Neuve-et-Labrador en 2011 provenait de l’emploi interprovincial.
- Elle brosse un meilleur portrait des personnes les plus susceptibles d’être des EII, qui, selon les estimations actuelles, sont généralement des hommes jeunes. Cela peut aider les décideurs à concevoir de meilleures politiques pour soutenir et protéger ces personnes.
- Enfin, elle place le savoir entre les mains des employeurs. En approfondissant leurs connaissances sur l’origine de l’offre de compétences, les employeurs peuvent s’attaquer aux pénuries de compétences en réduisant les obstacles qui empêchent les personnes des autres provinces ou territoires de travailler dans leur province ou leur territoire.
Alors, comment le Canada identifie-t-il les travailleurs interprovinciaux et interterritoriaux? La Division de l’analyse sociale et de la modélisation de Statistique Canada élabore des estimations des EII à l’aide d’ensembles de données administratives liées. Voici un aperçu des données et de la méthodologie utilisées par Statistique Canada pour mesurer le nombre de travailleurs canadiens qui vivent et travaillent dans d’autres provinces ou territoires.
Sources de données et définitions
Les estimations des EII reposent sur la Base de données sur la dynamique canadienne entre employeurs et employés (BDCEE). Cette base de données est un recueil de données administratives qui permet d’apparier l’information entre les employés et les employeurs à partir de leurs fichiers d’impôts. La BDCEE comporte 14 fichiers de composantes, dont quatre sont nécessaires à l’estimation des EII (voir figure 1).
Figure 1. Sources de données requises pour l’estimation des EII au Canada
Il y a deux types d’employés interprovinciaux et interterritoriaux qui sont mesurés : les employés entrants et les employés sortants. Gardons cela à l’esprit lorsque nous analysons la situation du point de vue de la Colombie-Britannique :
• Sortants : Les personnes qui sont identifiées comme résidant en Colombie-Britannique dans leur déclaration de revenus T1, mais qui ont reçu des revenus T4 d’une autre province ou d’un autre territoire, à l’exception des immigrants internes.
• Les immigrants internes sont des personnes qui ont déménagé dans la province au cours de l’année d’imposition (p. ex. d’une autre province à la Colombie-Britannique, devenant ainsi résidents de la Colombie-Britannique).
Employés interprovinciaux et interterritoriaux par rapport aux émigrants internes
Il n’est pas facile d’établir une distinction adéquate entre les travailleurs interprovinciaux et interterritoriaux et les émigrants internes en examinant la déclaration T1 d’un particulier au cours d’une année donnée. Pour s’assurer que les nouveaux travailleurs interprovinciaux et interterritoriaux temporaires sont distingués des émigrants internes sortants, disons, en 2017, Statistique Canada examine les déclarations T1 de ce particulier pendant trois années consécutives — pour 2016, 2017 et 2018 dans cet exemple. Si la personne a vécu en Colombie-Britannique en 2016 mais a vécu ailleurs en 2017 et 2018, nous pouvons raisonnablement en déduire qu’elle a déménagé de la Colombie-Britannique dans une autre province ou un autre territoire de résidence. Ce particulier est donc classé comme un émigrant interne sortant en 2016 et n’est pas compté comme un travailleur interprovincial et interterritorial entrant dans la province cette année-là.
Prévisions
Les données des dossiers fiscaux sont rendues anonymes et codifiées au moyen d’un processus long et sécuritaire. Par conséquent, l’information T1 devient disponible sous forme de données environ deux ans après l’année d’imposition (par exemple, les données sur les déclarants de 2017 seront disponibles en 2019). Étant donné que les estimations des EII reposent sur deux années de données relatives aux déclarants, elles sont publiées trois années complètes après leur période de référence. L’amélioration de la rapidité d’exécution de ces estimations grâce à la diffusion immédiate et à d’autres approches novatrices constituerait un important pas en avant dans la production d’une information fiable et opportune sur le marché du travail.
La voie à suivre
Il est important d’améliorer les estimations des EII pour répondre à de nombreuses questions sur le marché du travail, en particulier celles liées à la mobilité des travailleurs et aux sources de revenus entre les provinces et les territoires. La Division de l’analyse sociale et de la modélisation de Statistique Canada travaille actuellement aux dernières mises à jour des travailleurs entrants et sortants. Restez à l’affût pour les recherches et les produits à venir de Statistique Canada et du CIMT sur ces sujets et d’autres sujets.
Elba Gomez Navas est économiste au CIMT et s’intéresse particulièrement à l’intersection de l’économie et des sciences des données. Elle travaille actuellement à rendre les données sur le marché du travail plus accessibles au public.