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Qu’est-ce que le « travail décent »?

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Le concept de « travail décent » est primordial : c’est le cadre à partir duquel les administrations publiques à travers le monde fondent leurs initiatives, programmes et politiques en vue d’améliorer les conditions de travail de tous les travailleurs et travailleuses. Il sert également de cadre pour évaluer les résultats obtenus après la mise en œuvre des principes du travail décent.

Il s’agit d’un concept différent de celui d’un « bon emploi », un autre concept que nous avons récemment exploré, car il est au fondement du bien-être de l’économie, de la société et du marché du travail au Canada.

Dans cet article, nous décortiquons le concept d’emploi décent : Qu’est-ce que c’est? Pourquoi c’est important? Comment le Canada fait-il avancer ses principes?

Qu’est-ce que le « travail décent »?

Le concept de travail décent est apparu en 1999 lors de la conférence de l’Organisation internationale du travail (OIT), où il a été défini comme étant un « travail productif dans des conditions de liberté, d’équité, de sécurité et de dignité humaine ».

Aujourd’hui, ce concept oriente les activités de l’OIT. Les principes du travail décent établissent que l’emploi ne doit pas simplement fournir des moyens de subsistance, mais permettre aux individus d’utiliser pleinement leurs compétences pour contribuer au bien-être commun.

Le concept s’étend aux secteurs du travail formel et informel et se fonde sur le principe que les entreprises font partie intégrante de la société et ne sont pas des entités séparées. Il marque une volonté de prioriser la qualité de la vie professionnelle et reconnaît que le travail décent n’est pas qu’un enjeu de justice sociale, mais aussi un facteur fondamental du développement social et économique.

En établissant les normes du travail et en encourageant le dialogue social, le concept de travail décent catalyse les processus de développement qui favorisent une gouvernance et des normes de développement social plus rigoureuses.

De manière générale, un travail est considéré comme décent lorsque les principes de droits, de représentation et de protection sont respectés et lorsqu’il :

 

offre un revenu juste

garantit la sécurité d’emploi et des conditions de travail sécuritaires

assure des occasions et un traitement équitables pour tous

inclut la protection sociale des travailleurs et travailleuses et de leurs familles

offre des perspectives de développement personnel et favorise l’intégration sociale

permet aux travailleurs d’exprimer librement leurs préoccupations et de s’organiser

L’Assemblée générale des Nations unies fait du « travail décent » un objectif mondial

En 2015, l’Assemblée générale des Nations unies a réuni 193 pays pour adopter le Programme de développement durable à l’horizon 2030 – une étape importante dans la coopération internationale.

Au cœur de ce programme se trouvent les 17 objectifs de développement durable (ODD ou « objectifs mondiaux »), qui forment un plan d’action commun pour « la paix et la prospérité des peuples et de la planète, pour aujourd’hui et pour l’avenir ».

Les objectifs mondiaux visent à apporter une solution aux enjeux posés par les crises environnementales urgentes et la pauvreté, ainsi qu’à relever les défis sociaux, économiques et environnementaux du 21e siècle en s’engageant dans un partenariat mondial conçu pour s’attaquer simultanément à ces dimensions de la durabilité.

Le concept de travail décent est au cœur de l’ODD 8 : promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous.

Cet objectif reconnaît que le travail décent et la croissance économique sont des éléments essentiels pour le développement durable des pays, et met en évidence la relation entre les deux1. Le travail décent est indispensable au bien-être des familles et à la réussite et au potentiel de tous les travailleurs et travailleuses, collectivement et individuellement. Il est essentiel pour atteindre une qualité de vie et des normes de développement social élevées2.

Le Canada, en première ligne de la promotion du travail décent

Le Canada a mis en œuvre plusieurs initiatives et politiques pour promouvoir le travail décent, respecter les ODD et assurer une croissance économique durable.

Initiatives fédérales visant à promouvoir les principes du travail décent

Le gouvernement du Canada a lancé différentes initiatives en vue de promouvoir les principes du travail décent dans l’ensemble du pays :

Au moyen d’accords bilatéraux de transfert de main-d’œuvre, tels que les Ententes sur le développement du marché du travail et les Ententes sur le développement de la main-d’œuvre, le gouvernement canadien investit annuellement plus de 3 milliards de dollars dans la formation professionnelle et l’aide à l’emploi. En outre, des programmes tels que le Fonds pour l’emploi et la croissance et le Service de croissance accélérée renforcent l’engagement du gouvernement à créer des possibilités d’emploi de haute qualité.

Le Canada ne perd pas de vue les répercussions des technologies, du changement climatique et de l’évolution démographique sur ses marchés du travail. Des initiatives telles que Action Compétences aident les travailleurs et travailleuses et les chômeurs et chômeuses à développer leurs compétences afin de répondre aux exigences futures du marché du travail. De même, le programme Compétences pour réussir met l’accent sur les compétences fondamentales et transférables, en particulier pour les personnes nouvellement arrivées, racisées, handicapées et autochtones.

En outre, la Stratégie emploi et compétences jeunesse du Canada est conçue pour aider les jeunes personnes, en particulier celles qui rencontrent des obstacles à l’emploi, à acquérir de l’expérience professionnelle et des compétences. Les approches inclusives sont étendues aux communautés autochtones à travers le Fonds pour les compétences et les partenariats et le Programme de formation pour les compétences et l’emploi destiné aux Autochtones, qui vise à soutenir les formations professionnelles et à développer les aptitudes tout en tenant compte des spécificités culturelles.

Le Plan d’action pour l’inclusion des personnes en situation de handicap du Canada prévoit l’élaboration d’une stratégie pour l’emploi des personnes en situation de handicap pour éliminer les obstacles sur le lieu de travail. Un Groupe de travail sur les femmes dans l’économie a pour objectif de favoriser une reprise économique féministe et inclusive.

Le Canada a également mis à jour son Code du travail. Le but est d’améliorer les normes du travail dans le secteur privé. Il a en outre adopté le projet de loi C-65 pour modifier le Code canadien du travail et la Loi sur les relations de travail au Parlement afin de protéger les fonctionnaires fédéraux contre le harcèlement et la violence.

Les cadres juridiques qui font progresser les principes du travail décent au Canada

Sur le plan législatif, la Loi sur l’équité salariale est entrée en vigueur le 31 août 2021, rendant obligatoire l’équité salariale proactive pour les personnes sous réglementation fédérale, afin de réduire les écarts de rémunération entre les genres. De plus, la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Loi sur l’équité en matière d’emploi et le Programme de contrats fédéraux forment un cadre juridique pour la prévention de la discrimination en matière d’emploi fondée sur le genre, la race, l’appartenance ethnique, entre autres. Ces outils couvrent un large éventail de contextes et contribuent à garantir l’équité et l’égalité pour les travailleurs et travailleuses.

Le Code canadien du travail énonce notamment les droits et les obligations des employeurs et des employés. Les lois fédérales sur le travail et l’emploi protègent également les droits des travailleuses et travailleurs étrangers au Canada. Il est essentiel de rechercher une définition plus inclusive du travail décent qui inclut l’avancement professionnel.

La décision du gouvernement canadien de mettre en place un système national de garde d’enfants à un prix abordable est également une étape monumentale dans la promotion du travail décent. La pandémie a révélé les difficultés que rencontrent de nombreuses familles lorsqu’il s’agit de concilier travail et garde d’enfants. De fait, nous avons assisté à une baisse historique de la participation des femmes à la vie active. Cette nouvelle initiative, élaborée en collaboration avec les gouvernements provinciaux, est une bénédiction non seulement pour les parents qui travaillent, mais aussi pour l’économie. Les efforts déployés depuis des décennies par les syndicats et les militants et militantes ont enfin mené à des résultats tangibles et favorisé l’émergence d’une main-d’œuvre plus inclusive.

Lorsque les individus possèdent les compétences nécessaires et ont la possibilité d’occuper un emploi intéressant et de contribuer au développement d’un avenir durable, c’est toute la société qui en profite. Les employeurs au Canada ont une importante responsabilité à cet égard.

Comment le Canada évalue-t-il les progrès accomplis dans la mise en œuvre des principes du travail décent?

Statistique Canada a établi une série d’indicateurs pour déterminer si un travail est décent, dont le taux de croissance annuel du PIB réel par personne employée, la proportion d’emplois informels, le salaire horaire moyen et les taux de chômage ou de sous-emploi chez les jeunes. Ces indicateurs permettent de suivre les progrès accomplis et de déterminer les possibilités d’amélioration :

  • taux de croissance annuel du PIB réel par personne employée
  • proportion d’emplois informels par secteur et par genre3
  • salaire horaire moyen des employés par genre, âge, profession et personnes en situation de handicap
  • proportion de jeunes (âgés de 15 à 24 ans) qui ne sont pas aux études ni en emploi ou en formation
  • indicateur substitutif4 pour plusieurs accidents mortels et accidents avec arrêt de travail (qui comprend deux sous-indicateurs relatifs au nombre d’accidents mortels et d’accidents avec arrêt de travail, classés par genre)

La voie à suivre

Malgré ces initiatives et cadres visant à promouvoir les principes du travail décent, de nombreux Canadiens et Canadiennes sont toujours laissés pour compte.

La pandémie a mis en évidence la vulnérabilité des travailleurs et travailleuses à faible revenu et de premières lignes, qui ne disposent souvent pas d’avantages sociaux, tels que des congés de maladie rémunérés. Par exemple, les recherches sur les conditions de travail dans la restauration indiquent que les longues heures et les horaires imprévisibles rendent difficile la conciliation des obligations professionnelles et personnelles.

Selon une étude menée par Statistique Canada, les personnes travaillant dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration ont des conditions d’emploi inférieures aux normes. En raison de la nature de leur travail, ils sont également confrontés à un recul en matière de normes de travail et de salaires.

Les personnes noires canadiennes sont surreprésentées dans les emplois précaires, temporaires et mal rémunérés, et sous-représentées dans les emplois de direction bien rémunérés.

Des recherches récentes indiquent qu’une personne noire sur deux au Canada a été victime de discrimination raciale sur son lieu de travail, et que 96 % des personnes noires au Canada considèrent le racisme comme un problème sur leur lieu de travail, tandis que 78 % d’entre elles considèrent que le racisme sur le lieu de travail est un problème grave. Par ailleurs, 56 % des personnes blanches ayant répondu à l’enquête considèrent le racisme au travail comme un problème mineur ou inexistant. Ces perspectives contrastées illustrent un cas de marginalisation économique renforçant le travail précaire à bas salaire aux dépens des communautés marginalisées.

Il est essentiel que le Canada développe des programmes, des initiatives et des politiques afin de progresser vers les principes du travail décent pour tous les Canadiens et Canadiennes, et plus particulièrement pour les groupes sous-représentés.

Cet article fait partie d’une série en cours sur la qualité du travail au Canada. Inscrivez-vous à la lettre d’information de CIMT pour recevoir des alertes sur les futurs articles et recherches sur ce sujet.

Endnotes

1 Idowu, S. O., Capaldi, N., Zu, L., & Gupta, A. D. (Eds.). (2013). Encyclopedia of corporate social responsibility (Vol. 21). Berlin: Springer.

2 Kolot, A., Kozmenko, S., Herasymenko, O., & Štreimikienė, D. (2020). Development of a decent work institute as a social quality imperative: Lessons for Ukraine. Economics & Sociology, 13(2), 70-85. 

3 L’objectif de cette étude était d’analyser la proportion d’emplois informels par rapport à l’emploi total, en mettant l’accent sur la différenciation par secteur et par genre. 

4 Accidents du travail mortels et non mortels pour 100 000 travailleurs, par genre et par statut de migrant.

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Kashyap Arora

Économiste

Kashyap contribue à différents projets liés au marché du travail. Entre autres, il explore les liens entre les systèmes d’éducation et l’IMT, suit l’emploi et les métiers de l’économie verte et examine les réponses provinciales et territoriales aux pénuries de main-d’œuvre et de compétences.

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Suzanne Spiteri

Responsable de la recherche

Suzanne Spiteri est sociologue et possède plusieurs années d’expérience dans l’analyse qualitative des données ainsi que dans les méthodes d’analyse mixtes. Elle dirige les projets portant sur le resserrement du marché du travail et la situation professionnelle des groupes sous-représentés.

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