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Combien gagnent-ils? Diplômes de cycle court et apprentissage appliqué dans les écoles polytechniques canadiennes

En 2018, le Canada s’est classé au premier rang des pays de l’OCDE pour le niveau de formation des adultes en éducation postsecondaire (EPS). Notre position de leader mondial en matière d’EPS est bien connue. Ce qui l’est peut-être moins, c’est que l’excellente réputation du Canada est due en grande partie à nos secteurs polytechniques et collégiaux, soit ceux qui offrent ce que l’OCDE appelle l’enseignement « tertiaire de cycle court ». Ces programmes offrent des connaissances, aptitudes et compétences techniques professionnelles recherchées. Ils relient les connaissances déclaratives aux applications pratiques, sont spécifiques à une profession et préparent les apprenants à entrer sur le marché du travail immédiatement.

Mais comment les diplômés se débrouillent-ils sur le marché du travail? Le CIMT et l’IRPE ont cosigné un rapport afin de répondre à cette question au moyen de données tirées de la Plateforme longitudinale entre l’éducation et le marché du travail. Le rapport fait le suivi des revenus annuels des diplômés de l’EPS des cohortes 2010 à 2014 pour évaluer les trajectoires de revenus par sanction et domaine d’études.

Les résultats du rapport montrent clairement pourquoi tant de Canadiens choisissent les écoles polytechniques et l’éducation collégiale : l’apprentissage intensif, axé sur les résultats et appliqué rapporte beaucoup sur le marché du travail. Mais qu’est-ce qui différencie l’apprentissage appliqué, exactement? Qui s’inscrit à ces programmes intensifs, et pourquoi? Et quels sont les retombées et les revenus potentiels liés aux sanctions de cycle court?

Le monde de l’éducation postsecondaire canadienne est complexe, avec des établissements polytechniques qui offrent un enseignement couvrant tout le spectre des connaissances, des programmes d’apprentis pour les métiers industriels aux baccalauréats, en passant par les certificats. Certains, comme le British Columbia Institute of Technology (BCIT), étendent même cet éventail aux diplômes de maîtrise et aux certificats de troisième cycle. Concentrons-nous toutefois sur les sanctions d’études intermédiaires, en particulier les certificats et diplômes, ainsi que les établissements qui les délivrent.

Combler le décalage entre l’école et le marché de l’emploi grâce à la participation de l’industrie

La caractéristique la plus importante et la valeur reconnue des diplômes de cycle court sont peut-être le niveau élevé d’engagement de l’industrie tout au long du processus d’apprentissage. L’industrie est impliquée dans la conception des programmes et des cours afin de garantir un apprentissage de la plus haute pertinence pour le marché du travail actuel. Par exemple, lorsque de nouveaux outils, techniques et technologies transforment l’industrie, les employeurs et les éducateurs collaborent pour veiller à ce que ces nouveautés soient intégrées au programme et à ce que de l’équipement de pointe soit accessible dans les salles de classe.

Les établissements qui offrent un enseignement axé sur les résultats s’appuient aussi largement sur un corps professoral directement issu de l’industrie. Grâce à une expérience concrète et pratique en classe, l’enseignement fait le pont entre la théorie et l’application, ce qui permet aux apprenants de comprendre comment leurs nouvelles capacités peuvent être mises à profit au travail. De plus, les instructeurs provenant de l’industrie se concentrent d’abord sur l’enseignement plutôt que sur la recherche et la publication, créant ainsi un environnement centré sur l’apprenant.

Les diplômes de cycle court offerts par les écoles polytechniques comprennent aussi généralement des occasions d’apprentissage en milieu de travail (programmes coop et d’apprentis, stages) qui permettent aux étudiants de sortir de la salle de classe et d’obtenir de l’expérience sur le marché du travail. Alors que les universités découvrent soudainement l’apprentissage en milieu de travail, les écoles polytechniques, elles, appliquent avec succès ce « nouveau » modèle depuis 50 ans.

Cet arrimage de l’apprentissage en classe au monde du travail permet aux diplômés d’être préparés à la réalité, parce qu’ils en ont fait l’expérience en travaillant avec des professionnels de l’industrie sur des problèmes concrets. Ils ont ainsi une meilleure compréhension de la complexité des entreprises et lieux de travail actuels, et s’intègrent avec confiance aux structures existantes.

Qui s’inscrit à des programmes de cycle court, et pourquoi?

Les établissements polytechniques du Canada favorisent l’apprentissage continu, grâce à des certificats et diplômes formant une matrice de titres de compétences progressifs et cumulables. Ils offrent ainsi aux apprenants une grande flexibilité, en leur permettant par exemple d’entrer sur le marché du travail avec un certain type de diplôme et de retourner aux études plus tard pour acquérir les nouvelles compétences et connaissances requises. Ainsi, les programmes de cycle court attirent les apprenants à tous les stades de leur carrière, soit les jeunes qui n’ont pas encore intégré le marché du travail et les travailleurs en milieu de carrière qui cherchent à se perfectionner ou à se recycler.

Si la simplicité du passage au marché du travail est attrayante, la facilité avec laquelle une personne peut faire la transition vers un programme d’études est aussi essentielle. Les jeunes peuvent subir un « choc culturel » à leur entrée en EPS en raison des styles d’enseignement et d’apprentissage qui leur sont souvent étrangers. Par exemple, l’anonymat des grands amphithéâtres est bien connu. Les étudiants trouvent souvent plus facile de s’adapter à l’approche pratique, collaborative et axée sur le travail d’équipe de l’apprentissage appliqué. La plupart d’entre eux trouvent ce milieu interactif satisfaisant et gratifiant, ce qui réduit grandement le taux de décrochage et minimise ainsi les échecs d’investissement de temps et d’argent.

Il est important pour les jeunes que ces diplômes plus courts, cumulables et progressifs leur permettent aussi de quitter l’éducation postsecondaire avec quelque chose en main. Si un étudiant change d’idée après un an d’études, il peut entrer sur le marché du travail avec un certificat reconnu. À l’inverse, l’abandon d’un diplôme universitaire de quatre ans ne confère aucun titre et est souvent considéré comme un échec. Au BCIT, plus de 40 % des apprenants ont suivi au moins partiellement un cursus universitaire. En effet, la valeur et la nature gratifiante de l’apprentissage appliqué ne sont parfois découvertes qu’après des essais et erreurs.

Les programmes axés sur les résultats offrent aussi une importante flexibilité aux apprenants au sein de leur établissement en créant des passerelles entre les disciplines et vers d’autres diplômes. Le BCIT offre aux étudiants qui terminent des programmes intensifs de transférer leur expérience vers l’un des nombreux diplômes de maîtrise appliquée, ou leurs études et expérience en métiers spécialisés vers des diplômes avancés. Ces programmes permettent à chacun de trouver ses forces et passions, ce qui veut dire que les jeunes et les personnes en changement de carrière peuvent explorer tout l’éventail des disciplines et orienter leurs forces et intérêts vers un domaine précis plutôt que de poursuivre une carrière potentiellement insatisfaisante.

Enfin, les programmes de cycle court permettent aux apprenants de cumuler des diplômes dans différentes disciplines. De plus en plus, à mesure que les technologies, systèmes et secteurs s’intègrent, le monde du travail d’aujourd’hui requiert des connaissances multidisciplinaires et une transversalité. Par exemple, les secteurs de la construction et de l’agroalimentaire évoluent actuellement pour intégrer des technologies numériques, et de nouvelles professions émergent à l’interface des domaines traditionnels. Aujourd’hui, comme les généralistes sont aussi valorisés que les spécialistes, les apprenants pourraient choisir de suivre deux certificats dans des disciplines différentes en seulement deux ans, et plus tard, les cumuler de manière verticale en vue d’obtenir un autre diplôme supérieur.

Au fil de l’évolution du marché du travail, les travailleurs en milieu de carrière pourraient devoir ou vouloir se perfectionner ou se recycler. Le BCIT compte à lui seul 30 000 apprenants en milieu de carrière dans des programmes spéciaux et à temps partiel. Ainsi, il est crucial de reconnaître les compétences et capacités acquises dans un cadre non universitaire. Le programme de Placement avancé & apprentissages antérieurs national compare les compétences acquises dans le cadre d’un emploi précédent aux programmes universitaires, offrant ainsi aux anciens combattants, aux nouveaux arrivants, aux ouvriers qualifiés, aux premiers répondants et à d’autres d’obtenir un niveau universitaire avancé. Le programme leur permet d’entrer dans des programmes plus longs à mi-parcours plutôt que de devoir suivre tous les cours de base. La valorisation de l’apprentissage passé, tant formel qu’informel, gagnera en importance à mesure que de plus en plus de travailleurs en milieu de carrière réintègrent l’éducation et la formation.

Apprentissage appliqué et trajectoires de revenus : ce que disent les chiffres

Comme toujours, la preuve est à l’usage, ou, plus précisément, dans le chèque de paie. Maintenant que l’on comprend mieux ce que sont les programmes de cycle court appliqués et intensifs, penchons-nous sur ce que disent les données sur les revenus que les diplômés peuvent attendre de leur investissement.

Si l’on résume, les diplômes intermédiaires sont assortis de salaires de départ élevés dès l’entrée sur le marché du travail, ainsi que d’un potentiel de croissance élevé au fil du temps. En 2010, les titulaires de diplôme intermédiaire de tous les domaines d’études avaient déjà des revenus de plus de 35 000 $ un an après l’obtention de leur diplôme et de près de 47 000 $ cinq ans après, soit un taux de croissance moyen de plus de 36 %. L’attrait des diplômes axés sur les résultats se fait encore plus fort si l’on considère la rapidité avec laquelle ils peuvent être obtenus (un à trois ans) et leur coût inférieur aux autres types de diplômes.

Par domaine d’études, on retrouve les revenus les plus élevés en génie, architecture et services connexes, soit jusqu’à 64 000 $ cinq ans après l’obtention du diplôme. Grâce au tableau de bord du CIMT, on peut approfondir la comparaison des revenus par groupe de domaines d’études – STGM (sciences, technologies, génie et mathématiques) et SACHES (sciences sociales, art, commerce, sciences humaines, éducation, santé). Un an après l’obtention du diplôme, certains finissants de programmes de cycle court dans les domaines STGM gagnent plus que leurs homologues titulaires de baccalauréat. Les titulaires de diplôme à cycle court arrivent sur le marché du travail préparés et les employeurs les récompensent en retour.

La distribution des revenus au sein d’un même diplôme et entre différents diplômes donne également des indications intéressantes (voir la figure 4, en page 34 du rapport). D’abord, le potentiel de revenus des diplômes intermédiaires est stable et fiable, et présente la variance la plus faible entre le maximum et le minimum. Ensuite, la distribution des revenus par sanction d’études montre que les personnes les mieux rémunérées perçoivent des salaires plus élevés que plusieurs titulaires de grade professionnel.

Vue d’ensemble et prochaines étapes

La valeur des programmes de cycle court ressort nettement des données : les diplômés ont de forts potentiels de revenus dès leur entrée sur le marché du travail. Les revenus augmentent avec le temps et, selon le domaine d’études, les diplômés peuvent toucher un salaire important avec un investissement à court terme. Les revenus sont également constants, avec une variance plus faible que les autres sanctions d’études, ce qui permet aux apprenants d’avoir une bien meilleure idée de ce qu’ils peuvent espérer gagner. Pour de nombreuses raisons, dont la facilité de planifier, il est avantageux d’entrer sur le marché du travail avec plus de certitudes quant aux revenus potentiels.

Bien sûr, ces revenus ne proviennent pas toujours d’employeurs tiers : les compétences appliquées ouvrent également la porte à l’entrepreneuriat et au travail autonome. De nombreux diplômés de programmes de commerce et de technologies ouvrent leur propre entreprise et deviennent ainsi des innovateurs dans leur domaine. Et dans un contexte mondialisé, ils bénéficient d’une mobilité internationale et d’une transférabilité des compétences accrues. En effet, la capacité à fournir des solutions concrètes reste un atout partout dans le monde.

Bien qu’il reste certainement du travail à faire, comme évaluer les trajectoires de revenus des titulaires de plusieurs types de diplômes, ce rapport du CIMT et de l’IRPE confirme à nouveau la valeur des programmes de cycle court et de l’apprentissage appliqué en général. Il démontre non seulement ce qui est possible, mais aussi comment nous pouvons utiliser les données pour aider les apprenants de tous âges à prendre de meilleures décisions concernant leur avenir.

Capture

M. Tom Roemer est vice-recteur aux études au British Columbia Institute of Technology. Il s’occupe de définir la vision des études de BCIT en plus de jouer un rôle de chef de file au sein des portefeuilles de l’éducation, des questions internationales et de la recherche appliquée. tom_Roemer@bcit.ca 

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Daniel Komesch est directeur des politiques chez Polytechnics Canada. Il assume la responsabilité en ce qui concerne les dossiers de politiques de Polytechnics Canada, sans compter qu’il possède une expertise dans les domaines, comme les compétences et l’emploi, les stages et l’information sur le marché du travail. daniel@polytechnicscanada.ca

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