Dernière mise à jour : 09-2020
Définitions et sources
La définition des compétences varie considérablement selon les sources et les disciplines. L’économie classique, par exemple, définit les compétences comme l’ensemble des connaissances et autres qualités professionnelles qui influencent la productivité du travail d’une personne (Frazis et Loewenstein, 2007). En psychologie, particulièrement en psychologie industrielle, organisationnelle et pédagogique, le terme compétences est beaucoup plus précis. Il désigne généralement l’application d’une certaine capacité innée à l’exécution d’une tâche donnée (Nickols, 2011; Krathwohl, 2002). En ce sens, les compétences sont considérées comme distinctes des concepts connexes de connaissance, d’habileté et de capacité (voir l’encadré 1).
En 2019, Emploi et Développement social Canada (EDSC) a publié sa Taxonomie des compétences et des capacités pour faciliter les échanges sur les compétences à l’échelle du pays. La taxonomie se base sur plusieurs produits internes, comme le Guide sur les carrières et les profils des compétences essentielles, ainsi que sur des taxonomies professionnelles d’ailleurs dans le monde, comme celles du Occupational Information Network (O*NET) des États-Unis. La taxonomie d’EDSC comble ainsi une lacune de longue date en définissant officiellement au Canada les compétences comme les « capacités acquises que doit avoir une personne pour bien accomplir un travail ou une fonction, jouer un rôle ou effectuer ses tâches ». Cette définition est conforme à la manière dont les compétences sont conceptualisées en psychologie.
Encadré 1 : Habilité ? Connaissance ? Non, c'est une compétence, un outil ou une technologie !
En général, une habileté est une capacité ou un attribut requis pour accomplir une tâche. Elle peut être considérée comme le potentiel de réalisation d’une activité. Par exemple, pour communiquer oralement avec d’autres personnes, une personne doit posséder l’habileté d’utiliser la partie de son cerveau nécessaire au traitement de la parole et du langage, c’est-à-dire qu’elle doit avoir le potentiel de communiquer.
La notion de connaissance, elle, concerne l’information. Elle peut être factuelle, par exemple une connaissance de la terminologie; conceptuelle, comme la connaissance de théories, de modèles et de principes; procédurale, comme une connaissance de techniques et de méthodes; ou encore métacognitive, comme la connaissance de soi.
Au carrefour des habiletés et des connaissances, on trouve les compétences. Elles impliquent l’exercice des habiletés et des connaissances pour réaliser une tâche donnée (cliquez ici pour voir une brève explication visuelle). Considérons la compétence de la pensée critique. Pour avoir une pensée critique, il faut posséder la capacité cognitive de réfléchir (l’habileté de penser), ainsi que les informations de base nécessaires sur le sujet (des connaissances factuelles). Ensuite, en appliquant ses connaissances sur le sujet et en s’appuyant sur diverses autres informations (par exemple, des connaissances culturelles), la personne peut procéder à l’exécution de la tâche à accomplir, comme le triage de patients par priorité ou l’évaluation du meilleur outil nécessaire pour accomplir un travail particulier.
Il est également important de noter que les compétences sont différentes des outils et technologies. Dans les offres d’emploi, par exemple, on voit couramment SAS ou Python répertoriés comme des compétences, mais en fait, il s’agit plutôt d’outils et de technologies. Ainsi, une personne pourrait analyser des données en construisant un modèle statistique (compétence) au moyen du langage SAS (outil) ou créer un algorithme de traitement du langage naturel (compétence) en Python (outil). Cette distinction est importante, surtout dans le contexte de la transférabilité des compétences, où la compétence développée est similaire dans diverses professions, mais où les outils sont peut-être différents. En effet, un candidat qui manquerait de connaissances sur un outil donné, par exemple un modélisateur statistique qui utilise SAS par rapport à un autre qui utilise Python, pourrait très facilement acquérir les connaissances nécessaires.
Cette combinaison de compétences, de connaissances et d’habiletés constitue les capacités. Ces dernières comprennent souvent un niveau de performance déterminé auquel une compétence doit être exécutée, et sont couramment utilisées en ressources humaines et dans la création de normes professionnelles, comme dans le Programme du Sceau rouge.
Classification des compétences
On décrit et on précise aussi les compétences en relation les unes avec les autres au moyen de différentes classifications, taxonomies et ontologies (voir l’encadré 2), qui varient elles aussi selon les sources (voir le tableau 1).
Une méthode de classification courante divise les compétences en deux groupes : celles qui impliquent un effort intellectuel conscient (c’est-à-dire les compétences qui impliquent la réflexion, le raisonnement ou la mémorisation) et celles qui sont liées aux traits de personnalité, aux attitudes, aux motivations et aux comportements1. Même dans le cadre de cette approche, il existe des différences dans le dénominations des catégories et dans la façon de classifier les compétences. Par exemple, les compétences liées aux traits de personnalité, aux attitudes, aux motivations et aux comportements sont classées sous différentes catégories, telles que « non cognitive », « sociale », « socio-affective » ou « générale », pour n’en citer que quelques-unes (voir l’encadré 3). En outre, une compétence qualifiée de « cognitive » dans une classification peut être catégorisée comme « non cognitive » dans une autre, comme c’est arrivé pour la compétence de la pensée critique.
Encadré 2 : Des classifications, des taxonomies et des ontologies
Les classifications, les taxonomies et les ontologies sont trois méthodes pour décrire et visualiser la relation entre les éléments. Une classification est un simple regroupement d’éléments en catégories selon sur un ou plusieurs attributs. Par exemple, une classification regroupe les compétences en deux catégories, soit les compétences spécialisées et les compétences générales (voir l’encadré 3).
Les taxonomies montrent la relation entre de nombreux éléments selon une structure hiérarchique et arborescente. On peut considérer qu’il s’agit de multiples classifications reliées entre elles pour former une hiérarchie. Par exemple, la classification des compétences O*NET des États-Unis est en fait une taxonomie. Alors que les compétences sont séparées en deux catégories (de base et transversales) au niveau le plus large, elles sont ensuite regroupées dans plusieurs classifications supplémentaires.
Comme les taxonomies, les ontologies montrent également la relation entre de nombreux éléments, mais de manière non hiérarchique. Autrement dit, au sein d’une ontologie, de nombreuses relations existent et sont modélisées. Alors que les taxonomies sont représentées graphiquement sous forme de diagrammes arborescents, les ontologies le sont plutôt sous forme de réseaux. Un exemple d’ontologie des compétences est Encube, qui modélise les compétences en relation les unes avec les autres.
La division des compétences selon qu’elles sont cognitives ou non n’est qu’une approche de la classification; d’autres classifications existent. Le système américain O*NET, par exemple, fournit une taxonomie des compétences qui, au plus haut niveau, classe les compétences comme étant soit de base, soit transversales. La Classification européenne des aptitudes/compétences, certifications et professions (ESCO) de la Commission européenne, en revanche, divise les compétences en compétences cognitives ou pratiques (voir le tableau 1). Et, si les classifications binaires sont les plus courantes, d’autres disciplines et domaines peuvent utiliser des classifications ternaires (par exemple : cognitives, affectives et psychomotrices).
Tableau 1 : Classifications courantes des compétences de haut niveau
Grandes catégories de classification des compétences | Exemple | Définitions |
Cognitives ou non cognitives | Zhou (2016); Pierre et al. (2014) | Les compétences cognitives impliquent un effort intellectuel conscient. Elles désignent les compétences utilisées pour comprendre des idées complexes et se livrer à diverses formes de raisonnement. Les compétences non cognitives sont liées aux traits de personnalité, aux attitudes et aux motivations, ainsi qu’aux comportements socialement déterminés, comme l’intégrité et l’interaction interpersonnelle. |
De base ou transversales | US O*NET system | Les compétences de base facilitent l’apprentissage et l’acquisition de connaissances. Les compétences transversales facilitent la réalisation de tâches qu’on retrouve dans le cadre de plusieurs emplois. |
Cognitives ou pratiques | European Commission ESCO | Les compétences cognitives impliquent l’utilisation de la pensée logique, intuitive et créative. Les compétences pratiques impliquent la dextérité manuelle et l’utilisation de méthodes, de matériaux, d’outils et d’instruments. |
Encadré 3 : Un langage plus neutre pour nommer les compétences
En anglais, on utilise depuis longtemps les termes hard skills (compétences spécialisées) et soft skills (compétences générales) pour désigner respectivement les compétences liées à l’exécution de tâches spécifiques à une profession et les compétences comportementales liées à la personnalité et à l’interaction avec les autres. Bien que les termes hard et soft soient employés en anglais dans le langage courant et dans la littérature (voir, par exemple, Heckman & Kautz, 2012), ils ne sont pas utilisés dans la politique canadienne. En outre, ces termes font l'objet d’une stigmatisation sociale croissante; c’est pourquoi on encourage l’utilisation d’un langage plus neutre. EDSC préfère plutôt les termes compétences professionnelles et compétences sociales et émotionnelles.
Mesure des compétences
Compte tenu de la difficulté à définir les compétences de manière conceptuelle et des nombreuses définitions et classifications, il n’est pas surprenant que la mesure des compétences puisse être compliquée. Néanmoins, la mesure des compétences est une question essentielle pour les responsables politiques ainsi que les spécialistes de l’éducation et du marché du travail.
Les méthodes d’évaluation et de mesure des compétences peuvent être divisées en deux groupes : les tests et l’autoévaluation ou les indicateurs de substitution. Il existe différentes faiblesses en matière de qualité et de faisabilité, selon les approches.
Tests
L’approche la plus directe pour évaluer les compétences de quelqu’un consiste à tester lesdites compétences. Les tests de compétences professionnelles sont des simulations de travail immersives (c’est-à-dire pratiques) qui évaluent la capacité d’une personne à effectuer les tâches d’un certain emploi. Les candidats peuvent être invités, par exemple, à réaliser une partie du travail qu’ils effectueront dans le cadre de leur emploi. Selon la profession et le poste, ces évaluations directes peuvent être faites en personne avec un évaluateur qualifié ou en ligne avec un test écrit. L’exemple le plus connu est celui des défis de codage fréquemment utilisés lors du recrutement de programmeurs et d’ingénieurs logiciels, mais on voit de plus en plus d’entreprises spécialisées en ressources humaines dont l’objectif est d’aider les employeurs à tester les compétences de leurs candidats pour un large éventail de professions. Le principal avantage des tests de compétences est qu’ils permettent d’évaluer et de mesurer les compétences spécifiques à une profession, c’est-à-dire qu’ils testent les compétences directement liées aux tâches précises qu’un travailleur est censé effectuer.
En plus des tests de compétences professionnelles, d’autres types d’évaluations, collectivement appelés tests psychométriques, sont utilisés pour évaluer les compétences et, plus généralement, déterminer la préparation à l’emploi. Les tests psychométriques, cependant, ne portent pas sur les compétences professionnelles spécifiques. Ils sont plutôt conçus pour saisir les aptitudes générales et les caractéristiques comportementales, et peuvent inclure des tests de profilage de la personnalité, des évaluations du raisonnement logique, numérique et verbal, et des tests de jugement situationnels. Les tests psychométriques sont parfois utilisés par les employeurs pour prédire si un candidat est capable d’exercer un emploi ou s’il possède les traits comportementaux nécessaires pour réussir dans un poste en particulier (Tandon, 2019; Sharma, 2018).
Comme ils sont liés aux compétences professionnelles, les tests de compétences sont la méthode la plus directe pour évaluer et mesurer les compétences individuelles. Les tests psychométriques, qui eux évaluent de manière générale des traits, des capacités et des connaissances, fournissent une évaluation plus indirecte. Par exemple, les tests de personnalité, qui portent souvent sur les cinq grands traits de personnalité (c’est-à-dire l’ouverture à l'expérience, la conscience, l’extraversion, l’amabilité et le névrosisme, selon le modèle Big Five), peuvent aider les employeurs à déduire de quelle façon un candidat pourrait s’intégrer dans un rôle particulier au sein de leur organisation, ainsi qu’à juger de la manière dont un candidat pourrait réagir ou se comporter. De même, les tests d’aptitudes, qui mesurent les habiletés cognitives telles que le calcul et la lecture (considérées comme des compétences fondamentales), peuvent attester du potentiel d’un candidat, mais ne sont pas liés à des tâches professionnelles précises. Le tableau 2 résume les différentes approches de tests et présente les avantages et les limites de chacune.
Tableau 2 : Types de tests
Type d’évaluation | Exemples | Avantages | Limites |
Tests de compétences professionnelles | Test de programmation pour ingénieurs logiciels
Test de préparation de soufflé pour chefs |
Évalue les compétences individuelles dans le cadre de tâches précises liées au travail. |
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Tests psychométriques : tests de personnalité | Caliper Profile | Évalue des caractéristiques telles que la curiosité, l’autodiscipline et l’assurance. Peut être utilisé pour évaluer comment un travailleur s’intégrerait au sein de l’organisation et du poste. |
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Tests psychométriques : tests d’aptitudes et de cognition | PEICA
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Mesure les compétences générales telles que les aptitudes verbales, la littératie et la numératie. Permet une comparaison croisée objective. |
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Indicateurs de substitutions et autoévaluation
Une autre approche de la mesure des compétences au moyen de tests se base sur l’utilisation d’indicateurs de substitution ou d’autoévaluations, dont les données sont collectées par des enquêtes auprès d’individus et d’employeurs. Les indicateurs les plus courants sont la profession, le niveau d’études ou de qualification et le domaine d’études. Contrairement aux tests de compétences ou aux tests psychométriques, les indicateurs de substitution ne permettent pas de déterminer ou de mesurer les compétences. Ils fournissent plutôt une indication du niveau de compétence général de la population.
On peut aussi demander aux personnes de nommer leurs compétences et de préciser leur niveau de compétence (c’est-à-dire de s’autoévaluer). Bien que cette méthode offre l’avantage d’indiquer les compétences individuelles, il existe des préoccupations légitimes quant à l’exactitude et à la crédibilité de ces informations. Par exemple, des études suggèrent que les gens ont du mal à évaluer de manière fiable des caractéristiques professionnelles abstraites, telles que celles relatives aux compétences, et ont tendance à les surestimer.
- Les professions comme indicateurs de compétences
Une profession est un ensemble d'emplois ayant des exigences professionnelles similaires. Dans de nombreux pays, les agences statistiques nationales utilisent des systèmes standardisés pour nommer et coder les professions. Au Canada, le système normalisé est la Classification nationale des professions (CNP), tenue à jour par EDSC et Statistique Canada. Les codes de la CNP sont classés en fonction du type de travail effectué (le genre de compétence) et de la formation ou d’autres critères requis (le niveau de compétence). Si l’on suppose que tous les travailleurs d’une profession ont les mêmes ensembles de compétences, la part des travailleurs employés dans chaque profession peut donner une indication des compétences de la main-d’œuvre.On utilise couramment les compétences par profession pour estimer les déficits de compétences (c’est-à-dire le manque de candidats ayant les compétences requises pour l’emploi). Les signaux du marché du travail, tels que les salaires, les taux de vacance, les heures travaillées et la croissance de l’emploi, peuvent témoigner de l'évolution de l’offre et de la demande pour une profession donnée. Si on détermine qu’il y a par exemple une pénurie d'infirmières diplômées, on conclut qu’il y a un déficit des compétences requises pour cette profession.
Cette approche est toutefois limitée, dans la mesure où les exigences en matière de compétences d’une profession ne sont jamais fixes et où le contenu des tâches des professions évolue dans le temps en fonction des changements technologiques et organisationnels, ainsi que des demandes des clients et de l’évolution de l’offre de main-d'œuvre.
- La scolarité et les qualifications comme indicateurs de compétences
La scolarité, notamment les qualifications professionnelles et les diplômes, est un autre indicateur utilisé pour mesurer les compétences. Comme pour les professions, si l’on suppose par exemple que tous les titulaires de baccalauréat ont le même ensemble de compétences, alors la part des individus ayant ce niveau de scolarité peut être utilisée comme mesure des compétences. Par ailleurs, la durée des études est liée au niveau de scolarité. L’utilisation de la durée comme mesure des compétences repose sur l’hypothèse qu’il existe une relation positive entre le temps qu’une personne passe dans le système d’éducation et son niveau de compétences. Par exemple, au Canada, souvent parmi les trois premiers pays de l’OCDE en ce qui concerne les diplômés de l’enseignement supérieur, 55,9 % des femmes et 54,5 % des hommes de la population en âge de travailler détiennent une sanction d’études postsecondaires.On utilise surtout la scolarité pour estimer l’incidence de l’inadéquation des compétences (c’est-à-dire lorsque les travailleurs possèdent plus ou moins de compétences par rapport aux exigences de leur emploi actuel). Comme on ne mesure pas directement les compétences, les chercheurs estiment les inadéquations de compétences en évaluant dans quelle mesure les travailleurs ont des qualifications plus ou moins élevées par rapport aux exigences de leur emploi.
Il a toutefois été démontré que la scolarité ne correspond pas aux compétences que l’on utilise au travail. En outre, il peut y avoir une grande variabilité des compétences entre personnes de même niveau de scolarité.
- Le domaine d’études comme indicateur de compétences
Le domaine d’études (c’est-à-dire la matière ou le contenu étudié à l’école) peut fournir plus d’informations sur les compétences que le seul niveau de scolarité à lui seul. Plutôt que de supposer, par exemple, que tous les titulaires de baccalauréat ont le même ensemble de compétences, on considère que tous les étudiants en chimie en partagent un. La part de la population active ayant une certification liée à un domaine d’études donné peut alors être utilisée comme une estimation de l’offre de compétences.Comme pour la scolarité et les qualifications, le domaine d’études est surtout utilisé pour estimer l’inadéquation des compétences. Dans ce cas, les chercheurs déterminent la mesure dans laquelle les travailleurs formés dans un domaine œuvrent dans un autre (par exemple, un diplômé en littérature travaillant comme statisticien).
- Autoévaluation
On peut aussi recueillir des informations sur les compétences en demandant aux individus ou aux employeurs de déclarer eux-mêmes les compétences qu’ils possèdent ou les compétences nécessaires dans leur travail actuel. Les méthodes d’autoévaluation peuvent être avantageuses, car elles permettent de couvrir un large éventail de compétences, sont relativement faciles à mettre en œuvre et fournissent des résultats plus rapidement que les tests. Toutefois, la fiabilité et la validité de la manière dont les gens évaluent leurs compétences peuvent être problématiques. Ces données se prêtent également à la collecte à partir de sources en ligne, notamment les sites d’emploi où les chercheurs d’emploi et les employeurs affichent les compétences qu’ils possèdent et les compétences qu’ils recherchent chez les candidats.
Sources de données sur les compétences par type d'évaluation : les tests
Les sites d’emploi, comme Indeed et LinkedIn, collectent et analysent de plus en plus d’informations sur les compétences des candidats par le biais d’évaluations des compétences en ligne. En 2018, par exemple, Indeed a lancé un outil gratuit nommé Indeed Assessments qui permet aux employeurs d’ajouter des tests de compétences aux offres d’emploi afin de sélectionner les candidats. De même, LinkedIn a commencé à proposer des évaluations de compétences qui permettent aux membres de démontrer leur maîtrise des compétences figurant dans leur profil LinkedIn en effectuant des évaluations spécifiques à ces compétences. Ces évaluations sont créées par des experts en la matière et des intervenants de LinkedIn Learning. Actuellement, des évaluations sont offertes pour près de 50 compétences techniques1 (par exemple Visual Basic for Applications, JavaScript et Amazon Web Services), 11 compétences administratives (par exemple Microsoft Access et QuickBooks) et près de 20 compétences de design (par exemple Autodesk Maya, Adobe Photoshop et Logic Pro).
Le Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA) est une évaluation et une analyse des compétences qui offre des données recueillies par tests psychométriques. Cette enquête est menée tous les dix ans dans plus de 40 pays, dont le Canada, et mesure les compétences cognitives et professionnelles nécessaires à l’emploi. Dans chaque pays, 5 000 personnes âgées de 16 à 65 ans y participent. Les personnes interrogées répondent à deux enquêtes. Tout d’abord, le recueille des informations sur une série de facteurs qui influencent le développement et le maintien des compétences (par exemple l’éducation, le milieu social et la langue). Il comprend des questions visant à déterminer les compétences générales que les répondants utilisent sur le lieu de travail ainsi que leurs compétences sociales et affectives. Ensuite, l’évaluation directe examine les compétences dans trois domaines : la numératie, la littératie et la résolution de problèmes dans des environnements technologiques.
Sources de données sur les compétences par type d'évaluation : les indicateurs de substitution
Plusieurs enquêtes produites et distribuées à l’échelle pancanadienne collectent des informations sur les compétences au moyen d’indicateurs de substitution. Les données sont recueillies à la fois auprès des individus (Enquête sur la population active, Recensement, Enquête nationale auprès des diplômés, Enquête sur la dynamique du travail et du revenu) et des employeurs (Enquête sur les postes vacants et les salaires), ainsi que par le biais de données administratives (Base de données longitudinales sur l’immigration, Plateforme longitudinale entre l’éducation et le marché du travail).
L’Enquête sur la population active (EPA) est une étude mensuelle sur les ménages, avec un échantillon d’environ 56 000 ménages. Elle fournit des estimations sur la situation de la main-d’œuvre, les salaires et les caractéristiques démographiques de la population civile non institutionnelle de 15 ans et plus. L’EPA collecte des données sur la scolarité et la profession. Le niveau de scolarité est déterminé selon la classification du plus haut niveau de scolarité atteint, selon quatre niveaux : inférieur au diplôme d’études secondaires, diplôme d’études secondaires ou l’équivalent, études postsecondaires partielles et certificat, diplôme ou grade d’études postsecondaires. À un niveau plus agrégé, les données peuvent être collectées selon la classification binaire du plus haut certificat, diplôme ou grade.
Le Recensement de la population est une enquête obligatoire menée tous les cinq ans auprès de l’ensemble des ménages du Canada. Le Recensement recueille des données sur le niveau de scolarité, la profession et le domaine d’études du plus haut certificat, diplôme ou grade, entre autres caractéristiques socioéconomiques.
L’Enquête nationale auprès des diplômés (END) recueille des données sur les expériences et les résultats en matière d’emploi des diplômés de programmes d’études postsecondaires. Elle fournit des informations sur le niveau de scolarité et le domaine d’études, ainsi que sur l’emploi et le chômage.
L’Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR) contient des questions sur la participation au marché du travail au fil du temps. Elle suit un échantillon d’individus sur une période de six ans et recueille des informations détaillées sur la profession et le niveau de scolarité, entre autres caractéristiques socioéconomiques. L’EDTR a été remplacée par l’Enquête canadienne sur le revenu (ECR) en 2012.
L’Enquête sur les postes vacants et les salaires (EPVS) est la principale source de données au Canada pour mesurer les niveaux et les taux de postes vacants par CNP détaillée (code à 4 chiffres). En plus des données sur les professions, l’enquête recueille également des données sur l’éducation. Toutefois, contrairement à l’EPA et au Recensement, qui indiquent le niveau de scolarité le plus élevé d’une personne, l’EPVS fournit le niveau de scolarité minimum requis pour l’emploi.
La Base de données longitudinale sur l’immigration (BDIM) fournit des données sur les résultats socioéconomiques des contribuables immigrants grâce à la combinaison de dossiers administratifs d’immigration et de données fiscales. La BDIM contient des informations sur le niveau de scolarité et la profession, entre autres caractéristiques socioéconomiques.
La Plateforme longitudinale entre l’éducation et le marché du travail (PLEMT) suit les revenus des diplômés par niveau de scolarité et domaine d’études en reliant trois ensembles de données administratives de base : le Système d’information sur les étudiants postsecondaires (SIEP), le Système d’information sur les apprentis inscrits (SIAI) et les Fichiers des familles T1 (FFT1).
Sources de données sur les compétences par type d'évaluation : l'autoévaluation
Le moissonnage du web est un processus par lequel des informations sont recueillies sur des sites web publics à des fins d’extraction et d’analyse. L’une des applications du moissonnage du web consiste à collecter des données, en particulier sur les compétences et autres exigences professionnelles, sur des sites d’offres d'emploi en ligne et des sites web d’entreprises. Actuellement, plusieurs entreprises d’analyse de données (par exemple Vicinity Jobs, Burning Glass Technologies et TalentNeuron) effectuent ce type de travail au Canada. Bien que les résultats de cette collecte et de cette analyse de données ne soient généralement pas accessibles au public,
le Conseil de l’information sur le marché du travail (CIMT) s’est associé à Vicinity Jobs pour concevoir le Tableau de bord des tendances de l'emploi au Canada. Cet outil public et gratuit permet aux utilisateurs d’explorer les compétences et autres exigences professionnelles des emplois au Canada et de consulter des précisions sur la façon dont les données doivent être utilisées, les informations disponibles, les mises en garde et limites et la méthodologie.
Accès aux données
Différents canaux, présentés ci-dessous, mènent aux données mentionnées dans la section précédente.
Statistique Canada
Tableaux de données | Produits personnalisés | Fichiers de microdonnées à grande diffusion (FMGD) | Système d’accès à distance en temps réel (ADTR) | Centres de données de recherche | Centre canadien d’élaboration de données et de recherche économique (CDRE) | |
PEICA | S. O. | Inconnu | Disponibles | S. O. | Disponibles | S. O. |
Enquête sur la population active (EPA) | Plusieurs tableaux disponibles pour le niveau de scolarité et la profession (niveaux à 1 et 2 chiffres de la CNP uniquement) | Plusieurs tableaux disponibles conformément aux critères de levée de la confidentialité | Disponible | Disponibles | S. O. | |
Recensement | Plusieurs tableaux disponibles pour le niveau de scolarité, la profession (CNP à 4 chiffres) et le domaine d’études | Plusieurs tableaux disponibles conformément aux critères de levée de la confidentialité | Disponibles | S. O. | Disponibles | S. O. |
Enquête nationale auprès des diplômés (END) | Plusieurs tableaux disponibles pour le niveau de scolarité et le domaine d’études | Plusieurs tableaux disponibles conformément aux critères de levée de la confidentialité | Disponibles | Disponible | Disponibles | S. O. |
Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR) | S. O. | Plusieurs tableaux disponibles conformément aux critères de levée de la confidentialité | Disponibles | Disponible | Disponibles | S. O. |
Enquête sur les postes vacants et les salaires (EPVS) | Plusieurs tableaux disponibles pour le et la profession | Plusieurs tableaux disponibles conformément aux critères de levée de la confidentialité | S. O. | S. O. | S. O. | Disponibles |
Base de données longitudinale sur l’immigration (BDIM) | Plusieurs tableaux disponibles conformément aux critères de levée de la confidentialité | S. O. | S. O. | Disponibles | S. O. | |
Plateforme longitudinale entre l’éducation et le marché du travail (PLEMT) | S. O. | Plusieurs tableaux disponibles conformément aux critères de levée de la confidentialité | S. O. | S. O. | Disponibles | S. O. |
Autres sources
Source | Accès aux données |
PEICA | Fichiers à usage public du PEICA au Canada |
Moissonnage du web | Tableau de bord des tendances de l'emploi au Canada |
Applications
Les informations sur les compétences des individus et les besoins des employeurs en la matière sont essentielles à la création et au maintien d’une main-d’œuvre compétitive à l’échelle mondiale et contribuent au bien-être et à la croissance économique à long terme d’un pays, puisque l’amélioration des compétences est liée à l’augmentation du PIB par habitant. Les données sur les compétences servent donc principalement à orienter la formation et le développement des compétences d’une population, notamment par des initiatives pertinentes pour un groupe diversifié d’intervenants, comme les professionnels en développement de carrière, les éducateurs, les chercheurs d'emploi et les décideurs politiques.
Au Canada, aux niveaux fédéral et provincial, il existe divers programmes de financement pour la formation et le développement des compétences (par exemple le programme de la Stratégie pour l’emploi et les compétences jeunesse, le programme de développement des compétences de Terre-Neuve-et-Labrador et la subvention de formation aux employeurs de la Colombie-Britannique). Ces programmes et le montant du financement sont basés sur les estimations et les prévisions des déficits de compétences actuels et futurs. Récemment, le gouvernement du Canada a créé le Centre des Compétences futures, dont le mandat est d’orienter et de soutenir les initiatives locales de formation et de développement des compétences afin de garantir que l’ensemble des Canadiens et Canadiennes aient accès, tout au long de leur vie, à des conseils en matière de carrière et à des possibilités d’apprentissage de qualité.
On utilise également les informations sur les compétences requises par les employeurs pour aider les professionnels et les chercheurs d’emploi à prendre des décisions sur les possibilités de formation et d’éducation. Lorsqu’ils prennent des décisions relatives à leur carrière, qu’il s’agisse de leur première carrière ou d’une réorientation, les chercheurs d’emploi et les employés doivent savoir quelles sont les compétences recherchées, ainsi que les possibilités de formation et les coûts afférents. Les profils professionnels – des descriptions détaillées qui comprennent notamment les compétences requises – sont particulièrement utiles. Bien qu'il existe actuellement diverses ressources, telles que le Guichet-Emplois et le Guide sur les carrières d’EDSC, Statistique Canada et EDSC s’efforcent actuellement d’améliorer la disponibilité et la granularité des profils professionnels par diverses approches qui permettront de relier la nouvelle Taxonomie des compétences et des capacités d’EDSC à la Classification nationale des professions (CNP) du Canada. Par exemple, un nouveau tableau de concordance reliera les professions canadiennes au système américain O*NET afin d’exploiter les données sur les compétences que ce dernier contient.
Finalement, les données sur les compétences sont importantes pour le personnel de formation et de développement des compétences. Pour préparer les travailleurs à réussir sur le marché du travail, les programmes de formation doivent être pertinents, en fournissant aux chercheurs d’emploi les compétences qui les rendront compétitifs et qui répondront aux besoins du marché du travail. Pour ce faire, les programmes doivent être conçus à la lumière des données les plus récentes et les plus précises possibles sur les compétences.
Notes
1. Les compétences s’apprennent. Définir les compétences non cognitives ou sociales de cette manière soulève donc des questions à savoir si les traits de personnalité, attitudes, motivations et comportements peuvent être modifiés, appris ou développés, et le cas échéant, lesquels peuvent l’être. Dans les ouvrages de psychologie, les avis semblent partagés sur ce sujet. Par exemple, certains chercheurs ont utilisé des études sur des jumeaux pour conclure que la personnalité (évaluée selon le modèle Big Five) est stable de l’enfance à l’âge adulte. D’autres études, cependant, fournissent des preuves que cette stabilité varie en fonction du trait de personnalité, et d’autres encore concluent que non seulement la personnalité peut changer, mais que ces changements peuvent également affecter les variables économiques. Cette question dépasse toutefois le cadre de cette entrée.
2. Bien que LinkedIn qualifie cet ensemble d’exigences professionnelles de « compétences techniques », il est plus exact de parler d’outils.