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Avril 2024

Décoder les offres d’emploi : comment améliorer l’accessibilité pour les personnes neurodivergentes

Des offres demploi plus accessibles et mieux rédigées permettent de réduire les obstacles à lemploi des personnes neurodivergentes.

Illustration par Dorothy Leung pour le CIMT.

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Principales conclusions

Au Canada, les adultes neurodivergents sont confrontés à un triple défi: des taux demploi nettement inférieurs, un sous-emploi généralisé et des durées demploi plus courtes. Cet état de fait révèle une tendance préoccupante dexclusion et dinstabilité au sein de la population active. Qui plus est, il y a un manque flagrant de données sur la neurodivergence et le marché du travail au Canada.

Les offres demploi jouent un rôle essentiel dans la situation demploi des personnes neurodivergentes. Le langage, la structure et le contenu des offres d’emploi influencent significativement le recrutement en agissant sur l’attrait de l’organisation, les perceptions et les intentions de postuler.

Nous avons relevé quatre types d’obstacles dans les offres d’emploi : les exigences en matière de compétences socio-émotionnelles, la complexité des processus de candidature, l’ambiguïté (ou son contraire, la spécificité excessive) et les descriptions du poste et du lieu de travail. Il est essentiel de reconnaître et d’éliminer ces obstacles pour favoriser un environnement de travail plus inclusif pour les personnes neurodivergentes.

Le Conseil de l’information sur le marché du travail (CIMT), en partenariat avec auticon Canada, a formulé quatre recommandations à l’intention des employeurs afin de les aider à rédiger des offres d’emploi accessibles aux demandeurs d’emploi neurodivergents : 

  • Sélectionnez de manière réfléchie les compétences socio-émotionnelles exigées. 
  • Simplifiez votre processus de candidature et proposez des mesures d’adaptation. 
  • Utilisez un langage simple et clair. 
  • Donnez un aperçu de la culture de votre organisation. 

Introduction

Les mots que nous choisissons ont de l’importance. Dans ce rapport, nous examinons comment les préjugés subtils dans les offres d’emploi peuvent décourager les candidats neurodivergents à postuler et comment les employeurs peuvent rédiger des offres plus inclusives.

Dans le contexte dynamique de la main-d’œuvre actuelle, l’appel à la diversité, l’équité et l’inclusion résonne plus que jamais. De grands progrès ont été réalisés dans la reconnaissance et la célébration des différences. Si de nombreuses entreprises et sociétés ont des programmes de diversité, d’inclusion et d’équité, elles sont peu nombreuses à porter une attention véritable à la neurodiversité (Ott et al., 2022).

Par rapport à la moyenne canadienne, les adultes neurodivergents ont des taux d’emploi plus faibles, sont plus susceptibles d’être sous-employés et conservent leur emploi moins longtemps. Nous ne disposons pas d’autres mesures détaillées concernant la neurodivergence au Canada. En fait, seules trois sources officielles de données sont disponibles.

Il y a un manque criant de données concernant la situation des personnes neurodivergentes sur le marché du travail canadien.

Le CIMT s’est engagé à développer des approches intersectionnelles de l’information sur le marché du travail (IMT), à mieux comprendre les résultats sur le marché du travail des groupes sous-représentés et à veiller à ce que l’écosystème canadien de l’IMT réponde aux besoins de toutes les personnes au Canada.

Dans cette optique, le CIMT a lancé une initiative de recherche visant à explorer la neurodivergence à chacune des étapes de l’emploi, y compris le recrutement, en commençant par une analyse des offres d’emploi – généralement le premier entre une personne et un emploi au sein d'une entreprise.

Parce qu’elles en choisissent le contenu, les organisations doivent comprendre comment ces sources d’information influencent les attitudes des demandeurs d’emploi à l’égard de certains rôles et environnements de travail.

Par cette recherche et dans les projets futurs, nous souhaitons combler le fossé entre l’intention et l’impact pour un avenir où la neurodiversité n’est pas seulement reconnue, mais valorisée et acceptée comme faisant partie intégrante de la réalité de l’emploi.

Les recherches du CIMT sur la neurodivergence, les offres d’emploi et le monde du travail.

Au Canada, les écarts entre les taux d’emploi des personnes neuroatypiques et ceux des personnes neurotypiques sont considérables. L’accessibilité des offres d’emploi y est pour quelque chose. 

Les offres d’emploi conçues sans souci d’inclusion peuvent, par inadvertance, constituer des obstacles à l’emploi pour les personnes neurodivergentes. Ce rapport vise à exposer comment l’accessibilité des offres d’emploi peut être un catalyseur de changement positif. 

Nos objectifs :

répondre aux défis immédiats auxquels sont confrontés les demandeurs d’emploi neurodivergents pour trouver un emploi ;

contribuer à l’amélioration du paysage de l’IMT dans son ensemble, tout en favorisant un environnement de travail plus inclusif et équitable pour tous.

Rendre les offres d’emploi accessibles ne fait pas qu’encourager la neurodiversité sur le lieu de travail, mais contribue de manière non négligeable à l’amélioration de l’IMT.

En améliorant l’accessibilité des offres d’emploi, ces dernières fourniront des données plus précises sur le marché du travail. L’IMT intégrée pourra ainsi devenir un outil fiable pour les employeurs et les décideurs politiques.

Quelle est la perception du langage et du contenu des offres d’emploi par les personnes neurodivergentes?

Comment ces interprétations influencent-elles leurs décisions lorsqu’elles envisagent de poser leur candidature à un emploi?

Recommandations aux employeurs pour rendre les offres d’emploi plus accessibles aux personnes neurodivergentes.

Un avenir où la neurodiversité est considérée comme un aspect intégral et valorisé du contexte de l’emploi au Canada.

Dans ce rapport, nous explorons la manière dont les personnes neurodivergentes interprètent le langage et le contenu des offres d’emploi, en particulier les compétences socio-émotionnelles et autres exigences d’emploi. Nous examinons également comment ces interprétations influencent leur décision de poser ou non leur candidature. Nous concluons par une série de recommandations visant à aider les employeurs à rendre les offres d’emploi plus accessibles aux candidats neurodivergents.

Remarque sur les choix linguistiques

Les termes neurodivergence ainsi que neurodivergent, neuroatypique et neurotypique sont souvent utilisés de manière interchangeable, autant dans la recherche que par les personnes issues de la neurodiversité.

Bien qu’il n’y ait pas de consensus sur le terme le plus approprié, le CIMT utilise les termes neurodivergent et neurodivergence tout au long de ce rapport pour faire référence aux personnes présentant des particularités neurologiques comme l’autisme, le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH), la dyslexie, la dyspraxie/le trouble de la coordination du développement, le syndrome de Tourette, la dyscalculie, la dysgraphie et d’autres troubles neurologiques ou du développement ou des difficultés d’apprentissage (Doyle & McDowall, 2021).

Nous avons pris la décision d’utiliser le terme neurodivergent après avoir consulté auticon Canada et procédé à un examen approfondi de la littérature. La neurodivergence englobe un ensemble précis de conditions reconnues; comme l’objectif de ce rapport est de mettre en lumière les lacunes importantes qui existent dans les données relatives aux personnes neurodivergentes sur le marché du travail canadien et de souligner comment les offres d’emploi peuvent influencer la participation au marché du travail des demandeurs d’emploi appartenant à ce groupe, nous avons estimé qu’il s’agissait du terme le plus approprié et le plus concret.

Les personnes se situant dans une norme statistique basée sur des tests cognitifs ou des évaluations comportementales – parfois qualifiées de non neurodivergentes – sont appelées neurotypiques dans ce rapport.

Nous nous sommes entretenus avec 19 personnes qui nous ont donné un aperçu des obstacles que représentent les offres d’emploi en ligne pour les chercheurs d’emploi neurodivergents et des possibilités d’amélioration. Au cours de ces entretiens, nous avons demandé à chaque personne comment elle préférait s’identifier et nous avons respecté ses préférences, même lorsque la terminologie choisie ne correspond pas aux pratiques du milieu de la recherche.

La neurodivergence et l’emploi au Canada

Bien que nous ne disposions pas de données précises, environ 15 à 20 % de la population mondiale présenterait une forme ou une autre de neurodivergence (Mueller & Pearlman, 2023).

Selon le Centre de sensibilisation au TDAH Canada, jusqu’à 6 % des adultes présentent des particularités associées au TDAH. Le Journal de l’Association médicale canadienne estime qu’environ 1 à 2 % de la population canadienne, tous âges confondus, se trouve sur le spectre de l’autisme.

Les adultes neurodivergents ont un taux d’emploi inférieur à la moyenne canadienne.

Les personnes neurodivergentes ont beaucoup à offrir aux employeurs potentiels,1 mais elles connaissent des taux demploi nettement inférieurs à la moyenne canadienne. Selon lEnquête canadienne sur lincapacité de 2017, seul un adulte canadien sur trois (âgé de 20 à 64ans) sidentifiant2 comme neurodivergent (plus précisément comme personne autiste) a déclaré avoir un emploi.

Cette tendance n’est pas unique au Canada. À travers le globe, les personnes neurodivergentes se heurtent à des obstacles significatifs dans leur quête d'emploi (Deloitte Canada, 2022). Par exemple, en janvier 2021, le Bureau des statistiques nationales du Royaume-Uni a révélé que seuls 22 % des adultes neurodivergents avaient un emploi. De même, aux États-Unis, les statistiques indiquent que seulement un tiers des adultes neurodivergents occupent des postes rémunérés nécessitant plus de 15 heures de travail par semaine. 

Même parmi les personnes neurodivergentes qui ont peu besoin de soutien, le taux de chômage est disproportionnellement élevé par rapport aux moyennes canadiennes et mondiales (Patton, 2019, p. 915).

Les adultes neurodivergents sont plus susceptibles d’être sous-employés.

Il convient de noter que même lorsqu’ils ont un emploi, les adultes neurodivergents se trouvent souvent sous-employés par rapport à leurs pairs neurotypiques.

Une étude récente menée par Deloitte Canada et auticon Canada (Deloitte Canada, 2022) a démontré que près de la moitié (41,7 %) des adultes autistes ayant participé à l’enquête occupaient un emploi temporaire, contractuel ou à temps partiel. À titre de comparaison, en 2021, 81,6 % de tous les travailleurs canadiens occupaient des postes à temps plein et seulement 18,4 % travaillaient à temps partiel. Cette tendance au sous-emploi ne se limite pas au Canada : des chercheurs américains ont observé une tendance similaire. En effet, aux États-Unis, les adultes neurodivergents travaillent souvent à temps partiel, avec une moyenne de moins de 30 heures par semaine. Des chercheurs du Royaume-Uni ont par ailleurs révélé que 40 % des employés à temps partiel neurodivergents souhaitaient travailler plus d’heures.

Les adultes neurodivergents conservent leur emploi moins longtemps.

Au Canada, la situation des travailleurs neurodivergents est également très différente en ce qui concerne la durée d’emploi.  

En 2021, les travailleurs à temps plein et à temps partiel avaient une ancienneté moyenne de 8,6 ans. Toutefois, parmi les personnes se déclarant autistes ayant participé à l’enquête sur l’emploi, seuls 2 % occupaient leur poste actuel depuis plus de cinq ans. Près de la moitié (47 %) occupaient leur poste actuel depuis un ou deux ans et 29 % ont déclaré avoir occupé un poste sur une période de trois à cinq ans (Deloitte Canada, 2022). 

Cette tendance se confirme ailleurs dans le monde. Aux États-Unis, les adultes neurodivergents conservent en moyenne leur emploi pendant deux ans, alors que la durée moyenne de l’emploi pour l’ensemble de la population active américaine est de 4,2 ans. De même, en Australie, des études montrent que les travailleurs neurodivergents ont des durées d’emploi plus courtes que l’ensemble de leurs pairs en âge de travailler. Leur parcours professionnel est ainsi plus susceptible d’être fragmenté (ibid).

Pourquoi les personnes neurodivergentes ont-elles des résultats d’emploi différents?

Selon des recherches récentes menées par le Conference Board of Canada et le Centre des Compétences futures, le chômage et le sous-emploi chez les Canadiens neurodivergents et les Canadiennes neurodivergentes pourraient être en partie dus à une sous-estimation de leurs capacités (Hutchison, 2023). Les préjugés liés à la façon dont les personnes neurodivergentes se présentent ou communiquent pendant le processus dembauche ou sur le lieu de travail et des processus dembauche inadaptés peuvent également entrer en ligne de compte (Davies et coll., 2023). 

Les situations d’emploi ont une incidence sur la santé mentale, le bien-être et la qualité de vie.

L’emploi est essentiel à la citoyenneté économique et sociale et ne se résume pas à un simple chèque de paie.

Idéalement, le lieu de travail permet à une personne d’apporter sa contribution, d’avoir une routine, de nouer des liens avec les autres et de développer un sentiment d’appartenance et une image positive de soi. Les personnes neurodivergentes ne sont pas différentes, les recherches ayant montré que l’emploi peut avoir un effet positif sur leur santé mentale, leur bien-être et leur qualité de vie (Davies et coll., 2023).

Où sont les données sur les personnes neurodivergentes au Canada?

Pour étudier la neurodivergence au sein de la main-d’œuvre canadienne, nous devons reconnaître et combler le manque de données et les lacunes qui nous empêchent de bien comprendre la situation de cette population hétérogène.

Avec trois sources de données officielles, nous manquons d’information sur la neurodivergence au Canada.

Il n’existe que trois sources de données officielles sur la neurodivergence au Canada.

La première, l’Enquête canadienne sur l’incapacité, est une enquête nationale représentative distribuée tous les cinq ans, après le recensement. Cette enquête recueille des informations sur les Canadiens (âgés de 15 ans et plus) dont les activités sont limitées par un état ou un problème de santé.

Bien que l’enquête canadienne sur l’incapacité soit une source d’information précieuse, elle présente de nombreuses limites. Par exemple, elle ne pose pas de questions visant à mieux comprendre la nature ou la prévalence de la neurodivergence. Elle se concentre plutôt sur le type et la gravité de l’incapacité. Plus précisément, l’enquête recueille des données sur dix types d’incapacités différentes. Elle est axée sur la manière dont les activités des personnes sont perturbées par des incapacités liées à l’audition, à la vision, à la mobilité, à la flexibilité, à la dextérité, à la douleur, à l’apprentissage, à la santé mentale, à la mémoire et au développement. Comme l’Enquête canadienne sur l’incapacité ne comprend aucune question expressément consacrée à la compréhension de la neurodivergence, elle ne permet pas d’obtenir d’informations complètes sur la prévalence ou les expériences des personnes neurodivergentes au Canada.

En outre, comme nous l’avons indiqué dans notre article consacré au manque de données relatives aux personnes en situation de handicap sur le marché du travail au Canada, l’Enquête canadienne sur l’incapacité contient certains problèmes, notamment en ce qui a trait à la représentativité. L’enquête exclut les personnes vivant dans des centres spécialisés et différents types de logements collectifs, y compris les personnes vivant dans les réserves des Premières Nations et les bases des Forces armées canadiennes.

Comme les questions (contenu ou formulation) et la mise en forme de l’Enquête canadienne sur l’incapacité changent souvent d’une fois à l’autre, il est difficile de suivre les tendances dans le temps ou de comparer les résultats des différentes versions. En outre, l’enquête n’est ni fréquente ni opportune. Comme nous l’avons déjà mentionné, elle n’est menée qu’une fois tous les cinq ans, après le recensement.

Cette rareté signifie que les données disponibles sont souvent obsolètes et ne permettent pas d’appréhender les nouveaux besoins et les nouvelles tendances. Il existe également un décalage important entre l’enquête proprement dite et la publication des données. Par exemple, l’Enquête canadienne sur l’incapacité de 2017 a recueilli des données entre le 1er mars et le 31 août 2017, mais les données n’ont pas été disponibles avant le 8 novembre 2019. Au moment où les résultats de l’enquête sont publiés, ils ne sont déjà plus à jour.

La deuxième source de données disponible au Canada est Le Système national de surveillance des troubles du spectre autistique qui recueille des données anonymes par cas, afin d’examiner la prévalence de l’autisme, ses caractéristiques et les résultats liés. Toutefois, le système ne recueille des informations que sur les personnes ayant reçu un diagnostic officiel d’autisme, à l’exclusion des autres personnes neurodivergentes et de celles qui pourraient être autistes, mais n’ont pas reçu de diagnostic officiel.

L'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) est une troisième source de données, bien qu'imparfaite, concernant la neurodiversité. Bien que l'ESCC se concentre principalement sur la collecte d'informations relatives à l'état de santé, à l'utilisation des soins de santé et aux déterminants de la santé, elle ne s'intéresse pas explicitement à la neurodivergence. Toutefois, des informations indirectes peuvent être tirées des questions relatives aux "maladies chroniques", telles que le trouble déficitaire de l'attention.

La neurodivergence n’est pas un handicap.

Les trois enquêtes canadiennes qui recueillent des données sur la neurodivergence sont conçues principalement pour recueillir des données sur le handicap. Cela crée un obstacle important à la collecte de données sur la neurodivergence, car il ne s’agit pas d’un handicap. 

La neurodivergence est un concept distinct qui englobe un ensemble de différences neurologiques qui ne sont pas synonymes de handicap ou de maladie mentale. Si les personnes neurodivergentes peuvent avoir des besoins particuliers dans certains contextes, y compris au travail ou à l’école, il est essentiel de reconnaître que la neurodivergence n’est pas un handicap en soi. Lorsque les mécanismes de collecte de données se concentrent sur le handicap, il en résulte une sous-représentation des personnes qui s’identifient comme neurodivergentes, mais ne perçoivent pas leur neurodivergence comme un handicap.  

Pour combler cette lacune, il est nécessaire de mettre en place des méthodes de collecte de données plus inclusives qui reconnaissent et respectent les différentes perspectives au sein de la population neurodivergente. Nous pourrons ainsi mieux appréhender les diverses expériences et différents besoins des personnes sur le spectre neurocognitif.3

La neurodivergence est peu représentée dans la recherche et dans les programmes politiques.

En plus des lacunes dans les enquêtes existantes et les études sur le marché du travail, la neurodivergence a reçu moins d’attention dans les initiatives de recherche et d’inclusion que d’autres sujets liés à la diversité. Les ressources limitées consacrées à la recherche sur la neurodivergence contribuent à la rareté des données complètes et à jour.

De plus, il existe une variabilité dans les pratiques diagnostiques employées au Canada pour évaluer la neurodivergence. Il est donc difficile de tirer des conclusions sur ce groupe de population, même si des instruments d’enquête spécifiques ont été mis en place. En l’absence de normes, nous ne disposons pas des données critiques nécessaires pour mieux comprendre le contexte complexe de l’emploi au Canada.

La disponibilité et la qualité des données relatives à la neurodivergence au Canada posent d’importants problèmes qui entravent la recherche et le développement de politiques globales. Étant donné l’absence d’études fréquentes, actuelles et longitudinales, et du traitement incohérent des données, il est difficile de définir correctement les priorités politiques, de créer des possibilités d’emploi, de renforcer les capacités et d’améliorer l’accessibilité. Nous recommandons la conception et la mise en œuvre d’une enquête continue, cohérente et représentative qui pose des questions visant expressément à comprendre la neurodivergence au Canada.

Les offres d’emploi jouent un rôle dans la situation d’emploi des personnes neurodivergentes en influençant leur décision de postuler

La première étape d’un processus d’embauche passe généralement par la lecture d’une offre d’emploi. Il arrive cependant que le langage véhicule des préjugés subtils et dissuade des candidats intéressants de postuler (Sella et coll., 2023). Les offres demploi et la façon dont elles sont perçues contribuent également à notre collecte dIMT.4

Les offres demploi contiennent généralement plusieurs éléments clés:

  • le titre du poste 
  • une description détaillée du poste (précisant les responsabilités et la formation requises)  
  • la description de lentreprise (y compris une déclaration sur légalité des chances) 
  • des indications sur la manière de présenter sa candidature 
  • des précisions logistiques (lieu de travail, horaires, salaire et avantages) 
  • les coordonnées des personnes à contacter pour les demandes de renseignements 

Les offres d’emploi permettent d’attirer l’attention de candidats qualifiés et de faire connaître l’organisation. 

Les informations qu’elles contiennent donnent aux candidats la possibilité d’évaluer leur compatibilité avec l’entreprise et le rôle. Elles peuvent inciter les candidats potentiels à postuler à l’emploi ou les en dissuader. Au début du processus de recrutement, les offres d’emploi représentent la première source d’information utilisée pour évaluer l’organisation et les occasions d’emploi (Brown et coll., 2006).

Les offres d’emploi sont une source importante d’informations sur le marché du travail au Canada.

Les données relatives aux offres d’emploi sont essentielles à l’IMT, car elles nous aident à comprendre les tendances, les possibilités et les défis du monde du travail. Dans le contexte plus large de l’IMT, les offres d’emploi fournissent des informations précieuses sur les demandes et exigences actuelles des différentes industries et des différents secteurs.

Ces informations sont une ressource précieuse pour toute personne à la recherche d’un emploi qui souhaite connaître les compétences et connaissances requises par les employeurs. Elles orientent les personnes qui souhaitent prendre des décisions éclairées concernant leur formation et leur carrière. Elles contiennent des informations utiles sur les perspectives immédiates et donnent un aperçu de l’évolution des besoins du marché du travail.

Les employeurs exploitent également les données des offres d’emploi pour façonner leurs stratégies de recrutement, en les adaptant aux demandes dynamiques de la main-d’œuvre. Les données aident les entreprises à prendre des décisions éclairées en matière d’acquisition de talents, en les informant des tendances actuelles du marché du travail.

En résumé, ces données forment un élément dynamique et actuel de l’IMT, qui fournit des renseignements utiles aux personnes à la recherche d’un emploi, qui planifient leur formation ou leur carrière ou qui recrutent pour leur entreprise.

La formulation des offres d’emploi a une incidence sur la décision de postuler.

Il a constamment été démontré que les offres d’emploi influencent considérablement les résultats du recrutement, en agissant sur l’attrait de l’organisation, la perception de l’image de l’organisation et l’intention de postuler. Selon des recherches antérieures, la présentation de l’image, des valeurs et de la personnalité de l’entreprise dans les offres d’emploi a une incidence sur les intentions des demandeurs d’emploi et leur perception globale de l’organisation (Walker & Hinojosa, 2013).

Bien que l’attraction des candidats soit une « science inexacte » (Backhaus, 2004), de plus en plus d’études montrent qu’il est possible de concevoir des offres d’emploi susceptibles d’attirer les candidatures convoitées. La structure des documents de recrutement pourrait en effet filtrer certaines personnes du bassin de candidats d’une organisation (Brown et coll., 2006).

En 1987, Schneider a décrit un cadre d’attraction, de sélection et d’attrition qui a fait école : un modèle de comportement organisationnel axé sur la personne, fondé sur l’idée que les caractéristiques collectives des personnes employées définissent une organisation. Selon ce concept, les personnes en recherche d'emploi « se sélectionnent elles-mêmes dans et hors de ces contextes » (Schneider, 1987, p. 439) parce qu’elles sont plus attirées par les organisations qu’elles perçoivent comme ayant des intérêts et des valeurs similaires aux leurs (Farooqui et Nagendra, 2014).

En effet, des études portant sur la phase d’attraction du modèle de Schneider ont démontré que les personnes sont plus attirées par des emplois au sein d’organisations dont les valeurs sont en phase avec les leurs. D’autres données empiriques étayent également cette hypothèse, confirmant que la perception d’appartenance (ou de non-appartenance) compte souvent plus pour un employé potentiel que son évaluation de la possession ou non des compétences pertinentes et requises pour l’emploi (voir Fox et coll., 2022).

Les offres d’emploi et leur contenu peuvent ainsi avoir une incidence considérable sur la composition du bassin de candidats (Böhm et coll. 2020).

Les offres d’emploi peuvent être biaisées et causer de la discrimination.

De plus en plus de données prouvent que certaines offres d’emploi sont souvent biaisées et formulées d’une manière qui présente des risques de discrimination. En effet, le contenu des offres peut conduire à l’exclusion de certains groupes de candidats qui « s’excluent eux-mêmes » (Schneider, 1987, p. 439) des postes à pourvoir.

En 2011, une étude menée par Gaucher et al. a conclu que la formulation des offres d’emploi pouvait contribuer à maintenir subtilement l’inégalité systémique sur le plan institutionnel.

Plus récemment, en 2018, une étude allemande a révélé qu’environ une offre d’emploi sur cinq contient un potentiel d’exclusion, ce qui signifie que le langage et le contenu visuel de nombreuses offres d’emploi ne s’adressent pas de manière appropriée aux groupes sous-représentés (Mihaljević et coll., 2022).

Les offres d’emploi peuvent créer des obstacles au recrutement de personnes neurodivergentes.

La plupart des études visant à comprendre le langage des offres d’emploi et leurs préjugés potentiels se sont concentrées sur les stéréotypes sexistes (voir Oldford & Fiset, 2021; Österlund, 2020), raciaux ou hétéronormatifs. Le langage utilisé et les exigences énumérées dans les offres d’emploi peuvent aussi créer des obstacles à l’emploi des personnes neurodivergentes.

Dans la section suivante, nous tenterons de combler les lacunes constatées dans la littérature sur les obstacles à l’emploi auxquels les personnes neurodivergentes sont confrontées en raison de la façon dont elles perçoivent les offres d’emploi.

Les personnes neurodivergentes reflètent les obstacles et les opportunités dans les offres d'emploi

Bon nombre des participants à cette étude ont affirmé que des éléments précis des offres d’emploi les avaient dissuadés de poser leur candidature.

Tout comme les études antérieures ayant examiné les obstacles à l’entrée sur le marché du travail des personnes neurodivergentes (voir Lorenz et coll., 2016), notre examen qualitatif révèle que, à divers degrés, les personnes neurodivergentes se butent à quatre types d’obstacles dans les offres d’emploi qui ont un impact sur leur recherche d’emploi :

le langage utilisé pour décrire les compétences socio-émotionnelles (parfois appelées compétences comportementales ou non techniques)

des processus de candidature complexes

l’ambiguïté ou la trop grande spécificité

les descriptions du rôle et des lieux de travail

Langage socio-émotionnel et compétences non techniques

Plus de 90 % des offres d’emploi en 2022 exigent au moins une compétence socio-émotionnelle.

Les compétences socio-émotionnelles5 sont les capacités qui permettent aux employés de s’intégrer sur le lieu de travail. Elles comprennent les compétences liées à la personnalité, aux traits de caractère, à la flexibilité, à la motivation, aux objectifs et aux préférences (Lyu et Liu, 2021). 

Des recherches antérieures menées par Yoder et al. (2020) ont démontré que les employeurs considèrent souvent que les compétences de communication, de relations interpersonnelles, de gestion de soi, de collaboration et de résolution de problèmes comme étant les compétences les plus recherchées sur le lieu de travail. D’autres compétences, comme l’intégrité et la prise de décision éthique, sont également valorisées. On s’attend à ce que les futurs lieux de travail privilégient les compétences sociales et émotionnelles par rapport aux compétences techniques. 

« … ce ne sont jamais les compétences techniques. Je possède les compétences nécessaires; je connais mon domaine sur le bout des doigts. Là où ça achoppe, c’est toujours à la liste de compétences comportementales. » 

– Gregory, 35ans, ayant un TSA

Notre analyse des offres d’emploi a révélé que les employeurs recherchent une variété de compétences socio-émotionnelles similaires chez les candidats. En outre, plus de 90 % des offres d’emploi en 2022 exigeaient au moins une compétence socio-émotionnelle.

Figure 1 : Les 10 principales compétences relevées dans les offres d’emploi en ligne

Selon de nombreux participants à l’étude, les exigences socio-émotionnelles telles qu’elles sont présentées dans les offres d’emploi peuvent être décourageantes et intimidantes pour certaines personnes neurodivergentes. En effet, ces personnes peuvent interpréter le langage à la lettre et ne pas poser leur candidature lorsqu’une offre comprend une longue liste d’exigences.

Plusieurs répondants ont précisé qu’elles s’attendaient à voir « certaines » exigences socio-émotionnelles présentées dans les offres d’emploi, et d’autres ont même noté qu’il était tout à fait raisonnable pour les employeurs et les recruteurs de s’attendre à pouvoir embaucher des personnes ayant de bonnes compétences de communication et de travail d’équipe. Malgré cela, la formulation de certaines compétences socio-émotionnelles et l’énumération de nombreuses compétences dans une seule offre d’emploi ont préoccupé plusieurs des participants.

Par exemple, une personne qui s’est identifiée comme souffrant d'un trouble de la personnalité antisociale a déclaré :

« J’ai vu plein d’offres d’emploi formulées de telle manière que je pouvais dire quil sagissait dune composante importante du travail. Si on répète qu’il faut être socialement ou émotionnellement disponible pour lemploi… c’est le genre de choses qui me découragerait certainement. » 

Un autre participant a dit:

« L’autisme est un spectre pour une raison. Une personne autiste peut très bien avoir de bonnes relations sociales. Je ne m’inquiète donc pas lorsque je vois des exigences de base dans une offre d’emploi, du genre “esprit d’équipe” ou des choses comme ça. Mais quand il est question de “team building”, “dynamique et sociable”, “s’épanouit dans un environnement au rythme rapide” ou pire… “comme une famille”, je sais que c’est trop pour moi. »

Quelques participants à létude ont soulevé l’intersection entre la neurodivergence, le genre et la race. Par exemple, Naomi, une femme noire dune trentaine dannées, a déclaré avoir vu des offres demploi indiquant que les candidats devaient participer à un événement de réseautage ou à une rencontre informelle dans le cadre du processus de recrutement. De son point de vue:

« Ce type de formalité peut être un véritable défi pour une femme neuroatypique, et encore plus pour une femme de couleur neuroatypique, qui doit composer simultanément avec toutes ces attentes sociales, normes de genre et préjugés potentiels. »

Les offres d’emploi listent souvent la résolution de problèmes, la prise de décision et la gestion du temps comme compétences requises. Selon certains participants à l’étude qui ont déclaré être atteints d’un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH), les offres d’emploi qui mettent l’accent sur ces qualités contiennent des préjugés implicites à l’encontre des personnes neurodivergentes et favorisent celles qui ne le sont pas.

Marco, un graphiste de 34 ans, a parlé des offres d’emploi qui mettent l’accent sur la structure et la routine et a expliqué qu’en tant que personne avec un TDAH, cela peut être très décourageant. Il a déclaré :

« Jai toujours cru que mes forces sont ma capacité à madapter, à réfléchir et à relever des défis… [Je ne me concentrais] pas forcément sur le fait que je ne peux pas résoudre les problèmes de manière conventionnelle. Les offres demploi qui exigent une attention méticuleuse aux détails et un processus de pensée linéaire, pour moi, cest comme essayer de forcer une pièce carrée dans un trou rond. »

Dans l’ensemble, l’étude des compétences socio-émotionnelles requises dans de nombreuses offres d’emploi met en lumière un défi important auquel sont confrontées les personnes neurodivergentes.  

Les mots poignants de Gregory résonnent comme une frustration commune aux participants à l’étude. Bien qu’ils possèdent les compétences nécessaires dans leur domaine, c’est l’accent mis sur les compétences non techniques qui constitue souvent un obstacle à la recherche d’emploi pour les personnes neurodivergentes.

La complexité des processus de candidature

42% des offres d’emploi que nous avons analysées comportaient des processus de recrutement complexes créant des obstacles.6

Pour plusieurs participants, le processus de candidature décrit dans de nombreuses offres d’emploi a été perçu comme un obstacle important. 

En fait, la plupart des participants ont déclaré avoir rencontré des difficultés à comprendre les modalités du processus de candidature (tel que décrit dans l’offre d’emploi) ou à accomplir une ou plusieurs de ses étapes. 

Certains participants ont parlé des applications électroniques complexes des offres d’emploi en ligne. Par exemple, les offres d’emploi qui décrivent un processus de saisie d’informations, de création d’un profil en ligne, de téléchargement de documents et de respect d’exigences de formatage particulières ont été qualifiées comme étant « accablantes ». 

Un participant, un jeune homme avec un TDAH, a déclaré :

« Jai parfois limpression de me retrouver dans un labyrinthe. Jessaie de trouver des emplois offrant un équilibre entre flexibilité et structure, mais lorsque je vois des offres demploi comportant plusieurs étapes, qui nécessitent toutes de lattention et de la concentration, cela rend les choses plus intimidantes quelles ne devraient lêtre. »

Un autre participant a exprimé la même frustration à propos des processus de candidature complexes décrits dans de nombreuses offres demploi:

« Cest un peu comme un casse-tête que jai du mal à assembler. Je me sens parfois dépassée. Jaimerais que les entreprises simplifient les choses pour que je puisse me concentrer sur ce que je sais faire sans me perdre dans des détails.  »

Certaines personnes neurodivergentes qui ont rencontré des obstacles à organiser et à présenter des informations conformément à des exigences strictes vivent des difficultés similaires avec les processus de candidature trop formels. Les exigences de documentation détaillée, de multiples références ou de types particuliers de portfolios peuvent faire en sorte que ces personnes se sentent dépassées, frustrées ou découragées. Une participante, une femme d’une trentaine d’années qui s’identifie comme autiste, a dit :

« Je suis photographe, donc je comprends que je doive partager mon portfolio. Mais jai vu des offres demploi qui demandaient un site Web personnel, un album sur Imgur, un Insta, un 500px, un fichier zip, un dossier papier et plusieurs références. Je ne me donne même pas la peine de postuler, cest trop déconcertant. »

De même, une femme de 38 ans qui s’identifie comme neurodivergente a déclaré :

« Je suis neurodivergente. J’ai un doctorat, j’aime la recherche et je suis bonne dans ce que je fais. Mais vous savez, le monde universitaire ne me convenait pas vraiment. Le processus de candidature est un obstacle majeur. Quand on regarde les offres d’emploi, on a l’impression que tout est à faire en même temps : CV, intérêts de recherche, philosophie d’enseignement, échantillon d’écriture, sans oublier les cinq lettres de recommandation et peut-être quelques demandes de subvention – tout cela dans les 12 jours qui suivent! »

En outre, certains participants ont indiqué qu’ils avaient souvent besoin de mesures d’adaptation au cours du processus de candidature, par exemple la possibilité de recourir à d’autres méthodes de communication. Ils ont noté que les offres d’emploi qui ne mentionnent pas explicitement un engagement à fournir ce type de mesure peuvent dissuader les candidats neurodivergents de postuler.

Une étude canadienne récente a mis en évidence des obstacles importants pour les personnes neurodivergentes sur le lieu de travail. De nombreux participants neurodivergents ont souligné le manque de soutien et le caractère intimidant ou rigide de la procédure. Cette étude a également révélé « qu’à peine 22 % des employés neurodivergents estiment que leur organisation leur fournit des outils, de la formation ou du soutien dans leurs activités professionnelles au quotidien ou dans leurs communications avec les gestionnaires et les collègues » (Hutchison, 2023).

Certains participants à notre étude ont indiqué que les offres d’emploi donnaient souvent les premiers indices sur le degré d’ouverture des employeurs potentiels à l’égard de la neurodiversité.

Comme l’a fait remarquer un participant :

« Le problème, en réalité, est que – bien quil soit illégal pour un employeur de discriminer un employé autiste – les employeurs discriminent très souvent les employés autistes sans même sen rendre compte, en discriminant les traits ou les comportements autistiques Si vous nindiquez pas clairement que vous allez fournir des mesures d’adaptation dès la phase de recrutement ni comment je peux y avoir accès si jen ai besoin, je sais tout ce que je dois savoir sur votre organisation. »

De même, une technicienne de réseau âgée dune quarantaine dannées, qui sest décrite comme une militante autiste ayant travaillé fort pour mettre fin à ses propres comportements de camouflage,7 a déclaré :

« La méconnaissance de ce que sont les TSA, lautisme, la neurodiversité et de ce que cela peut signifier au travail na rien de joyeux. Soyez lucide. Soit vous communiquez clairement votre compréhension et votre soutien [aux personnes neurodivergentes dès le départ dans vos offres demploi], soit vous ne le faites pas. Mais ne rien dire, cest dire quelque chose. »

L’absence d’engagements concrets en faveur de la diversité, de l’inclusion et des mesures d’adaptation constitue un obstacle important selon bon nombre des personnes neurodivergentes qui ont participé à cette étude.

En fin de compte, les formalités du processus de recrutement – qu’il s’agisse de l’absence d’aménagements, de l’exigence d’une documentation détaillée ou d’un processus de candidature complexe – peuvent être un véritable labyrinthe pour les personnes neurodivergentes.

Un langage ambigu, flou ou trop précis

Plus de la moitié des offres d’emploi canadiennes contiennent un jargon qui prête à confusion.

« Lorsque je lis les exigences des offres demploi, jen comprends, au maximum, cinq sur dix. »

Malik, un jeune homme de 19ans qui sidentifie comme ayant le syndrome dAsperger8 et un trouble anxieux

Bien que les offres d’emploi ambiguës et celles qui sont trop précises se situent aux extrémités opposées les unes des autres, elles peuvent toutes deux constituer des obstacles pour les personnes neurodivergentes, en les empêchant de comprendre le processus de candidature et en les décourageant. 

Plusieurs études ont démontré que les textes truffés de jargon découragent de nombreux lecteurs. Le jargon s’apparente souvent à un langage propre à une industrie destiné à ceux qui sont déjà dans le circuit. Par conséquent, il peut dérouter les autres et leur donner l’impression d’être exclus, voire moins intelligents (Shulman et coll., 2020). Le jargon utilisé dans les offres d’emploi peut rebuter des candidats pourtant très créatifs et collaboratifs, dotés d’excellentes aptitudes de communication, de postuler. 

L’utilisation d’un langage ambigu ou de jargon dans les offres d’emploi ne présente aucun avantage évident. Pourtant, 53 % des offres d’emploi canadiennes contiennent des mots et des phrases jargonneuses qui prêtent à confusion (en anglais seulement). 

Selon plusieurs participants à l’étude, les ambiguïtés et l’utilisation de jargon peuvent empêcher les candidats, notamment ceux dont le style de communication et le traitement cognitif sont différents, de comprendre pleinement les attentes du poste et de déterminer s’ils sont qualifiés pour celui-ci. 

Par exemple, une diplômée universitaire récente et nouvellement arrivée au Canada a révélé que la combinaison de ce qu’elle décrit comme son TSA de niveau 1 et le fait que l’anglais n’est pas sa langue maternelle lui causent une grande détresse lorsqu’elle trouve des offres d’emploi dans son domaine qui sont remplies de jargon. Elle nous a fait part de son expérience :

« Je me sens tellement stupide de ne pas comprendre ces offres demploi. Jai envie de pleurer chaque fois que je les regarde. Parfois, jai envie de dire ‘’laisse tomber’’ et de travailler comme barista pour le reste de ma vie. »

Autre exemple, Kyle, un jeune homme qui s’identifie comme ayant un TDAH et un trouble de l’apprentissage, a déclaré :

« Je ne veux pas me sentir idiot chaque fois que je navigue sur Internet pour connaître les postes à pourvoir. Je ne pense généralement pas que ce soit une bonne idée dimposer des lois aux gens, mais il y a une chose que nous devrions commencer à légiférer: des descriptions demploi en langage clair. Ça me tue tellement de voir des titres de postes qui pourraient me convenir, mais dont les exigences sont un véritable bingo de mots à la mode dans le monde des affaires. »

Au-delà du problème du jargon qui prête à confusion, les participants à notre étude ont également noté que les entreprises font des descriptions trop spécifiques. Ce qui peut constituer un obstacle important, voire empêcher certaines personnes neurodivergentes de poser leur candidature.

Selon Markel et Elia (2016), les personnes neurotypiques peuvent postuler à des postes alors qu’elles ne répondent que dans les grandes lignes aux critères énumérés, tandis que certaines personnes neurodivergentes interprètent les termes d’une offre d’emploi au pied de la lettre et, s’il y a ne serait-ce qu’un critère qu’elles ne remplissent pas, ils ne poseront pas leur candidature. Parfois, ce critère pourrait très bien être listé comme souhaitable plutôt que requis.

Description du rôle et du lieu de travail

Parmi les offres d’emploi que nous avons analysées, seuls 9 % mentionnaient la flexibilité, 17 %, les mesures d’adaptation et 28 %, la diversité, l’équité et l’inclusion.

« Les offres demploi sont comme des fenêtres sur la culture dune entreprise – les indices quelles donnent en disent parfois long sur lendroit et ses valeurs. »

Tash-Anne, une jeune femme de 25ans qui sidentifie comme neurodivergente

Outre les préoccupations relatives aux compétences socio-émotionnelles, aux processus de candidature complexes et aux exigences ambiguës ou trop précises du poste, les participants à l’étude ont également indiqué que la manière dont une offre d’emploi décrit un lieu de travail peut influencer considérablement l’intérêt qu’ils portent à ce poste. Selon certains, les descriptions d’emploi contiennent souvent des « indices sur le lieu de travail et la culture d’entreprise ».

Par exemple, un participant a fait remarquer que si les descriptions de poste sont rédigées sur un ton informel, comportent de nombreux points d’exclamation et décrivent des activités de renforcement de l’esprit d’équipe, « il y a fort à parier qu’ils prennent le moral des troupes au sérieux ».

Comme l’ont noté les participants, l’utilisation de certains mots dans les descriptions de poste (tels que « amusant », « excitant », « rapide », « actif » et « positif ») peut donner une idée de la façon dont l’entreprise valorise le moral des employés. Certaines personnes neurodivergentes peuvent éprouver des difficultés à évoluer dans des environnements qui mettent fortement l’accent sur les interactions sociales et le travail d’équipe. Par conséquent, les offres d’emploi qui mettent l’accent sur ces activités peuvent les rebuter.

D’autre part, certains participants neurodivergents, en particulier ceux présentant un TDAH, ont indiqué rechercher expressément les offres où l’entreprise semblait investie dans le moral de l’équipe. Par exemple, un participant a noté :

« Pour moi, un lieu de travail qui valorise la positivité et une atmosphère dynamique est vraiment attrayant. Lun de mes principaux problèmes est lennui. Donc, quand je vois un poste qui annonce une atmosphère ludique – pensez à des endroits comme Google ou Facebook qui associent loisirs et travail – ça m’attire, je vais vers les environnements plus détendus où je peux trouver un équilibre entre mes tendances à l’hyperconcentration et l’ennui. »

Les participants ont également noté que, si une offre d’emploi contient beaucoup d’informations sur l’engagement d’une organisation en faveur de la diversité et de l’inclusion, il y a « de bonnes chances qu’elle soit réellement investie dans ces questions ».

En outre, de nombreux participants ont souligné l’importance des termes utilisés pour décrire le lieu de travail ainsi que la flexibilité au sein de l’entreprise – options de travail à distance, modèle hybride et autres formules. La manière dont les offres d’emploi présentent la flexibilité des modalités de travail influence considérablement les décisions et préférences des demandeurs d’emploi neurodivergents.

Un participant a résumé les informations que les offres d’emploi pourraient contenir pour indiquer qu’un environnement est inclusif pour les personnes neurodivergentes :

« Ce que jaime voir dans une offre demploi, ce sont des signes concrets que le lieu de travail me permettra de m’épanouir. Des choses comme un [modèle de travail] hybride ou des horaires flexibles, la possibilité de travailler à domicile, des bureaux avec des portes, l’autorisation de porter des écouteurs des choses comme ça. »

Un autre participant a fait la même remarque :

« Jaime vraiment quand les offres demploi mentionnent explicitement la possibilité de travailler à domicile. Ce nest même pas une question de commodité; il sagit de créer un environnement dans lequel je peux mépanouir – vraiment mépanouir. Travailler à distance me permet dorganiser ma journée de travail de façon à tirer parti de mes forces, et donc de relever les défis qui se présentent à moi. »

La flexibilité des conditions de travail est apparue comme un facteur crucial pour les chercheurs d'emploi neurodivergents, reflétant l'évolution de la culture organisationnelle. Les offres d’emploi qui mentionnent clairement des options telles que le travail à distance ou des horaires flexibles présentent un environnement favorable aux personnes neurodivergentes, qui les aident à se sentir compris, mais aussi optimistes quant à leur réussite potentielle.

La flexibilité offerte par les emplois à distance permet de relever des défis bien précis, tels que les problèmes de transport et les sensibilités sensorielles, ce qui en fait une option préférable pour de nombreuses personnes neurodivergentes. En plus d’être une solution pratique à différentes contraintes géographiques et familiales, l’option du travail à distance est en outre apparue comme un facteur clé pour faciliter la participation au marché du travail de nombreuses personnes neurodivergentes.

La pandémie de COVID-19 a mis en évidence la faisabilité des formules de travail à distance, incitant les entreprises à réévaluer leurs structures. Les chefs de file ont constaté que les travailleurs à distance dépassent souvent les attentes en matière de rendement, ce qui a conduit à une acceptation plus large des options de travail à distance sur une base permanente.

Bien que certains employeurs expriment toujours quelques réserves, les résultats des entretiens menés dans le cadre de notre étude mettent en évidence la préférence réelle de certaines personnes neurodivergentes pour les emplois à distance, ce qui marque un tournant décisif dans la compréhension des structures de travail susceptibles de répondre à des besoins diversifiés.

En résumé, comme l’a mentionné Tash-Ann, les offres d’emploi sont bien souvent une fenêtre sur la personnalité d’une entreprise, parce qu’elles donnent un aperçu de sa culture, de ses valeurs et de ses engagements. Les personnes neurodivergentes, comme en témoignent les participants à cette étude, sont confrontées à des défis uniques pour déchiffrer ce qu’elles voient à travers ces fenêtres. Le langage utilisé dans les descriptions d’emploi, du ton aux mots-clés choisis, peut influencer considérablement leurs perceptions. Si certains termes peuvent en décourager certains, d’autres recherchent activement des indicateurs positifs concernant le moral des employés et l’inclusivité.

Recommandations : comment rédiger des offres d’emploi pour les candidats neurodivergents

Par rapport à la moyenne canadienne, les adultes neurodivergents ont des taux d’emploi plus faibles, sont plus susceptibles d’être sous-employés et conservent leur emploi moins longtemps. Ces résultats professionnels ont une incidence sur la santé mentale, le bien-être et la qualité de vie.

Améliorer la qualité et l’accessibilité des offres d’emploi est un moyen de réduire les obstacles à l’emploi pour les personnes neurodivergentes. La formulation des offres d’emploi a une influence sur la décision de candidats potentiels à soumettre ou non leur candidature. Sur le marché du travail actuel, les offres d’emploi sont souvent biaisées, entraînant une discrimination qui peut aussi bien être intentionnelle et qu’involontaire.

Notre recherche a révélé des lacunes en matière d’accessibilité dans les offres d’emploi canadiennes que les employeurs peuvent combler pour rendre les offres d’emploi plus inclusives pour les chercheurs d’emploi neurodivergents. Parmi les offres d’emploi en ligne publiées en 2022 que nous avons observées :

  • plus de 90 % mentionnaient au moins une compétence socio-émotionnelle requise
  • 43 % comportaient des processus de candidature complexes
  • 53 % contenaient un jargon prêtant à confusion
  • seuls 9 % évoquaient la flexibilité, 17 %, les mesures d’adaptation et 28 %, la diversité, l’équité et l’inclusion

Il y a manifestement place à amélioration.

En rendant les offres d’emploi plus accessibles aux candidats neurodivergents, les employeurs contribueraient à faire des offres d’emploi de meilleures sources de données d’IMT et à améliorer les résultats en matière d’emploi pour la communauté neurodivergente du Canada. Dans le futur, la neurodiversité sera, on l’espère, valorisée et vue comme faisant partie intégrante du milieu de l’emploi au Canada.

En collaboration avec auticon Canada, nous avons élaboré quatre recommandations à l’intention des employeurs afin d’améliorer les offres d’emploi et de les rendre plus inclusives pour les chercheurs d’emploi neurodivergents.

1

Choisir avec discernement les compétences socio-émotionnelles requises.

Les employeurs désignent généralement les compétences de communication, de relations interpersonnelles, de gestion de soi, de collaboration et de résolution de problèmes parmi les plus recherchées sur le lieu de travail. L’intégrité et la prise de décision éthique sont également mises de l’avant.

Cependant, les demandeurs d’emploi neurodivergents nous disent que, bien qu’ils s’attendent à trouver des exigences socio-émotionnelles dans les offres d’emploi, un trop grand nombre d’exigences peut être décourageant et que des formulations inadéquates peuvent engendrer l’exclusion. Pour les personnes qui s’arrêtent au sens littéral, une longue liste d’exigences générales peut être interprétée comme étant obligatoire, et les conduire à s’exclure elles-mêmes.

Les employeurs doivent faire preuve de discernement lorsqu’ils sélectionnent les compétences socio-émotionnelles à inclure dans une offre d’emploi. Veillez à ne mentionner que les compétences réellement requises pour le poste et réfléchissez à la manière dont le langage utilisé pour les décrire peut exclure les demandeurs d’emploi neurodivergents. Par exemple, faites attention à la manière dont vous décrivez les compétences souhaitées en matière de résolution de problèmes, de prise de décision et de gestion du temps. Les demandeurs d’emploi neurodivergents possèdent ces compétences, mais peuvent être découragés par une trop grande importance accordée aux moyens conventionnels de les mettre en valeur. Ils peuvent avoir recours à d’autres pratiques pour se préparer à réussir dans un poste, et ces pratiques ne doivent pas être négligées.

2

Simplifiez votre processus de candidature et proposez des mesures d’adaptation.

Les processus de candidature peuvent être complexes et de nombreux demandeurs d’emploi neurodivergents affirment avoir des difficultés à comprendre ou à accomplir une ou plusieurs étapes.

Par exemple, les offres d’emploi qui exigent des candidats qu’ils saisissent des informations, créent un profil en ligne, téléchargent des documents et respectent des exigences de formatage bien précises peuvent être déconcertantes.

Les employeurs doivent privilégier des systèmes de suivi des candidatures et des portails d’offres d’emploi qui offrent un processus de candidature simple et clair, ainsi qu’une expérience utilisateur de haute qualité.

Limitez aussi les demandes de documents avant l’entretien. Les offres d’emploi qui exigent une documentation préalable (références, portfolios, échantillons d’écriture, questionnaires supplémentaires, etc.) peuvent être déconcertantes, fastidieuses et exiger beaucoup de temps. Cela constitue un obstacle important pour les candidats neurodivergents.

Enfin, les employeurs peuvent à la fois indiquer et concrétiser leur engagement en faveur de la diversité en présentant les mesures d’adaptation offertes et les outils disponibles tout au long du processus de recrutement.

3

Utilisez un langage simple et clair dans les offres d’emploi.

Le jargon, le langage ambigu et les formulations trop spécialisées créent des obstacles. Ils peuvent empêcher des personnes ayant des styles de communication différents et d’autres formes de traitements de l’information à comprendre les attentes dune organisation et de déterminer si elles sont aptes à occuper le poste. Évaluez soigneusement le langage utilisé dans vos offres demploi, en privilégiant un langage clair et simple.

4

Rédigez des offres d’emploi qui reflètent la culture de votre organisation.

Les offres d’emploi en disent long sur l’environnement de travail pour les personnes neurodivergentes. Lorsque les offres d’emploi sont rédigées dans un style qui reflète la culture de l’entreprise et contiennent des informations sur la dynamique de l’équipe, les demandeurs d’emploi neurodivergents peuvent évaluer si l’environnement est propice à leur réussite. Choisissez le ton (décontracté, professionnel ou formel) qui reflète le mieux votre identité de marque et votre culture d’entreprise.

De la même manière, présenter les engagements particuliers et concrets de votre organisation en matière de diversité et d’inclusion est un excellent moyen d’illustrer comment vous soutenez la neurodiversité sur le lieu de travail.

Enfin, les modalités de travail flexibles sont importantes pour de nombreux chercheurs d’emploi neurodivergents. Les offres d’emploi qui décrivent explicitement les options (comme le travail à distance ou les horaires flexibles) signalent des environnements favorables aux personnes neurodivergentes.

Méthodologie

Les objectifs de recherche de cette étude étaient les suivants:

explorer la manière dont les personnes neurodivergentes interprètent le langage et le contenu des offres d’emploi, en particulier en ce qui concerne les compétences socio-émotionnelles et d’autres exigences professionnelles;

examiner comment ces interprétations influencent la décision des personnes neurodivergentes de postuler à un emploi.

Cette étude s’appuie principalement sur des entretiens qualitatifs menés auprès de 19 personnes s’identifiant comme neurodivergentes. Appliquant intentionnellement la méthode d’échantillonnage en boule de neige, nous avons mené des entretiens semi-structurés comprenant des questions préparées et une liste de thèmes plus généraux. Lorsque de nouvelles idées apparaissaient, nous nous sommes autorisés à les explorer. En utilisant des questions ouvertes et en encourageant les participants à parler de leurs propres expériences (Patton, 2019), les entretiens menés dans le cadre de cette étude ont permis d’obtenir des « connaissances et des opinions… [et] des perspectives importantes » (Hancock & Algozzine, 2017, p. 39).

À partir des observations tirées des entretiens qualitatifs préliminaires et exploratoires, la conception de la recherche a évolué pour intégrer une approche à méthodes mixtes. D’une manière générale, la recherche à méthodes mixtes, qui est aujourd’hui largement pratiquée dans les sciences sociales, permet de combiner et d’inclure dans une même étude « des questions et des stratégies relatives aux méthodes de collecte de données (par exemple, questionnaires, entretiens, observations), aux méthodes de recherche (par exemple, expériences, ethnographie) et aux questions philosophiques connexes (par exemple, ontologie, épistémologie, axiologie) » (Johnson et coll., 2007, p. 119). Les méthodes mixtes, notamment la triangulation, le développement, l’initiation, l’expansion et la complémentarité (voir Greene et coll., 1989), peuvent être envisagées pour plusieurs raisons.

Nous avons opté pour une approche mixte afin d’avoir un portrait complet en prenant en compte les « facettes qui se chevauchent, mais aussi qui diffèrent » (Greene et coll., 1989, p. 258). Dans ce cas-ci, les connaissances sur les décisions professionnelles (compilées par des méthodes qualitatives) ont été intégrées à une analyse quantitative du contenu des offres d’emploi canadiennes.

L’analyse qualitative du contenu a été réalisée à partir des données des offres d’emploi en ligne obtenues auprès de Vicinity Jobs, une société canadienne d’analyse de données qui se concentre sur le suivi et l’analyse en temps quasi réel des tendances du marché de l’emploi. Vicinity Jobs extrait des informations, y compris les exigences professionnelles, les compétences recherchées et d’autres attributs de l’offre d’emploi, à partir de plusieurs sites Web et tableaux d’affichage d’emploi canadiens. Dans le cadre du traitement des données pour chaque annonce, Vicinity Jobs classe chaque compétence répertoriée dans l’un des quatre groupes distincts suivants : compétences socio-émotionnelles, compétences professionnelles, outils et équipements et technologies.

Dans le cadre de cette recherche, nous avons analysé la répartition des offres d’emploi faisant référence à des compétences catégorisées comme socio-émotionnelles. Cette catégorie comprend 51 compétences distinctes, couvrant des domaines tels que la cognition, le comportement interpersonnel, les langues, les qualités personnelles et la gestion des ressources. Dans notre analyse, nous nous sommes concentrés sur les offres d’emploi de 2022 et avons évalué la proportion d’offres d’emploi qui incluaient chaque compétence socio-émotionnelle, ce qui nous a permis d’identifier celles qui sont les plus recherchées au sein de cette catégorie.

En outre, nous avons mené une analyse qualitative plus poussée sur un échantillon représentatif d’offres d’emploi canadiennes provenant de diverses régions du pays. Cette approche nous a permis d’examiner en profondeur le langage, les exigences et les informations concernant l’inclusivité contenues dans ces affichages. En sélectionnant un échantillon varié de postes, notre recherche à dévoiler des tendances plus générales et des domaines potentiels d’amélioration. Cela nous a permis d’avoir une compréhension plus nuancée de la présentation et de la perception des possibilités d’emploi sur le marché du travail canadien.

Remerciements

Ce rapport a été préparé par Suzanne Spiteri, responsable de la recherche au CIMT. Nous tenons à remercier Sukriti Trehan, scientifique de données au CIMT, qui a préparé les données sur les offres d’emploi en vue de l’analyse.  

Nous remercions Tonie Minhas d’auticon Canada pour son soutien dans la formulation des recommandations de ce rapport et pour avoir effectué une relecture de la version finale anglaise. Nous remercions aussi Dominique Chabot d’Autisme Canada pour avoir effectué une relecture de la version finale française.  

Nous remercions Vicinity Jobs pour son soutien et son partenariat continus tandis que nous explorons comment les offres d’emploi en ligne peuvent mieux servir l’écosystème pancanadien de l’IMT.  

Pour plus d’informations sur ce rapport et ses conclusions, veuillez nous écrire à info@lmic-cimt.ca.

Comment citer ce rapport

Spiteri, Suzanne (2024). Décoder les offres d’emploi : comment améliorer l’accessibilité pour les personnes neurodivergentes. Ottawa: Conseil de linformation sur le marché du travail(CIMT).

Notes

1 Il convient de noter que les capacités et les défis des personnes neurodivergentes sont multiples, certaines personnes ayant besoin dun soutien à temps plein; d’autres sont hautement qualifiées ou douées. Selon Ott et coll. (2022), le spectre est mieux décrit comme une « constellation » que comme un « continuum linéaire ». Cela permet de tirer deux conclusions. Tout dabord, les personnes neurodivergentes présentant des états différents auront des capacités variables. Deuxièmement, les personnes ayant un même diagnostic peuvent avoir des forces et des difficultés différentes. Il est essentiel de reconnaître cette diversité complexe au sein de la communauté neurodivergente et déviter dessentialiser les personnes sur la base de notions préconçues. 

2 Précisons que ces données ne concernent que les personnes sur le spectre de lautisme.

3 Statistique Canada s'est engagé à améliorer en permanence les méthodes d'enquête. Dans sa quête d'amélioration de la qualité et de la pertinence des données, l'agence a indiqué au CIMT qu'elle explorait les changements potentiels à apporter à l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) qui pourraient contribuer à une meilleure saisie des informations relatives à la neurodivergence. Dans le cadre des efforts continus pour affiner les instruments d'enquête, ces modifications sont prometteuses pour fournir des informations plus complètes et plus précises sur les expériences neurodivergentes au sein de la population canadienne. 

4 Il est important de noter que, si les offres demploi peuvent constituer une source de données importante, elles présentent certaines limites. Tout dabord, les personnes qui les rédigent ne sont pas toujours formées sur la façon de présenter une offre demploi et sappuient souvent sur des modèles. Le langage utilisé dans les offres demploi nest pas normalisé. Les titres des postes peuvent être trompeurs, les responsabilités vagues et les exigences exagérées. Malgré ces limites, les offres demploi restent une source précieuse de données, car les informations communiquées aiguillent les perceptions que l’on se fait des organisations

5 Les compétences socio-émotionnelles sont également appelées « compétences non techniques ». Les compétences spécialisées sont celles qui permettent aux employés daccomplir des tâches, comme les compétences liées aux connaissances scientifiques, aux aptitudes professionnelles et à lexpertise technique (Lyu & Liu, 2021).

6 Dans notre analyse qualitative du contenu, nous avons estimé que la formalité des offres d’emploi englobait les complexités du processus de candidature. Nous avons notamment examiné les processus de candidature en plusieurs étapes et sur plusieurs sites. 

7 Le camouflage social est un domaine de recherche émergent. Une étude menée par le Conference Board du Canada en partenariat avec le Centre des Compétences futures fournit cette définition rigoureuse : « Cette forme de dissimulation se produit lorsqu’une personne neuroatypique sent qu’elle doit réprimer ses comportements et penchants naturels pour se conformer à ce qui est attendu d’elle en milieu de travail. Par exemple, alors que des qualités telles que l’organisation et la productivité sont très valorisées en milieu de travail, certaines personnes neuroatypiques, en particulier celles aux prises avec un TDAH, peuvent avoir du mal à rester concentrées sur leur tâche et à accomplir leur travail sans un soutien adéquat. Ces personnes devront peut-être déployer des efforts supplémentaires et passer de nombreuses heures en coulisses pour donner l’impression qu’elles sont en contrôle. Le temps consacré à cette dissimulation et les coûts émotionnels qui y sont associés peuvent s’avérer exceptionnellement dommageables pour la productivité et le bien-être d’une personne au travail. Étant donné le degré limité de compréhension et d’acceptation en ce qui concerne la neurodiversité en milieu de travail, il arrive que les personnes neuroatypiques optent pour la dissimulation, plutôt que de communiquer franchement leur besoin de soutien à leur employeur, par crainte de répercussions négatives. » (Hutchison, 2023). 

8 L’étude s’efforce de désigner et de décrire les personnes comme elles se désignent et se décrivent elles-mêmes. L’utilisation des descriptions de soi est conforme aux principes de respect et d’inclusion, reconnaissant l’autonomie et permettant d’établir une relation de confiance entre les chercheurs et les participants. Toutefois, cette étude reconnaît que le terme Asperger  est considéré comme offensant par certaines personnes.

Références

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