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Les énoncés sur l’équité, la diversité et l’inclusion dans les offres d’emploi canadienne : points de vue des personnes 2SLGBTQ+

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Introduction

En ce mois des Fiertés, nous voulons amplifier la voix des personnes bispirituelles,1 lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, queers (« 2SLGBTQ+ ») en nous concentrant sur leurs expériences. Nous expliquons comment certaines entreprises s’engagent dans des campagnes de marketing et des lancements de produits sur le thème de la Fierté qui semblent davantage motivés par un souci de rentabilité ou d’amélioration de leur réputation que par un véritable désir de soutenir les personnes 2SLGBTQ+ et les mouvements de défense de leurs droits.

Plus précisément, nous nous penchons sur l’utilisation par les organisations des principes de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) et sur les possibilités d’amélioration qu’y voient les membres des communautés 2SLGBTQ+.

Enfin, nous expliquons comment le CIMT saisit les occasions de recherche pour se livrer à une introspection et met en pratique les enseignements qui en résultent afin de favoriser le changement. Au CIMT, nous sommes résolus à mener des actions et des transformations significatives. Nous veillons à ce que la Fierté ne soit pas un outil de marketing, mais un catalyseur d’inclusivité et de progrès tangibles.

Pourquoi les entreprises font-elles des déclarations de diversité ?

Le paysage en évolution rapide des milieux de travail continue de voir des changements notables en matière de DEI. 

Les organisations reconnaissent de plus en plus que favoriser un environnement diversifié, équitable et inclusif est désormais non seulement une obligation morale, mais aussi un impératif stratégique. L’intégration des principes de DEI est indispensable pour façonner la dynamique et la culture du lieu de travail et, en fin de compte, pour assurer le succès de l’organisation (Wong, 2019). 

Alors les énoncés de DEI figurent de plus ne plus dans les documents publics comme les offres d’emploi, il paraît de plus en plus évident que la manière dont les organisations se représentent et exposent leurs engagements a de l’importance. 

Un nombre restreint, mais croissant de publications explorent les effets et répercussions des énoncés de DEI des entreprises. Or nous savons peu de choses sur les perceptions de ces déclarations et de leur place dans les offres d’emploi par les groupes visés par l’équité et sous-représentés – y compris les membres des communautés 2SLGBTQ+.

Les personnes 2SLGBTQ+ au Canada sont confrontées à des disparités substantielles sur le marché du travail

Les disparités économiques liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre existent dans le monde entier et au Canada.  

Bien qu’il n’y ait pas beaucoup de données disponibles pour rendre compte des expériences des personnes trans sur le marché du travail canadien ou mondial, une étude approfondie de Ross et al. (2023) démontre que les personnes 2SLGBTQ+ au Canada connaissent des situations différentes de celles des personnes cisgenres et hétérosexuelles. Ces différences varient selon l’orientation sexuelle et le genre, mais se manifestent dans différentes sphères du marché du travail, telles que les salaires, les revenus, les heures travaillées et l’emploi dans des secteurs professionnels spécifiques. 

Notamment, les hommes ayant un partenaire de même sexe obtiennent de moins bons résultats sur le marché du travail que les hommes hétérosexuels. Les femmes ayant une partenaire du même sexe obtiennent généralement de meilleurs résultats que les femmes hétérosexuelles, mais de moins bons résultats que les hommes, quel que soit le statut de leur partenariat. 

Les personnes trans sont systématiquement confrontées à des résultats d’emploi nettement inférieurs à ceux de leurs homologues cisgenres. Et de nouvelles données suggèrent que les personnes bisexuelles s’en sortent moins bien que leurs collègues hétérosexuels et hétérosexuelles, gays et lesbiennes. 

Une recherche de Statistique Canada, parue en 2022, a examiné la participation économique des membres de la population lesbienne, gaie et bisexuelle (LGB) à partir des données de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC, 2015 à 2016 et 2017 à 2018) et a constaté que les personnes LGB sont plus susceptibles de gagner des revenus inférieurs, de subir de la discrimination au travail et de rencontrer des obstacles à l’emploi et à l’avancement professionnel par rapport à leurs homologues hétérosexuel·le·s. 

La recherche a démontré que les travailleurs LGB ont :

Des taux d’emploi inférieurs

Selon les données, une proportion importante (78,1 %) de personnes lesbiennes, gays et bisexuelles âgées de 25 à 64 ans travaillaient activement à temps plein ou à temps partiel. Néanmoins, le taux d’emploi présentait des différences liées à l’orientation sexuelle et au genre.

Le taux d’emploi des personnes bisexuelles était plus faible (71,3 %) que celui des personnes gays ou lesbiennes (81,6 %) ou des personnes hétérosexuelles (78,8 %).

Les femmes qui se sont identifiées comme hétérosexuelles ou bisexuelles avaient des taux d’emploi à temps plein plus faibles (81,5 % et 79,7 % respectivement) que les hommes hétérosexuels ou homosexuels (93,6 % et 89,9 %, respectivement).

Des revenus moins élevés

Les femmes de toutes orientations sexuelles et les hommes gays sont davantage représentés dans les emplois de la vente et des services, qui comptent parmi les professions les moins bien rémunérées.

Les hommes s’identifiant comme hétérosexuels gagnent le salaire médian avant impôt le plus élevé (55 000 $), suivis des personnes s’identifiant comme gays ou lesbiennes (50 100 $) ou bisexuelles (39 200 $).

Les femmes lesbiennes et hétérosexuelles avaient des revenus médians comparables, respectivement 48 600 et 47 300 dollars, tandis que les femmes bisexuelles gagnaient moins, avec un revenu médian de 38 500 dollars.

Des niveaux de satisfaction professionnelle plus bas

En ce qui concerne la satisfaction au travail, les personnes 2SLGBTQ+ ont déclaré des niveaux d’insatisfaction significativement plus élevés que leurs homologues non 2SLGBTQ+. Seuls 62 % des personnes  2SLGBTQ+ se disent « très satisfaits ou satisfaits de leur travail », tandis que 15,4 % se déclarent « insatisfaits ou très insatisfaits de leur travail ».

À titre comparatif, dans le groupe non-2SLGBTQ+, 73,1 % des personnes interrogées se sont déclarées satisfaites de leur emploi et seulement 8,7 % ont fait part de leur insatisfaction.

Les déclarations DEI jouent un rôle crucial dans la perception de l’organisation par les candidats potentiels

Les offres d’emploi en ligne sont souvent la première, voire la seule interaction des candidats potentiels avec une organisation. 

Nos recherches récentes ont démontré que la lecture d’une offre d’emploi lance souvent le processus de recrutement – mais les offres d’emploi peuvent créer des obstacles à l’emploi pour les personnes neurodivergentes. 

Les offres d’emploi donnent des indications précieuses sur la culture d’une entreprise et constituent la principale source d’information pour les candidats qui cherchent à évaluer leur compatibilité avec l’organisation et leur employabilité (Brown et al., 2006). En tant que telles, elles peuvent encourager ou décourager les individus à tenter leur chance. 

Dans le contexte de la lutte contre la discrimination et les préjugés sur le lieu de travail et de l’engagement en faveur de la diversité, de l’équité et de l’inclusion, les déclarations DEI (parfois appelées simplement « déclarations de diversité ») sont de plus en plus fréquentes dans les offres d’emploi des organisations canadiennes. 

Parmi les multiples outils de gestion de la diversité pouvant être utilisés, les déclarations sur la diversité aident les organisations à faire connaître leur culture, leurs valeurs et leurs engagements en faveur de la diversité et de l’inclusion (Bell, 2021). Selon Mestre (2011) (cité dans Bell, 2021), une déclaration sur la diversité, par ses choix de formulation, peut témoigner de l’engagement d’une organisation à l’égard de la DEI et peut : 

parfois être un volet d’une déclaration de mission, c’est-à-dire qu’elle peut venir compléter une déclaration de mission pour exprimer un engagement en faveur de la diversité. Il peut s’agir d’une définition ou d’une déclaration de travail à utiliser dans le cadre des initiatives liées à la diversité. Elle peut avoir pour but de maintenir la diversité au premier plan et inclure des objectifs précis (p. 105).

Le saviez-vous ?

L’énoncé DEI fait référence aux efforts délibérés des organisations pour créer des environnements inclusifs mettant à profit une variété de talents, de styles de leadership et de perspectives, indépendamment des différences individuelles (Olusanya, 2023, p. 23).

Il est important de noter qu’une déclaration DEI est distincte d’une politique ou d’une initiative DEI.
Les politiques et initiatives DEI sont généralement définies comme la mise en œuvre d’une ou plusieurs pratiques visant à améliorer les expériences et les résultats sur le lieu de travail des groupes confrontés à des désavantages dans la société.

Une politique DEI décrit les règles, lignes directrices et procédures spécifiques qui régissent l’approche de l’entreprise en matière de diversité, d’équité et d’inclusion. Elle sert de schéma directeur orientant la manière dont l’organisation entend traiter les questions liées à la DEI, telles que les pratiques de recrutement, les critères de promotion, les programmes de formation et les mécanismes de lutte contre la discrimination ou les préjugés. Essentiellement, elle définit le cadre formel utilisé par l’entreprise pour mettre en œuvre les principes de la DEI.

L’initiative DEI fait quant à elle référence à des actions, à des programmes ou à des projets précis que l’organisation entreprend pour faire progresser ses objectifs en matière de DEI. Ces initiatives peuvent prendre diverses formes, telles que des formations sur les préjugés inconscients, des groupes de ressources pour les employés, des programmes de mentorat pour les groupes sous-représentés ou des stratégies de recrutement visant à attirer un bassin de talents plus diversifié. Les initiatives DEI sont des mesures concrètes prises par une organisation pour traduire ses valeurs DEI en résultats tangibles et en changements positifs sur le lieu de travail.

Les organisations utilisent les déclarations DEI pour faire connaître leurs valeurs aux parties intéressées

Selon Dover et al. (2020), les initiatives de DEI, y compris les déclarations de DEI, sont souvent motivées par une ou une combinaison des trois logiques fondamentales suivantes : la logique de justice, la logique instrumentale et la logique de signalisation. 

La logique de justice, ancrée dans les efforts de lutte contre la discrimination, insiste sur l’impératif de créer des lieux de travail équitables et conformes à la législation, où tous les employés sont à l’abri du harcèlement et de la discrimination.  

Tandis que la logique instrumentale, également connue sous le nom de « dossier commercial » pour la diversité, repose sur la conviction que promouvoir la diversité et l’inclusion accroît la compétitivité et la rentabilité d’une organisation, dans la mesure où cela permet de tirer parti de perspectives et d’expériences diverses. 

Cette perspective se fonde principalement sur des études empiriques qui ont confirmé que les organisations caractérisées par le pluralisme et le multiculturalisme tendent à surpasser celles qui sont monolithiques et homogènes par nature (Raimi et al., 2022). La recherche démontre systématiquement que les organisations qui intègrent des perspectives diversifiées dans leurs processus de travail peuvent améliorer la prise de décision, la qualité des résultats et les performances financières pour une base de clients diversifiée. Elle révèle par ailleurs que les organisations qui promeuvent la diversité peuvent avoir plus de facilité à motiver leurs employés et à modeler leurs comportements que celles qui ne le font pas (Olusanya, 2023). 

Enfin, la logique de signalisation se concentre sur la communication des valeurs d’une organisation aux employés actuels, aux employés potentiels ou au grand public. Les organisations cherchent généralement à clarifier leurs valeurs, à les communiquer ou à convaincre les parties intéressées qu’elles adhèrent à certaines valeurs particulières. De plus en plus d’études indiquent que les déclarations sur la diversité jouent un rôle crucial dans la perception des organisations dans le panorama mondialisé d’aujourd’hui et qu’elles peuvent avoir un impact réel. Qu’elles figurent sur le site web d’une organisation ou qu’elles soient incorporées dans des offres d’emploi, les déclarations sur la diversité ont une véritable influence. Elles donnent un aperçu de la manière dont une organisation se perçoit ou veut être perçue (Bell, 2021). 

D’autres recherches soulignent l’impact positif des informations de DEI dans les offres d’emploi. Par exemple, des déclarations fortes sur la diversité peuvent dissuader les personnes intolérantes de postuler à des emplois tout en augmentant l’intérêt des groupes minoritaires ou dignes d’équité (Brown et al., 2006).  

Avant tout, les déclarations sur la diversité servent de déclaration officielle de l’engagement d’une entreprise à promouvoir la diversité, l’équité et l’inclusion dans la culture de son lieu de travail. Toutefois, les organisations peuvent également utiliser d’autres moyens pour démontrer leur engagement en faveur des principes DEI, tels que des énoncés de mission, de vision ou de valeurs. Chacun de ces éléments peut contribuer à un exposé plus large concernant l’inclusion et l’égalité au sein de l’organisation, qui renforce une position concernant la DEI à travers une variété de plateformes. 

Comme le note Stephens (2017), les candidats ressentent davantage de fierté à se joindre à une organisation jouissant d’une bonne réputation. Et l’image d’une entreprise est positivement liée à l’opinion que s’en font les candidats et à leur intention d’y travailler. Dans cette optique et comme l’objectif premier du recrutement est d’attirer des candidats, soigner sa présence dans le but de rendre l’entreprise attrayante pour les demandeurs d’emploi est particulièrement important.

Les demandeurs d’emploi sont sensibles à l’adéquation entre leur personnalité et les attributs de l’entreprise

Selon le cadre ASA de Schneider, trois processus – attraction, sélection et attrition – déterminent la composition de la main-d’œuvre d’une organisation (Schneider, 1987). Depuis les travaux initiaux de Schneider, un grand nombre de recherches empiriques ont démontré comment ces trois étapes se répercutent sur les organisations.  

L’un des principes de base du cadre ASA de Schneider est que les demandeurs d’emploi choisissent un environnement ou s’en excluent eux-mêmes (Schneider, 1987, p. 439) et s’orientent vers les organisations qui correspondent à leurs intérêts et à leurs valeurs. 

De nombreuses études portant sur la phase d’attraction du processus d’ASA ont montré que les individus sont particulièrement attirés par les organisations dont les valeurs résonnent avec les leurs. Une recherche du CIMT a par ailleurs démontré que la formulation des offres d’emploi influence grandement les décisions et préférences des personnes neurodivergentes. 

Cela signifie que le matériel de recrutement, y compris les offres d’emploi, peut servir à filtrer les individus qui se trouveront dans le vivier de candidats d’une organisation et confirme l’hypothèse selon laquelle les chercheurs d’emploi sont influencés par la correspondance entre leur personnalité et les attributs de l’organisation. Ces travaux se concentrent principalement sur l’adéquation personne-organisation (P-O), qui fait référence à une congruence entre les valeurs de l’individu et celles de l’organisation (Kristof, 1996). 

Kristof (1996) a défini l’adéquation P-O comme la compatibilité entre les personnes et les organisations qui se produit lorsque : (a) au moins une entité fournit ce dont l’autre a besoin ou (b) elles partagent des caractéristiques fondamentales similaires ou (c) les deux (p. 45). 

Les chercheurs qui travaillent à partir de ce cadre théorique ont documenté l’effet notable de l’adéquation P-O aux trois stades du cadre de l’ASA. Durant la phase d’attraction, l’adéquation P-O détermine le choix de l’emploi par les demandeurs d’emploi et leur attirance pour une entreprise, ceux-ci étant plus attirés par les organisations qui reflètent leurs valeurs et centres d’intérêt. Au cours de la phase de sélection, les organisations ont tendance à choisir les candidats qui leur correspondent le plus. Après l’embauche, lors de la phase d’attrition, les perceptions d’adéquation influencent la satisfaction, l’engagement et les perspectives de rotation des employés : ceux dont les valeurs sont incompatibles avec l’organisation ont tendance à partir, volontairement ou involontairement. Ceux qui restent tendent à avoir plus d’affinités, ce qui renforce l’homogénéité de l’organisation.  

Par conséquent, la perception de l’adéquation entre les individus et les organisations joue un rôle essentiel dans le choix des candidats et dans l’évolution de la composition et de la culture d’une organisation au fil du temps.

Comment les communautés 2LGBTQ2+ perçoivent-elles les déclarations DEI dans les offres d’emploi ?

Pour mieux comprendre comment les communautés2SLGBTQ+ perçoivent les déclarations sur la diversité, léquité et linclusion, nous nous sommes adressés à des personnes qui sidentifient comme2SLGBTQ+.2

Nous leur avons demandé leur avis sur l’importance que revêt la déclaration DEI d’une entreprise lors de l’évaluation d’offres d’emploi et nous avons analysé les termes et expressions utilisés dans les déclarations DEI qui ont trouvé un écho auprès d’eux. De plus, nous avons cherché à savoir si les personnes s’étaient déjà senties découragées ou encouragées à postuler à un emploi sur la base d’une déclaration DEI ou du langage utilisé dans une offre d’emploi. 

Nous avons adopté une approche qualitative, en recourant à la fois à une enquête en ligne et à des entretiens individuels pour recueillir les points de vue des participants. L’enquête en ligne consistait en des questions structurées portant sur la perception qu’ont les participants de l’importance des déclarations de DEI et de leur impact sur leur décision de poser ou non leur candidature. Elle comprenait des questions ouvertes destinées à recueillir des réponses nuancées à propos d’expressions ou de formulations figurant dans les offres d’emploi. 

Les entretiens individuels ont permis d’approfondir les expériences et perspectives des participants et leur ont donné l’occasion de développer leurs réponses et de raconter des anecdotes personnelles en lien avec les déclarations DEI dans les offres d’emploi.

Les énoncés DEI soulèvent trois grands types de préoccupation

Les énoncés DEI servent à affirmer l’engagement d’une entreprise à promouvoir une culture organisationnelle favorisant la diversité, l’équité et l’inclusion et la façon dont elle promeut la diversité, soutient les groupes qui méritent l’équité et s’oppose à la discrimination. 

Certains participants à l’étude affirment que les déclarations DEI sont importantes et significatives. Par exemple, une personne interrogée a indiqué que la déclaration DEI entrait en ligne de compte lors de l’évaluation d’une offre d’emploi :

Ça me donne une idée à savoir si je serai à laise et en sécurité ou non dans cet environnement. Selon mon expérience, les entreprises qui défendent les principes DEI ont été nettement plus accueillantes et mont fait sentir que jétais à ma place. » 

Dans le même ordre didées, un autre participant a déclaré :

À mon avis, les déclarations DEI reflètent les valeurs dune entreprise et son engagement à promouvoir une culture inclusive. Lorsque je tombe sur une déclaration DEI forte dans une offre demploi, jai limpression que lentreprise valorise la diversité et a à cœur de créer un environnement où tout le monde se sent respecté et valorisé. Cest important pour moi. »

Cependant, bon nombre de personnes ayant participé à létude ont critiqué lutilisation de ces déclarations et se sont interrogées quant à leur efficacité. Trois principaux problèmes ont été soulevés:

Moins d’attention portée aux identités marginalisées

Représentation purement symbolique et superficielle

Manque d’action et aucune obligation à rendre des comptes

Diminution de l’attention portée aux identités marginalisées

Au Canada, il existe des protections légales contre la discrimination, qui inclut la Charte des droits et libertés. Reconnaissant que des groupes démographiques précis sont confrontés à l’exclusion, à l’inégalité, à la discrimination, à un accès restreint et à des possibilités d’emploi limitées, le gouvernement canadien a promulgué la Loi sur l’équité en matière d’emploi afin de résoudre et d’atténuer ces problèmes (Loi sur l’équité en matière d’emploi, SC, 1995, c. 44). 

La loi contribue à garantir que tous les Canadiens et Canadiennes ont le même accès au marché du travail. Elle oblige également les employeurs à prendre des mesures pour assurer la pleine représentation des membres de quatre groupes désignés : les femmes, les Autochtones, les personnes en situation de handicap et les membres de groupes racisés.  

Bien que la loi n’impose pas expressément l’inclusion de déclarations sur l’égalité des chances et la diversité dans les offres d’emploi, depuis le début des années 1980 et 1990, les entreprises canadiennes ont commencé à adopter ces déclarations pour faire connaître leurs engagements en faveur de la diversité raciale et de genre. 

Depuis, les organisations ont élargi leur champ d’action pour y inclure non seulement les questions de diversité, mais aussi d’équité, d’inclusion et d’accessibilité – et ce faisant, elles ont inclus non seulement le genre et la race, mais aussi les identités et orientations sexuelles, les handicaps et l’intersectionnalité (Yeo & Jeon, 2023). 

Comme l’affirme Bray Jr (2023), au cours des 2 années et demie qui se sont écoulées entre mars 2020 et août 2022, une série d’événements importants – notamment le meurtre de George Floyd et les manifestations mondiales qui ont suivi contre la brutalité policière, le racisme et le manque de reddition de comptes (Baum, 2021), la redynamisation du mouvement Black Lives Matter, la pandémie mondiale de COVID-19 et les troubles sociopolitiques aux États-Unis, en Ukraine et ailleurs, ont non seulement refaçonné les interactions humaines, mais aussi le paysage des entreprises en ce qui concerne les principes de DEI. 

En réponse à ces événements et à d’autres semblables, les entreprises ont modifié leurs stratégies d’affaires et de gestion du capital humain afin de s’aligner plus étroitement sur les valeurs prônant un traitement équitable, juste et humain pour tous les individus. 

Les personnes qui ont participé à notre étude ont fait valoir qu’alors que les organisations cherchaient à élargir leurs initiatives de diversité, l’attention s’est peut-être déplacée des groupes sous-représentés et marginalisés – tels que les personnes 2SLGBTQ+, les personnes racisées et les personnes vivant avec un handicap – vers les personnes dont les identités sont perçues comme étant moins controversées ou stigmatisées.  

Par exemple, en réaction à une déclaration de DEI contenue dans une offre d’emploi canadienne récente, selon laquelle l’organisation s’efforçait d’éliminer la discrimination « à l’encontre de toutes les personnes, quel que soit leur milieu », un répondant à l’enquête a déclaré :

Je comprends l’objectif de la déclaration sur la diversité, mais c’est une occasion manquée de s’attaquer aux problèmes réels, spécifiques et systémiques auxquels sont confrontées les communautés marginalisées. Elle ne fait qu’occulter la discrimination systémique, les préjudices et les obstacles auxquels les personnes qui s’identifient comme 2SLGBTQ+, les personnes de couleur et les personnes en situation de handicap font face sur leur lieu de travail et lorsqu’elles posent leur candidature à un emploi. »

En réponse à la même déclaration de la DEI, une autre personne a dit:

C’est important que les organisations reconnaissent et soutiennent activement les groupes qui méritent l’équité plutôt que d’essayer d’adopter une approche unique de la diversité et de l’inclusion qui ignore complètement les préjugés enracinés dans nos systèmes. »

Comparant la formulation « toutes les personnes, quel que soit leur milieu » à « all lives matter » (un slogan conservateur issu dune politique daltonienne qui accusait les manifestants de #BlackLivesMatter de privilégier les vies noires par rapport aux autres et rejetait la reconnaissance des brutalités policières et de la violence ethnique) (Carney, 2016), une autre personne ayant participé à lenquête a déclaré:

Cest f****** horrible. Quel que soit leur milieu? Cest la même merde que All lives matter [toutes les vies comptent]. »

Une autre participante, sans réagir à la formulation spécifique de l’offre demploi, a fait remarquer que les déclarations de DEI avaient récemment adopté un ton « tout le monde est le bienvenu », puis a ajouté:

Jai vu beaucoup doffres demploi qui contenaient des déclarations telles que nous voulons que nos employés se sentent à laise dêtre entièrement eux-mêmes au travail. OK, d’accord… mais en tant que lesbienne noire, il ne sagit pas seulement dêtre entièrement moi-même au travail. Il sagit de savoir ce que vous, en tant quorganisation, allez faire pour rendre mon lieu de travail psychologiquement sûr, pour comprendre mes expériences uniques de discrimination qui doivent être traitées directement. Je suis toujours déçue de voir des déclarations de DEI qui ne tiennent pas compte de cette réalité. »

Selon l’analyse par Bray Jr (2023) des nouvelles orientations des entreprises en matière de DEI qui a suivi les événements de 2020 à 2022, si certaines organisations « semblaient adhérer pleinement à la notion selon laquelle la marginalisation de “l’autre” est fermement ancrée dans nos cultures nationales et mondiales, entraînant un traitement injuste et de la discrimination », beaucoup d’autres ont choisi « au contraire de mettre l’accent sur l’inclusion de tous par rapport à une attention particulière portée à l’équité » (Bray Jr,183).  

Cet accent sur la notion d’inclusion pour tous, qui semble se multiplier dans les déclarations récentes de DEI, a encore marginalisé les personnes qui ont justement besoin de soutien et de représentation, dans la mesure où leurs défis et obstacles spécifiques peuvent être éclipsés ou ignorés au profit d’initiatives de diversité générales.  

Par conséquent, comme l’ont fait remarquer de nombreux participants à cette étude, les déclarations DEI n’abordent pas forcément de manière adéquate les inégalités systémiques et la discrimination auxquelles sont confrontées les communautés marginalisées sur le lieu de travail et perpétuent ainsi les déséquilibres de pouvoir et les pratiques d’exclusion.

Représentation symbolique et superficielle

Une autre critique émise par les membres du groupe 2SLGBTQ+ ayant participé à cette étude est la perception que les déclarations DEI des organisations donnent parfois la priorité à une diversité superficielle plutôt qu’à une inclusion significative.

Les participants ont noté que les entreprises peuvent inclure des références aux personnes 2SLGBTQ+ dans leurs déclarations pour paraître inclusives, mais qu’elles ne mettent pas en œuvre de politiques ou de pratiques concrètes pour soutenir ces employés. En résulte une impression de geste purement symbolique, donnant aux personnes 2SLGBTQ+ l’impression que leur identité est exploitée pour des questions d’apparence plutôt que d’être véritablement valorisée au sein de l’organisation.

Selon Kara Sherrer (2018), le symbolisme désigne « la pratique consistant à faire quelque chose (comme embaucher une personne qui appartient à un groupe minoritaire) uniquement pour éviter les critiques et donner l’impression que les gens sont traités de manière équitable ».

Un grand nombre de personnes ayant participé à ce projet ont indiqué qu’elles se sentaient souvent reléguées au second plan par les organisations et que cette tendance se reflétait souvent dans les déclarations DEI.

Par exemple, un participant à l’entretien a déclaré :

J’ai souvent l’impression que mon identité en tant que membre de la communauté LGBTQ est utilisée comme une case à cocher par les entreprises, et c’est évident dans leurs déclarations sur la diversité. C’est comme si elles se souciaient davantage de paraître inclusives que de mettre en œuvre des politiques et des pratiques qui soutiennent les personnes comme moi. C’est décourageant d’avoir l’impression que mon identité est exploitée pour l’image plutôt que d’être véritablement valorisée au sein de l’organisation. »

Selon Wong (2019), un problème courant dans les pratiques de recrutement réside dans la question suivante : « Qui d’autre pourrions-nous recruter ? » Pour Wong, cette question suppose à tort que le simple fait d’augmenter le nombre de personnes qui s’identifient comme membres de groupes historiquement marginalisés peut rendre une organisation « suffisamment plus diversifiée », sans tenir compte des questions connexes concernant le pouvoir relatif, les privilèges, l’accès ou l’influence, et peut en fin de compte réduire la diversité à un simple jeu de chiffres au lieu de favoriser une véritable inclusion. 

Cette question, ou la pratique consistant à augmenter le nombre d’individus sur la seule base de leur identité, risque d’occulter la nécessité de créer globalement une la culture plus inclusive, afin que les individus marginalisés et mal desservis aient davantage de chances de réussir. 

Autrement dit, le fait d’intégrer des personnes issues de la « diversité » dans une organisation sans disposer d’une culture organisationnelle établie capable de soutenir et d’exploiter leurs forces, leurs identités, leurs compétences et leurs expériences peut exacerber les défis auxquels les personnes marginalisées sont confrontées au quotidien (Wong, 2019). 

Dans le même ordre d’idées, une autre participante a déclaré :

J’ai vu des déclarations disant : “Si vous êtes une POC [personne de couleur] ou non hétéro, non hétéroromantique ou non cisgenre, nous voulons vous entendre”. C’est clair et net, ils ne recherchent pas la diversité, ils cherchent à avoir l’air de favoriser la diversité sans réellement le faire. Il s’agit là d’un geste symbolique ridicule et faussement vertueux. »

Une autre personne a dit:

Lorsque vous rédigez une déclaration sur la diversité comme un simple outil permettant à lorganisation dattirer un type particulier de personne vous faites fausse route. »

Ces sentiments sont cohérents avec un ensemble croissant de connaissances indiquant que les déclarations, politiques et initiatives de DEI peuvent causer plus de mal que de bien en envoyant des signaux d’équité organisationnelle pouvant amener les individus à surestimer l’équité de l’organisation et à ne pas entrevoir les possibilités de discriminations éventuelles (Everhart, 2022). 

Quelques participants ont fait remarquer que certaines déclarations DEI peuvent conduire à une présomption d’équité pour les groupes sous-représentés, ce qui rend la discrimination plus difficile à identifier et à combattre en justice, même si les déclarations s’avèrent être simplement là pour la forme, c’est-à-dire des promesses d’engagement, de loyauté ou de soutien sans action qui s’y rattache. 

Par exemple, une participante à l’entretien a mentionné l’approche symbolique adoptée par de nombreuses organisations, en précisant qu’elle avait un impact négatif :

Cette approche symbolique adoptée un peu partout exacerbe le problème, car elle conduit à une présomption déquité pour les individus et les groupes en masquant la réalité de la discrimination et en la rendant encore plus difficile à reconnaître et à combattre. »

Dans le même ordre didées, un autre a déclaré :

Certaines déclarations DEI donnent limpression que lorganisation est vraiment juste et fait place à la diversité, si bien quil est difficile pour les employés et les demandeurs demploi de dénoncer les préjugés. Ça donne aux personnes qui veulent croire que lentreprise est inclusive une raison de nier tout problème. Même si les personnes marginalisées peuvent facilement détecter les discriminations, ces déclarations permettent aux autres de dire plus facilement : Non, nous sommes diversifiés et équitables et dignorer les vrais problèmes qui se posent. »

Des critiques de ce type mettent en lumière la manière dont les déclarations DEI peuvent avoir pour effet de prioriser une diversité superficielle au détriment d’une inclusion effective. Cette perception résonne fortement parmi les personnes qui ont participé à l’étude, qui nous ont dit qu’elles ont souvent l’impression que leur identité est exploitée à des fins symboliques plutôt que véritablement valorisée, entraînant un sentiment de désillusion au sein des groupes qui méritent l’équité. 

En définitive, ces résultats soulignent la nécessité pour les organisations d’aller au-delà des gestes symboliques et de s’engager à mettre en œuvre des politiques et des pratiques tangibles qui favorisent une inclusion et une équité réelles sur le lieu de travail.

Manque d’action et d’obligation de rendre des comptes

Une critique apparentée qui a émergé parmi les personnes qui ont participé à cette étude est le fossé entre la parole et les actes. 

Selon plusieurs, si les entreprises expriment leur soutien à l’inclusion des personnes 2SLGBTQ+ dans leurs déclarations DEI, la mise en œuvre de politiques et de pratiques réelles visant à soutenir les employés 2SLGBTQ+ peut manquer ou être mal articulée.  

Certaines personnes s’identifiant comme 2SLGBTQ+ ont indiqué qu’en l’absence de mesures concrètes pour traiter des questions telles que la discrimination, les préjugés et le harcèlement sur le lieu de travail, les déclarations DEI ressemblent à des paroles en l’air et ne se traduisent pas par des changements probants dans leurs expériences quotidiennes sur le lieu de travail. 

Par exemple, une personne interrogée a déclaré :

Il est pratiquement impossible de faire la distinction entre une organisation qui se drape dans la vertu et une autre qui a réellement pris des mesures pour sassurer quelle offre un espace sûr et inclusif. Il est trop facile de plaquer quelques mots de DEI ou, mieux encore, de copier et coller des formules toutes faites sur un site web et de les ajouter au bas dune offre demploi. Ça n’indique en aucun cas que lorganisation a réellement adopté mes mesures pour créer un espace sûr et inclusif. En fait, la déclaration DEI na que peu de poids à mes yeux. »

Une autre personne a ajouté que les déclarations de DEI devaient saccompagner de mesures concrètes:

Nimporte qui peut rédiger une déclaration, mais la manière dont lentreprise met en œuvre les principes DEI doit sappuyer sur plusieurs éléments pour que la déclaration soit considérée comme authentique. Par exemple, si toutes les photos déquipe des dirigeants sont des hommes blancs, mais quil existe une déclaration DEI, cest un indicateur alarmant. »

Au sujet de la difficulté à distinguer un véritable engagement dun simple symbole de vertu, lun des répondants a déclaré:

C’est qu’il faut pouvoir distinguer un engagement authentique envers la DEI, ce qui est pratiquement impossible à partir dune simple déclaration. Cela dit, je pense que ce que je voudrais voir, au lieu dune déclaration générique ce sont des exemples concrets. Que pouvez-vous me dire sur ce que vous avez fait concrètement pour démontrer un véritable engagement en faveur de la DEI? Quelles mesures avez-vous prises pour vous assurer que toutes les personnes sont respectées et libres de sexprimer sans jugement? Combien de membres de votre conseil dadministration ne sont pas des hommes blancs cis hétérosexuels? À combien dévénements de Fierté avez-vous participé en tant quorganisation? Etc. Cela serait beaucoup plus instructif quune déclaration DEI telle que décrite ci-dessus. »

Dans un autre cas, une personne à lenquête a souligné limportance des actions tangibles, en déclarant: « Je veux voir des preuves qui dépassent les mots. Des choses que vous pouvez réellement prouver. Ces déclarations DEI sengagent-elles effectivement auprès des communautés quelles mentionnent?» Iel a également noté:

Dites-moi si votre assurance couvre les soins de santé trans. Dites-moi si votre politique de congé inclut la famille que vous avez choisie. Dites-moi que vous avez des horaires flexibles parce que nos vies ne fonctionnent pas comme celles des personnes cis. Dites-moi que vous autorisez le travail à domicile parce que la justice queer nest rien sans la justice pour les personnes handicapées et que forcer les gens à travailler dans des bureaux en cas de pandémie est du capacitisme. »

Une personne interrogée a souligné limportance des actions concrètes par rapport aux déclarations superficielles:

Je nai pas besoin dune déclaration DEI; jai besoin de savoir ce quils font pour assurer laccès à des installations appropriées pendant et après la transition, pour couvrir les traitements médicaux de confirmation de genre, pour respecter la vie privée et la confidentialité, et pour défendre les droits des trans par léducation et le soutien vous savez, les choses qui comptent réellement dans la création de lieux de travail inclusifs. »

Dans l’ensemble, les participants à cette étude ont tous exprimé des préoccupations concernant le fossé entre la rhétorique et l’action en ce qui concerne les politiques, initiatives et déclarations de DEI. Si de nombreuses organisations affichent leur soutien à l’inclusion des personnes 2SLGBTQ+ dans leurs déclarations DEI, la mise en œuvre concrète de politiques et de pratiques de soutien semble absente selon les personnes que nous avons interrogées.  

Ce sentiment met en évidence la nécessité pour les organisations d’aller au-delà des gestes symboliques et de donner la priorité à des actions concrètes qui favorisent véritablement l’inclusion, la diversité et l’équité.  

Les participants ont également souligné l’importance de la transparence et de l’obligation de rendre des comptes et ont appelé les organisations à fournir des preuves de leur engagement en faveur de la DEI en présentant des résultats mesurables et des initiatives tangibles.  

En fin de compte, le consensus parmi les participants est clair : les déclarations de DEI doivent être soutenues par des actions concrètes afin d’apporter un réel changement dans les expériences des communautés marginalisées sur le lieu de travail et de persuader les personnes 2SLGBTQ+ que l’entreprise intégrant un énoncé de DEI dans son offre d’emploi passe de la parole à l’acte.

La voie à suivre

Le lieu de travail contemporain a connu une transformation considérable dans son approche de la diversité, de l’équité et de l’inclusion, en reconnaissant qu’il s’agit d’un impératif à la fois moral et stratégique. Alors que les organisations à travers le Canada donnent de plus en plus la priorité à des environnements diversifiés, équitables et inclusifs, les initiatives DEI – y compris les déclarations DEI dans les offres d’emploi – sont de plus en plus répandues. Cependant, des recherches récentes indiquent que ces initiatives peuvent ne pas produire pleinement les résultats escomptés.  

Des études révèlent que, malgré les objectifs de réduction de la discrimination, d’accroissement de la diversité et de soutien aux groupes marginalisés, les initiatives en faveur de la diversité ne sont pas suffisantes et ne parviennent pas à éliminer les préjugés sur le lieu de travail (Everhart, 2023). Ce constat soulève d’importantes questions quant à l’efficacité et à l’impact des efforts actuels de DEI pour lutter contre la discrimination et les préjugés sur le lieu de travail. 

Par ailleurs, les participants à notre étude ont exprimé plusieurs inquiétudes concernant les déclarations DEI :

L’accent mis sur l’inclusion générale qui a marginalisé davantage ceux qui ont le plus besoin de soutien au sein de l’organisation.

L’écart important entre la rhétorique du DEI et l’action sur les lieux de travail contemporains.

La tendance aux gestes symboliques et le risque de contribuer à une fausse présomption d’équité, masquant la discrimination sous-jacente et entravant les efforts réels de lutte contre les préjugés.

De plus, les employés sous-représentés et marginalisés sont souvent invités à assumer des responsabilités supplémentaires liées à l’éducation de leurs collègues en matière de diversité, d’équité et d’inclusion. Par exemple, on peut leur demander de faire part de leur compréhension et de leur vision de la discrimination et des préjugés, de participer à la rédaction de déclarations sur la DEI et de jouer un rôle de leader dans les initiatives de DEI sur le lieu de travail. Ces tâches sont physiquement et émotionnellement épuisantes et ne sont souvent pas rémunérées.  

Tout en reconnaissant ce fardeau supplémentaire, nous, au CIMT, dans le sillage de Wong (2019), reconnaissons que les personnes qui sont affectées par les politiques et les pratiques d’exclusion ont une expérience personnelle de ces problèmes et sont probablement les mieux placées pour définir les mesures à adopter.  

Dans cette perspective, le tableau suivant reprend certains points clés que les participants à l’étude nous ont communiqués au cours de leurs entretiens :

Pour répondre à la critique selon laquelle les déclarations générales de DEI diluent la focalisation sur les identités marginalisées

Les organisations devraient adopter une approche plus ciblée et intersectionnelle, en reconnaissant et en soutenant activement les groupes qui méritent l’équité plutôt que d’employer une approche générique « unique » qui ne tient pas compte des préjugés et des distorsions systémiques enracinés dans nos systèmes.

Cela implique de concevoir des déclarations DEI qui abordent explicitement les défis et obstacles auxquels sont confrontées les communautés sous-représentées, en veillant à ce que leurs expériences soient reconnues et considérées comme prioritaires dans les initiatives et politiques de l’organisation.

De plus, les organisations devraient mettre l’accent sur la transparence et la prise de responsabilité en évaluant régulièrement l’efficacité de leurs efforts en matière de DEI et en cherchant activement à obtenir un retour d’information de la part des diverses parties prenantes afin d’éclairer les stratégies et les actions futures.

Pour lutter contre le caractère symbolique et la diversité superficielle dans les déclarations de DEI

Les entreprises doivent élaborer des plans d’action globaux en matière de diversité, d’équité et d’inclusion qui décrivent des initiatives concrètes et des objectifs mesurables visant à favoriser une véritable inclusion et équité.

Pour ce faire, elles devraient fixer des objectifs précis et mesurables en matière de diversité et d’inclusion, tels que des objectifs de représentation des groupes sous-représentés aux postes de direction, des taux de rétention des employés issus de la diversité et des mesures qualitatives de l’inclusion et de l’appartenance.

Les entreprises doivent également rendre des comptes.

Pour remédier à l’absence d’action

Au lieu de se concentrer sur la création de déclarations DEI pour des raisons d’apparence ou de conformité, les organisations doivent prendre un engagement concret et authentique en faveur de la DEI, par exemple en adoptant des mesures pertinentes qui répondent aux besoins et aux défis uniques des employés issus de la diversité.

Pour les personnes 2SLGBTQ+ en particulier, les organisations devraient s’engager activement auprès des membres des communautés pour s’assurer que leurs initiatives DEI sont concrètes et pertinentes – par exemple, en demandant l’avis des employés 2SLGBTQ+ et en consultant des organisations 2SLGBTQ+ externes pour éclairer les politiques et les pratiques DEI.

Au CIMT, nous sommes déterminés à faire en sorte que nos initiatives de Fierté aillent au-delà du simple marketing et servent à favoriser un progrès réel et l’inclusion. Nous nous sommes engagés à prendre les mesures nécessaires pour favoriser une culture axée sur l’introspection et la réflexion au sein de notre organisation. Grâce à ce processus, nous approfondissons notre compréhension, nous identifions les domaines à améliorer et nous cultivons une culture d’apprentissage et de croissance continus. 

Nous reconnaissons que les véritables progrès ne se limitent pas à des actions de façade. Il exige un véritable engagement à comprendre et à démanteler les barrières systémiques. Grâce à cet engagement en faveur de la connaissance de soi et du développement personnel et organisationnel, nous nous efforçons d’ouvrir la voie à des changements significatifs et de créer un environnement plus inclusif et plus équitable pour tous.

Explorer d’autres ressources

Notes

1 Bispirituel (deux esprits ou 2S) est un terme utilisé dans certaines communautés autochtones pour regrouper les identités sexuelles, de genre, culturelles et spirituelles. Ce terme générique a été créé en langue française pour refléter les conceptions autochtones complexes du genre et de la sexualité, ainsi que la longue histoire de la diversité des identités sexuelles et de genre dans les cultures autochtones. Ce terme peut faire référence à des rôles de genre croisés, multiples ou non binaires, à des identités non hétérosexuelles et à un éventail d’identités, de rôles et de pratiques culturelles incarnés par les personnes bispirituelles. 

2 Nous avons visé la diversité d’âge, d’identité de genre, d’orientation sexuelle et de milieu professionnel afin de couvrir un large éventail de points de vue au sein des communautés 2SLGBTQ+. 

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Suzanne Spiteri

Responsable de la recherche

Suzanne Spiteri est sociologue et possède plusieurs années d’expérience dans l’analyse qualitative des données ainsi que dans les méthodes d’analyse mixtes. Elle dirige les projets portant sur le resserrement du marché du travail et la situation professionnelle des groupes sous-représentés.

Références

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