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Visibilité transgenre dans l’IMT canadienne

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On estime à 100 815 le nombre de personnes transgenres et non binaires au Canada, or il existe peu d’informations concernant leur situation sur le marché du travail.  

Le 31 mars est la Journée internationale de la visibilité transgenre, un événement annuel consacré à la célébration des personnes transgenres, à la sensibilisation à la discrimination et à la célébration de leurs contributions à la société. 

En cette Journée internationale de visibilité transgenre, nous explorons les données officielles pour savoir ce qu’elles peuvent nous apprendre sur la situation des personnes transgenres et non binaires sur le marché du travail.  

Bien que le Canada soit le premier pays à recueillir des données de recensement sur les personnes transgenres et non binaires, plusieurs lacunes importantes subsistent.  

Voici ce que nous savons : 

Où sont les données concernant les personnes transgenres sur le marché du travail?

La communauté transgenre et non binaire compte des millions de personnes à travers le monde, pourtant peu de recherches examinent leurs résultats sur le marché du travail 

Au cours des deux dernières décennies, un corpus de travaux mettant en évidence les inégalités de résultats sur le marché du travail liées à l’orientation sexuelle non hétéronormative est apparu (Denier & Waite, 2017 ; Badgett et al., 2021). 

Si peu de choses ont été écrites sur l’identité et l’expression de genre, c’est en partie en raison de l’absence de données officielles sur la question. En effet, selon Gould et al. (2024), seuls 14 pays de l’OCDE collectent des données complètes sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, à savoir les États-Unis, l’Australie, le Canada, le Chili, la France, l’Allemagne, l’Islande, l’Irlande, l’Italie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, la Suède et le Royaume-Uni (OCDE, 2020). 

En outre, de nombreux pays n'ont commencé à collecter des données que très récemment, ce qui rend les données largement indisponibles. 

C’est le cas du Canada : en 2021, Statistique Canada a modifié le recensement pour permettre aux individus d’indiquer le « sexe à la naissance », afin que les personnes cisgenres, transgenres et non binaires puissent déclarer leur genre. Toutefois, comme il s’agit d’un changement très récent, les résultats obtenus sur le marché du travail par les personnes transgenres et non binaires n’ont encore fait l’objet que d’un examen limité.

Les travailleurs transgenres sont confrontés à la discrimination, au harcèlement et à un taux de chômage plus élevé

S’il n’existe que peu de données sur les expériences propres aux personnes trans, un grand nombre d’ouvrages traitent de la situation des populations LGB sur le marché de l’emploi. En l’absence de données précises, nous pouvons extrapoler que les personnes transgenres connaissent des expériences similaires.  

Au Canada, la recherche montre que les personnes LGB sont plus susceptibles que leurs homologues hétérosexuels de gagner des revenus inférieurs, d’être victimes de discrimination au travail et de rencontrer des obstacles à l’embauche et à l’avancement 

Voici ce que nous savons sur les défis particuliers auxquels sont confrontées les personnes transgenres sur le marché du travail canadien (Shannon, 2022). Par rapport à leurs homologues cisgenres, les personnes transgenres sont confrontées à : 

Des taux plus élevés de harcèlement et de discrimination sur le lieu de travail

Des revenus moyens nettement inférieurs

Des taux élevés de pauvreté et de chômage

Comparable aux résultats observés dans dautres territoires, une étude restreinte menée en Ontario en 2015 a révélé lexistence dune discrimination généralisée à lencontre des personnes transgenres dans la région:

13 %

Parmi les personnes interrogées, 13 % déclarent avoir été licenciées explicitement en raison de leur identité transgenre et 15 % suspectent l’avoir été en raison de leur identité transgenre.

18 %

18 % des personnes interrogées ont vu leur candidature rejetée en raison de leur identité transgenre et 32 % d’entre elles pensent que leur candidature a été rejetée en raison de leur identité transgenre.

17 %

17 % ont décliné des offres d’emploi qu’ils avaient reçues en raison de l’absence d’un environnement de travail transpositif et sûr.

Au-delà des expériences de discrimination directe, les obstacles structurels à l’emploi des personnes transgenres sont évidents : 28 % d’entre elles n’ont pas pu obtenir de références professionnelles reflétant leur nom ou leur pronom actuel et 58 % ont eu des difficultés à obtenir des relevés de notes indiquant leur nom exact ou leur désignation de sexe.

Les personnes transgenres ont des revenus inférieurs à ceux de tous les autres groupes de minorités sexuelles et de genre

Malgré la rareté des échantillons représentatifs de la population, les observations faites à partir d’échantillons de commodité indiquent que les personnes transgenres au Canada sont systématiquement confrontées à des revenus inférieurs à ceux de tous les groupes de minorités sexuelles et de genre (Kinit et al., 2023). 

L’étude a notamment révélé que plus de 70 % des personnes interrogées ont déclaré des revenus annuels inférieurs à 50 000 dollars et que 40 % d’entre elles vivaient dans des ménages à faible revenu. 

Une étude réalisée en 2019 en Ontario auprès d’environ 2 000 personnes transgenres a mis en évidence les disparités de revenus en révélant que 50 % des personnes transgenres interrogées vivent dans des quartiers à faibles revenus, contre 37 % dans la population générale. 

Dans leur examen de la littérature sur le sujet, Kinitz et al. (2023) montrent que les personnes transgenres sont confrontées à une transphobie et à des préjugés très répandus dans le marché du travail, entraînant harcèlement, exclusion et pauvreté. 

Ils soulignent qu’une étude récente menée auprès de près de 3 000 personnes transgenres au Canada a donné des résultats comparables aux données démographiques des États-Unis et d’autres régions. Les faits montrent qu’il existe des enjeux communs, dont de faibles revenus, des taux de pauvreté élevés et une dépendance importante à l’égard des programmes de soutien du revenu.

Les personnes transgenres sont confrontées à d’importants obstacles à l’emploi

Selon la littérature et les résultats quantitatifs disponibles, la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre constitue un obstacle important à l’emploi et au développement des compétences des personnes 2SLGBTQ+ au Canada.

Si la discrimination en emploi est un problème très répandu dans l’ensemble des communautés 2SLGBTQ+, les personnes transgenres et de diverses identités de genre font souvent état de taux de discrimination au travail nettement plus élevés, les employés de diverses identités de genre étant entre 2,2 et 2,5 fois plus susceptibles d’être victimes de discrimination et de harcèlement sur le lieu de travail que leurs collègues masculins cisgenres (Waite, 2021).

Les barrières structurelles aggravent le problème de l’emploi, comme la présence d’un morinom (ancien nom) sur les documents officiels et les difficultés à obtenir des références pour des expériences professionnelles précédant la transition (Kinitz et al., 2023).

Comment assurer la visibilité des personnes transgenres dans les données sur le marché du travail?

Une population transgenre et non binaire active et soutenue, traitée équitablement sur le marché du travail, est essentielle à l’édification d’un Canada économiquement prospère. 

Malgré les progrès réalisés en matière de visibilité publique, les personnes transgenres et non binaires au Canada sont toujours confrontées à des défis distincts en matière d’emploi, allant de la discrimination sur le lieu de travail à des taux élevés de chômage et de sous-emploi.  

Il est important d’étudier les résultats sur le marché du travail des populations transgenres et non binaires pour plusieurs raisons. L’étude des résultats et des expériences professionnelles des personnes transgenres et non binaires permet non seulement de révéler les défis et obstacles uniques rencontrés sur le marché du travail, mais aussi de mieux comprendre les problèmes systémiques, notamment les préjugés, la discrimination, la violence et d’autres formes de stigmatisation.  

Identifier les disparités en matière d’emploi, de revenus et de possibilités d’avancement joue également un rôle déterminant dans la défense et l’évaluation des politiques visant à améliorer la situation des personnes transgenres et non binaires sur le marché du travail. 

Le Canada a été un précurseur dans la mise en place de mesures de protection de l’emploi fondées sur l’orientation sexuelle et le genre (Waiteet al., 2019). Malgré cela, un défi important pour les chercheurs persiste – la rareté des enquêtes sur la population incluant l’identité de genre et les caractéristiques d’emploi pertinentes.  

Il est essentiel de combler cette lacune, car le manque de données représentatives limite les analyses approfondies, et les études existantes ne parviennent pas à comparer directement les différences sur le marché du travail entre les personnes transgenres et non transgenres. 

Nous devons impérativement combler le manque d’informations en lançant une enquête exhaustive sur les politiques et les pratiques, afin que les protections juridiques se traduisent par des avancées tangibles pour les personnes transgenres et non binaires sur le marché du travail canadien. 

En 2017, le gouvernement canadien a modifié la Loi canadienne sur les droits de la personne afin de protéger les individus contre la discrimination et les crimes haineux fondés sur l’identité et l’expression de genre et, en 2018, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada a lancé ses Orientations stratégiques pour moderniser les pratiques du gouvernement du Canada en matière d’information relative au sexe et au genre. 

L’initiative de Statistique Canada visant à combler les lacunes dans les données sur la diversité des identités de genre au Canada est une première étape fondamentale et importante qui résulte de ces changements de politique, et nous nous attendons à ce qu’il y en ait d’autres dans les années à venir. Parallèlement, l’engagement du CIMT en faveur de l’intersectionnalité signifie que nous continuerons à plaider en faveur d’une information sur le marché du travail plus inclusive et plus représentative pour tous les Canadiens et Canadiennes.

Comprendre les identités de genre : définitions clés

Cisgenre : Désigne une personne dont l’identité de genre correspond au sexe assigné à la naissance.

Genre : Construction sociale qui englobe les rôles, les comportements et les attentes associés au fait d’être un homme ou une femme dans une société donnée.

Environnement transpositif : Désigne un environnement (travail, école, etc.) dans lequel des politiques ou des dispositions ont été mises en place pour soutenir les personnes transgenres.

Expression de genre : Désigne la manière dont les personnes expriment leur genre à travers leurs caractéristiques, leur esthétique et leurs comportements sociaux. Elle n’est pas toujours le reflet de leur sexe.

Femme transgenre : Personne à qui l’on a assigné le sexe masculin à la naissance, mais dont l’identité de genre est féminine.

Homme transgenre : Personne à qui l’on a assigné le sexe féminin à la naissance, mais dont l’identité de genre est masculine.

Identité de genre : Correspond à la perception qu’une personne a d’elle-même en tant que femme, homme, les deux, ni l’un ni l’autre ou ni entièrement l’un ou l’autre.

Identité transgenre : Désigne l’identité d’une personne transgenre appartenant à la catégorie des personnes transgenres. Cette personne peut s’identifier comme femme trans, homme trans ou trans non binaire.

Modalité du genre : Désigne la relation entre le genre d’une personne et son sexe à la naissance.

Morinom (deadname) : L’ancien nom d’une personne ou le nom qui lui a été donné à la naissance et auquel elle ne s’identifie plus.

Non binaire : Le terme non binaire fait référence à une personne dont le genre ne correspond pas au modèle binaire masculin et féminin. Elle peut s’identifier comme étant à la fois l’un et l’autre, ni l’un ni l’autre, une combinaison de genres, ou un genre complètement différent. Aux fins de la collecte de données officielles au Canada, Statistique Canada classe les personnes non binaires comme des personnes dont le genre déclaré n’est pas exclusivement masculin ou féminin. Cela inclut les personnes dont le genre déclaré est, par exemple, agenre, pangenre, intergenre, queer, fluide, non conforme ou bispirituel. Il peut également s’agir de personnes qui ont déclaré, ou ont été déclarées par procuration, qu’elles se posaient des questions ou qu’elles étaient en train de prendre une décision.

Orientation sexuelle : Désigne l’attirance romantique ou sexuelle d’une personne pour d’autres personnes. Distincte de l’identité de genre, l’orientation sexuelle d’une personne est indépendante de son sexe ou de son genre.

Pronoms : Les pronoms remplacent les noms pour désigner des personnes sans utiliser leur nom. Les pronoms d’une personne peuvent être il, elle, iel, ille, ael, em ou des variantes de ces pronoms.

Sexe : Renvoie aux caractéristiques physiques, y compris les chromosomes, les organes reproducteurs et les attributs sexuels secondaires.

Trans : Le terme trans est souvent utilisé de manière interchangeable avec le terme transgenre. Toutefois, le terme trans, considéré comme plus inclusif, est de plus en plus utilisé. Il est parfois utilisé comme terme générique pour désigner toute personne dont le genre ne correspond pas à son sexe assigné à la naissance, y compris les personnes non binaires, bien que toutes les personnes non binaires ne s’identifient pas comme trans.

Transgenre : Désigne une ou plusieurs personnes dont l’identité de genre diffère du sexe qui leur a été assigné à la naissance. Aux fins de la collecte de données officielles au Canada, Statistique Canada classe les personnes transgenres comme des personnes dont le sexe assigné à la naissance a été déclaré comme étant d’un genre donné et dont le genre actuel est déclaré comme étant d’un autre genre.

Transition : Désigne le processus d’une personne transgenre qui modifie son apparence ou certains aspects de sa vie pour les adapter à son identité de genre. Cela inclut parfois un traitement médical et peut viser différents attributs extérieurs.

Transphobie : Préjugés ou haine envers les personnes transgenres.

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Suzanne Spiteri

Responsable de la recherche

Suzanne Spiteri est sociologue et possède plusieurs années d’expérience dans l’analyse qualitative des données ainsi que dans les méthodes d’analyse mixtes. Elle dirige les projets portant sur le resserrement du marché du travail et la situation professionnelle des groupes sous-représentés.

Références

Badgett, M. L., Carpenter, C. S., & Sansone, D. (2021). LGBTQ economics. Journal of Economic Perspectives, 35(2), 141-170. 

Badgett, M. L. (1995). The wage effects of sexual orientation discrimination. ILR Review, 48(4), 726-739. 

Ciprikis, K., Cassells, D., & Berrill, J. (2020). Transgender labour market outcomes: Evidence from the United States. Gender, Work & Organization, 27(6), 1378-1401. 

Denier, N., & Waite, S. (2017). Sexual orientation wage gaps across local labour market contexts: Evidence from Canada. Relations industrielles, 72(4), 734-762. 

Gould, W. A., Kinitz, D. J., Shahidi, F. V., MacEachen, E., Mitchell, C., Venturi, D. C., & Ross, L. E. (2024). Improving LGBT Labor Market Outcomes Through Laws, Workplace Policies, and Support Programs: A Scoping Review. Sexuality Research and Social Policy, 1-18. 

Kinitz, D., MacKinnon, K., Kia, H., MacEachen, E., Gesink, D., & Ross, L. (2022). Mapping low-wage and precarious employment among lesbian, gay, bisexual, and transgender people in Organization for Economic Co-operation and Development countries: A scoping review protocol. University of Toronto Journal of Public Health, 3(2). 

Kinitz, D. J., Gould, W. A., Shahidi, F. V., MacEachen, E., Mitchell, C., Craig-Venturi, D., Ross, L. E. (2023). Addressing knowledge gaps about skills of 2SLGBTQ+ people in Canada: A scoping review and qualitative inquiry. A report for Employment and Social Development Canada. Retrieved from: https://lgbtqhealth.ca/projects/foundationaltransferableskills.php 

Shannon, M. (2022). The labour market outcomes of transgender individuals. Labour Economics, 77, 102006. 

Waite, S., Ecker, J., & Ross, L. E. (2019). A systematic review and thematic synthesis of Canada’s LGBTQ2S+ employment, labour market and earnings literature. PloS one, 14(10), e0223372. 

Waite, S. (2021). Should I stay or should I go? Employment discrimination and workplace harassment against transgender and other minority employees in Canada’s federal public service. Journal of homosexuality, 68(11), 1833-1859. 

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