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Les marchés du travail tendus sont appelés à durer : planifions en conséquence

Au Canada, le nombre de postes à pourvoir se maintient à des sommets records, totalisant près d’un million au mois d’août 2022 (selon les dernières données disponibles). Bien que le nombre de postes à pourvoir semble plafonner, il dépasse toujours d’environ 80 % le niveau prépandémie. La population active a connu une croissance beaucoup plus modeste, ce qui explique que le marché du travail soit l’un des plus serrés de l’histoire du Canada. 

Les décideurs de tout le pays cherchent des solutions à ce contexte sans précédent. La gestion optimale d’une pénurie doit tenir compte de la persistance attendue du phénomène. Il convient donc de se demander si le resserrement des marchés du travail est un symptôme de courte durée découlant de la COVID-19 ou une nouvelle tendance à long terme. 

Eh bien, notre boule de cristal répond toujours la même chose : « Posez la question plus tard. » Mais, selon nous, la réponse est que l’étroitesse du marché du travail est un phénomène qui s’inscrira dans la durée. 

C’est en effet ce qu’indiquent les tendances démographiques canadiennes. 

Le vieillissement de la population active et le faible taux de fécondité ont contribué au déclin à long terme de la croissance de la population active. Les baby-boomers qui partent à leur retraite surpassent en nombre les travailleurs qui entrent sur le marché du travail. 

La figure 1 illustre comment cette tendance s’est dessinée au fil du temps. De la fin des années 1970 au début des années 2000, les baby-boomers et les femmes de plusieurs générations sont entrés sur le marché du travail, créant ainsi une ère d’abondance de main-d’œuvre. Cette époque est révolue : le taux d’activités des femmes a atteint un plateau, les baby-boomers prennent maintenant leur retraite et la fécondité est à la baisse. Ces facteurs ont freiné la croissance de la population active, laissant un bassin de travailleurs plus petit par rapport à la demande croissante de biens et de services. 

Figure 1 : La croissance de la population active suit
une tendance à la baisse depuis des décennies

Taux de croissance jusquen octobre 2022, Canada, population active et population générale (15 ans et plus)

La croissance de la population active suit une tendance à la baisse depuis des décennies

Remarque : les barres grises correspondent aux récessions. 
Remarque : les points de données représentent le taux de croissance de la population générale et de la population active par tranches de trois ans. 

En plus des tendances à long terme, la pandémie a encore compliqué les choses en augmentant les disparités professionnelles et sectorielles. Dès le début de la crise, lorsque les entreprises ont dû fermer en raison du confinement, de nombreux travailleurs ont été licenciés. 

Avec le retour à la normale des activités, nous avons constaté un déséquilibre entre les travailleurs disponibles et les offres d’emploi. Cette situation reflète à la fois une augmentation rapide de l’activité économique à mesure que la COVID-19 a pu être (presque) maîtrisée et une réévaluation par les travailleurs de leurs propres préférences et priorités dans le monde du travail.  

Que pouvons-nous faire en cas de resserrement du marché du travail? 

Du côté de la demande, le resserrement du marché du travail incite fortement les entreprises à innover pour accroître la productivité. Dans l’ensemble, un marché du travail plus tendu peut profiter non seulement à léconomie, mais aussi aux travailleurs qui ont un pouvoir de négociation et des salaires accrus. 

À court terme, les efforts déployés par la banque centrale en vue de maîtriser l’inflation devraient calmer en partie la forte demande de main-d’œuvre, mais n’auront aucun impact sur les tendances démographiques générales. 

Du côté de l’offre de travailleurs, il est possible d’accroître la taille et l’efficacité de la main-d’œuvre en stimulant la participation, la croissance démographique et la formation. Pour la population active actuelle, nous pouvons accroître le taux de participation par des mesures incitatives au travail ou des aides ciblées (par exemple, des allègements fiscaux et des services de garde d’enfants subventionnés). D’autres options consistent à accroître la population par l’immigration ou par des mesures en faveur des familles nombreuses. Sur le plan des compétences, nous pouvons mettre en œuvre des programmes de formation et miser sur l’immigration qualifiée. 

Il est important de noter que chacune de ces solutions comporte son lot de défis, comme la nécessité de garantir la disponibilité de logements abordables, de transports publics et de services de garde d’enfants. Somme toute, il n’y a pas de solution miracle pour remédier à la pénurie de main-d’œuvre; il faudra envisager une combinaison équilibrée d’approches. 

L’ère de l’offre abondante de main-d’œuvre est révolue. Les employeurs et le gouvernement devront travailler dur pour relever les défis qui en découlent.

Headshot of Michael Willcox, LMIC Economist.
Michael Willcox est économiste au CIMT. Il contribue à l'analyse et au développement de l'information sur le marché du travail au Canada.

michael.willcox@lmic-cimt.ca

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