Les personnes en situation de handicap et le marché du travail au Canada : où sont les données?
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Proclamée en 1992, la Journée internationale des personnes handicapées1 est une occasion de mettre en lumière et de célébrer les importantes contributions au sein des collectivités et des milieux de travail des personnes en situation de handicap.
Le thème de cette année est : « Des solutions transformatrices pour un développement inclusif – le rôle de l’innovation dans la création d’un monde accessible et équitable. » Il s’agit d’une occasion unique de souligner les contributions nombreuses et variées des travailleurs et travailleuses en situation de handicap, mais aussi de réfléchir aux défis qu’ils rencontrent sur le marché du travail.
Que peuvent nous apprendre les données sur la situation des personnes en situation de handicap sur le marché du travail canadien?
Portrait du handicap au Canada
En 2017, 22 % de la population canadienne âgée de 15 ans et plus (environ 6,2 millions de personnes) présentait un ou plusieurs handicaps physiques, sensoriels, cognitifs ou liés à la santé mentale.
Selon Statistique Canada, les femmes ont une plus grande prévalence de handicap que les hommes (24 % par rapport à 20 %, respectivement) et les adultes âgés sont plus susceptibles de déclarer un certain degré d’invalidité (20 % des travailleurs de 25 à 64 ans contre 32 % des travailleurs de 65 à 74 ans).
L’emploi et les personnes handicapées
En 2010, le Canada a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies, faisant ainsi de l’emploi – et de la possibilité de trouver un travail dans un environnement inclusif et accessible – un droit officiel pour les personnes en situation de handicap.
Les éléments de preuve sur les progrès réalisés à cet égard par le Canada sont toutefois limités. Les données officielles sur les situations d’emploi des personnes en situation de handicap proviennent d’une seule source, l’Enquête canadienne sur l’incapacité (ECI), qui n’est publiée qu’une fois tous les cinq ans.
L’ECI met en évidence un écart d’emploi important et persistant entre les personnes en situation de handicap et les personnes qui ne vivent pas avec un handicap au Canada. D’après les données disponibles, nous savons que les personnes ayant une incapacité ont des taux d’emploi et des revenus plus faibles et sont exposées à des risques plus marqués concernant le revenu.
Les résultats de 2017 de l’ECI montrent que les personnes ayant une incapacité ont des taux d’emploi inférieurs à ceux des personnes sans handicap. Parmi les personnes âgées de 25 à 64 ans, seulement 59 % des personnes ayant une incapacité étaient employées, contre 80 % des personnes sans handicap. Malgré cela, parmi les personnes ayant une incapacité âgées de 25 à 64 ans, 39 % (soit 645 000) avaient la capacité de travailler.
L’emploi et la gravité du handicap
On observe une forte corrélation entre la gravité du handicap et les résultats sur le marché du travail. L’ECI comporte des questions d’identification des incapacités permettant de créer un score global de sévérité (un nombre compris entre 0 et 2), qui sert à représenter l’intensité de la difficulté et la fréquence des limitations d’activités rencontrées par les personnes ayant une incapacité.
Les personnes ayant des scores de sévérité plus élevés sont associées à des taux d’emploi plus faibles encore. En 2017, 76 % des personnes ayant une incapacité légère et 67 % des personnes ayant une incapacité modérée avaient un emploi, tandis que seulement 49 % et 31 % des personnes ayant une incapacité grave ou très grave avaient un emploi, respectivement.
Travail à temps partiel
Même quand les personnes en situation de handicap sont employées, elles sont plus susceptibles de travailler à temps partiel (moins de 30 heures par semaine) que les personnes qui ne vivent pas avec un handicap.
Les hommes âgés de 25 à 64 ans ayant des incapacités plus graves étaient trois fois plus susceptibles de travailler à temps partiel (25 %) en 2017 que les hommes sans handicap (8 %).
Les femmes âgées de 25 à 64 ans ayant des incapacités plus sévères étaient 1,5 fois plus susceptibles (29 %) de travailler à temps partiel que les femmes non handicapées (19 %).
Mises en garde et limites
Bien que nous disposions de certaines informations sur les résultats en matière d’emploi des personnes en situation de handicap, leur étendue est plutôt limitée.
Nous avons peu d’information sur le marché du travail (IMT) concernant les résultats en matière d’emploi, les possibilités d’emploi et les écarts de compétences des personnes en situation de handicap au Canada. Cet état de fait découle en grande partie du manque de données.
En fait, il n’y a qu’une seule source de données : l’ECI. L’ECI est une enquête représentative à l’échelle nationale qui a lieu une fois tous les cinq ans, après le recensement de la population. Elle collecte des informations sur les expériences vécues par les Canadiens et Canadiennes de 15 ans et plus dont les activités quotidiennes peuvent être limitées en raison d’un handicap ou d’un problème de santé.
Bien que l’ECI soit une source d’information précieuse, elle présente de nombreuses limites.
Premièrement, on observe un problème de représentativité. L’enquête exclut les personnes vivant dans les foyers et autres types de logement collectif, comme les réserves des Premières Nations et les bases des Forces armées canadiennes.
Deuxièmement, les changements apportés à l’ECI – y compris les modifications apportées aux questions, au contenu, à la formulation et au formatage – signifient qu’il est souvent impossible de comparer les tendances dans le temps et entre les différentes versions.
En outre, l’ECI n’est ni fréquente ni opportune. Comme nous l’avons déjà mentionné, elle n’est menée qu’une fois tous les cinq ans, après le recensement. Comme il s’agit de la seule source de données fournissant des statistiques sur les personnes en situation de handicap au Canada, cette rareté signifie que les données disponibles sont souvent périmées et ne permettent pas de connaître les besoins et de relever les tendances.
Il existe également un décalage important entre l’enquête proprement dite et la disponibilité des données. Par exemple, alors que l’ECI de 2017 a collecté les données entre le 1er mars et le 31 août 2017, ces dernières n’ont été publiées que le 8 novembre 2019. Cela signifie qu’au moment où paraissent les résultats de l’ECI, ils sont déjà périmés.
La voie à suivre : combler les lacunes
Des données de haute qualité sont essentielles pour comprendre l’impact du handicap sur l’emploi.
Depuis le début de 2022, Statistique Canada a commencé à changer ses façons de collecter et de diffuser les renseignements sur l’emploi des personnes en situation de handicap grâce à un supplément à l’Enquête sur la population active (EPA), qui sera publié chaque année. Ces nouvelles données de l’EPA seront utilisées pour compléter l’ECI de 2022 et permettront une compréhension plus nuancée et plus approfondie des expériences vécues par les personnes en situation de handicap sur le marché du travail.
Ces changements apportés à l’EPA pourraient contribuer à combler les lacunes en matière de données, à éclairer les priorités stratégiques, à créer des possibilités d’emploi, à renforcer les capacités et à améliorer l’accessibilité. De plus, la création et la mise en œuvre d’une enquête permanente, cohérente et représentative qui pose des questions visant expressément à comprendre les disparités en matière d’emploi des personnes en situation de handicap au Canada constitueront une source d’IMT indispensable.
Suzanne Spiteri est sociologue et possède plusieurs années d’expérience dans l’analyse qualitative des données ainsi que dans les méthodes d’analyse mixtes. Elle dirige les projets portant sur le resserrement du marché du travail et la situation professionnelle des groupes sous-représentés.
1 Alors que Statistique Canada utilise communément le terme « personne ayant une incapacité » et les Nations Unies « personne handicapées », nous avons choisi dans cet article de suivre l’exemple de DAWN-RAFH Canada, qui utilise le terme « personne en situation de handicap », lorsque nous ne faisons pas directement référence à des données officielles. DAWN-RAFH Canada est une organisation qui œuvre pour l’avancement et l’inclusion des femmes et des filles handicapées et des femmes sourdes au Canada.