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Pénuries de main-d’œuvre dans les services de restauration au Canada : examen de la moyenne des heures travaillées comme indicateur

La pandémie de COVID-19 a frappé les services d’hébergement et de restauration plus durement que tout autre.

Aujourd’hui, alors même que l’économie en général se redresse, le secteur des services de restauration fait face à des défis uniques pour ramener les gens au travail. De nombreux reportages dans les médias ont récemment fait état des pénuries de main-d’œuvre dans les services de restauration au Canada.

Toutefois, la traduction de ces données empiriques en mesures claires demeure un défi : il n’existe aucune mesure reconnue des pénuries de main-d’œuvre.

Pour mesurer clairement les pénuries de main-d’œuvre, nous devrions idéalement observer l’offre et la demande de différents types d’emplois dans différentes régions et analyser les différences.

Cependant, ce genre de données n’est pas très répandu au Canada, surtout par emploi et pour les petites régions.

En l’absence de ces données, l’analyse actuelle s’appuie souvent sur les tendances de l’emploi, les taux de postes vacants ou affichés et la croissance des salaires (ou l’absence de croissance) pour déceler les pénuries.

Un autre moyen, mais souvent négligé, de signaler une éventuelle pénurie est d’examiner le nombre moyen d’heures travaillées : si les employeurs ne peuvent pas trouver plus de travailleurs, le fait d’encourager les employés actuels à travailler plus d’heures par des quarts de travail plus longs ou supplémentaires peut aider à répondre à la demande croissante de main-d’œuvre.

Dans cet article, nous examinons le nombre moyen d’heures travaillées dans les principaux métiers des services de restauration comme indicateur potentiel de pénurie de main-d’œuvre au Canada (divulgâcheur : les données disponibles au Canada ne peuvent pas nous en dire autant que nous l’espérions).

Il est important de noter que le nombre moyen d’heures travaillées ne peut être considéré comme un seul indicateur clair des pénuries de main-d’œuvre : comme pour d’autres indicateurs, le nombre moyen d’heures travaillées n’est qu’un indicateur parmi tant d’autres qui peut aider à signaler les tendances en matière de pénurie de main-d’œuvre.

Les tendances en matière de salaires et d’emploi indiquent-elles des pénuries de main-d’œuvre?

Le secteur des services d’hébergement et de restauration est dominé par les cuisiniers, les barmans, les préposés aux comptoirs et les aides de cuisine, les hôtes et les hôtesses, les maîtres d’hôtel et les serveurs d’aliments et de boissons, qui représentent ensemble près de trois travailleurs sur cinq dans ce secteur.

Ces travailleurs sont principalement des travailleurs par quarts de travail, souvent à temps partiel. Plus de 50 % des personnes employées dans ces métiers déclarent travailler moins de 30 heures par semaine.

La figure 1 présente le niveau d’emploi de ces métiers par rapport à septembre 2018 (données non désaisonnalisées).

En date de septembre 2021, l’emploi dans le secteur des services de restauration demeure inférieur de 16 % à celui d’il y a trois ans. À l’inverse, depuis avril 2021, l’emploi a connu une reprise constante dans d’autres métiers et se situe maintenant à 4 % au-dessus du niveau de 2018.

Cela peut s’expliquer en partie par le fait que, partout au pays, les limites de capacité des restaurants sont demeurées en place.

Une autre raison possible de la baisse du niveau d’emploi est que le secteur des services de restauration a de la difficulté à attirer des gens à nouveau dans l’industrie — il y a trop peu de candidats pour les postes disponibles.

Une solution à ce problème consiste à inciter les travailleurs à revenir en leur offrant un salaire plus élevé. Toutefois, la croissance des salaires nominaux a été faible, voire nulle, au cours des dernières années, passant de 15,70 $ l’heure en 2019 à 16,30 $ l’heure en 2021 (pourboires et commissions compris).

Compte tenu de l’inflation, le salaire réel a en fait diminué.

Si les salaires n’ont pas augmenté, on peut se demander si les employeurs ne se sont pas adaptés à la pénurie de personnel en augmentant les heures de travail du personnel actuel.

Figure 1: Niveau d'emploi aux services de restauration a atteint un sommet en août avant de redescendre en septembre 2021
Variation en pourcentage de niveau de l'emploi depuis sept. 2018 par groupe de profession
CIMT; Statistique Canada - Enquête sur la population active (EPA). Données ne sont pas désaisonnalisées

Les heures travaillées constituent une composante importante de la demande globale de main-d’œuvre

L’absence de croissance des salaires peut être compatible avec l’idée de pénuries de main-d’œuvre au niveau actuel des salaires. Si les employeurs n’augmentent pas les salaires, une solution aux pénuries consiste à augmenter le nombre ou la durée des quarts de travail des employés actuels ou nouveaux.

La figure 2 montre le nombre moyen d’heures travaillées dans les métiers des services de restauration. Elle suit largement la tendance de l’emploi observée à la figure 1.

Les restaurants, les bars et les autres entreprises de restauration ont été fortement touchés par la réglementation sanitaire mise en place en 2020. Tant l’emploi que le nombre moyen d’heures travaillées dans les métiers de la restauration ont chuté de façon spectaculaire, le nombre moyen d’heures hebdomadaires passant de 23,0 à 15,2 en mars 2020.

Les heures travaillées ont continué à fluctuer au cours des deuxième et troisième vagues de la COVID-19 et de la réintroduction de limites plus strictes sur les activités en personne.

Au début de l’été 2021, une campagne de vaccination rapide et réussie a permis à de nombreux restaurants d’ouvrir à la restauration intérieure et extérieure sous réserve de restrictions de capacité — et tant l’emploi que le nombre d’heures travaillées ont augmenté rapidement, pour atteindre un pic en août 2021.

Le nombre moyen d’heures travaillées est revenu à un sommet d’avant la pandémie de 25 heures par semaine, alors que l’emploi n’a atteint que 95 % de son niveau de septembre 2018.

Les deux mesures ont ensuite diminué en septembre 2021, lorsque les heures sont tombées à une moyenne de 23 par semaine et l’emploi à 84 % de son niveau de 2018.

On s’attendrait à ce qu’une pénurie de main-d’œuvre augmente le nombre d’heures travaillées, surtout si l’emploi diminue, mais cela n’a pas été le cas.

Figure 2 : Travailleurs du secteur de la restauration ont retrouvé en moyenne les heures de travail avant la pandémie
Moyens des heures effectivement travaillées par groupe de profession
CIMT; Statistique Canada - Enquête sur la population active (EPA). Données ne sont pas désaisonnalisées

Comprendre les données

La croissance de l’emploi et des salaires est souvent utilisée pour étudier d’éventuelles pénuries de main-d’œuvre. Toutefois, au cours des derniers mois, aucune de ces mesures ne semble signaler clairement la présence d’une pénurie, du moins pas encore.

L’emploi est en hausse, ce qui indique que les employeurs ont une demande croissante de main-d’œuvre, mais les taux d’emploi ont chuté en septembre.

L’augmentation des heures de travail parmi le personnel actuel pourrait indiquer que les employeurs ont des difficultés à recruter. Cependant, le nombre moyen d’heures travaillées n’a pas dépassé les niveaux d’avant la pandémie, ce qui signifie que le travailleur moyen des services de restauration travaille environ le même nombre d’heures qu’avant la pandémie.

Cela ne veut pas dire que la pénurie de main-d’œuvre n’est pas un problème dans le secteur, mais plutôt que sa quantification est complexe.

Fait important, les données sur le marché du travail peuvent différer de la réalité des entreprises et des travailleurs — par exemple, les augmentations salariales pourraient être lentes à apparaître dans les statistiques officielles.

Des recherches plus poussées sur les pénuries de main-d’œuvre devraient examiner l’interaction des indicateurs clés tels que ceux que nous avons évoqués. Dans la mesure du possible, analyser les différences entre l’offre et la demande de différents types d’emplois dans différentes régions.

Nous continuerons à suivre ces indicateurs clés et à en rendre compte à mesure que de nouvelles données seront disponibles.

Brittany

Brittany Feor est économiste à CIMT.

Elle contribue à l'accessibilité et à l'analyse des informations sur le marché du travail. Elle apporte son expertise en analyse quantitative et en macroéconomie.

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