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« Poursuis tes études! » : Plus d’éducation, est-ce forcément mieux?

« Poursuis tes études! » crient en chœur bon nombre de parents canadiens, qui voient l’éducation comme la clé d’une meilleure qualité de vie pour leurs enfants. De fait, plus d’éducation est généralement associée à des salaires plus élevés et à de meilleures conditions d’emploi. L’éducation est en outre réputée avoir une foule d’autres conséquences positives, notamment sur la prospérité économique d’un pays.

Bien que les professions qui exigent généralement des études universitaires puissent offrir des revenus plus élevés, l’accès à l’enseignement postsecondaire n’est pas toujours facile. Les études universitaires nécessitent un investissement important de temps et d’argent. Les étudiants renoncent même souvent à occuper un emploi pour se consacrer à leurs études. Or la plupart d’entre eux estiment que ces sacrifices en valent la peine. Ce sentiment est validé par des données récentes indiquant que les travailleurs détenant un diplôme universitaire ont subi moins de pertes d’emploi durant la pandémie de covid-19 que les travailleurs sans diplôme.

La réalité n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît

La logique semble évidente : si l’éducation a des incidences positives, plus d’éducation est forcément mieux. Mais qu’arrive-t-il s’il n’y a pas assez d’emplois exigeant un diplôme universitaire?

À la fin des années 90, environ un cinquième des emplois étaient occupé par des diplômés universitaires et il y avait une adéquation entre l’offre et la demande de travailleurs détenant un diplôme universitaire. Mais les choses ont commencé à changer au tournant du millénaire. Bien que l’offre et la demande de diplômés universitaires aient toutes deux augmenté au cours des 20 dernières années, l’offre a augmenté beaucoup plus rapidement. Aujourd’hui, 34 % des travailleurs détiennent un diplôme universitaire contre 18 % en 1997. Parallèlement, la part des emplois nécessitant normalement un diplôme universitaire a plafonné à 24 % au cours de la même période (voir figure 1). Autrement dit, l’écart entre l’offre et la demande est passé de zéro à 10 points de différence en un peu plus de deux décennies.

(Veuillez noter que pour cette analyse, nous avons supprimé les professions de « gestion » qui, bien que souvent regroupées avec les professions nécessitant un diplôme universitaire, ne sont associées à aucune exigence spécifique en matière d'éducation. Des analyses ultérieures porteront sur les exigences en matière d'études liées aux postes de gestion.)

Figure 1 : Pourcentage des emplois occupés par des diplômés universitaires et des professions nécessitant des études universitaires, Canada
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Remarque : Tout au long de l'analyse, les professions identifiées comme des postes de « gestion » ont été exclues des calculs (c'est-à-dire qu'elles sont retirées à la fois du numérateur et du dénominateur des parts d'emploi indiquées dans la figure 1).

Cette tendance s’est traduite par une surabondance de travailleurs ayant un diplôme universitaire. Aujourd’hui, bien des diplômés se confrontent à des choix difficiles : attendre qu’un poste exigeant un diplôme universitaire se libère, accepter un poste nécessitant moins d’études ou cesser complètement de chercher un emploi. Accepter un poste dont les exigences sont inférieures au niveau d’études obtenu, c’est accepter d’être surqualifié pour un rôle. Et la surqualification est associée à un faible niveau de satisfaction au travail et à un roulement de personnel plus important.

Il convient alors de se demander quel est l’impact de la pandémie sur les travailleurs les plus scolarisés qui occupent des emplois pour lesquels ils sont surqualifiés.

Les diplômés universitaires et la pandémie

Des études du Conseil de l’information sur le marché du travail (CIMT) ont démontré que les pertes d’emploi durant la pandémie ont touché davantage les professions requérant un niveau de scolarité moins élevé. En effet, l’emploi dans les professions qui exigent un diplôme universitaire a augmenté pendant la majeure partie de l’année 2020. Il paraît donc logique que les diplômés universitaires aient été moins touchés par la pandémie actuelle.

Mais s’en sont-ils mieux sortis que leurs homologues détenant un niveau d’éducation inférieur?

Il faut savoir que parmi les métiers n’exigeant pas de diplôme universitaire – et pour lesquelles la croissance de l’emploi continue de ralentir – de nombreux employés sont en fait titulaires de diplômes universitaires. 1
Bien que ces travailleurs surqualifiés aient été moins touchés que leurs homologues occupant le même métier depuis le début de la pandémie, les deux groupes ont connu une baisse significative de l’emploi entre février et avril 2020 (voir figure 2). Au cours de cette période, l’emploi dans les professions qui ne nécessitent pas d’études universitaires a diminué de 4 %. Toutefois, les pertes d’emploi ont été plus importantes chez les personnes sans diplôme universitaire (21 %) que chez les travailleurs surqualifiés de la même profession (16 %).

De plus, les niveaux d’emploi des personnes surqualifiées avaient complètement retrouvé ceux d’avant la pandémie à la fin du mois d’août 2020, tandis que les niveaux d’emploi des personnes sans diplôme universitaire ne sont toujours pas revenus à la normale. On peut donc en déduire qu’il y a des avantages à détenir un diplôme universitaire même si vous êtes surqualifié dans votre profession. Cela dit, la courbe de l’emploi de 2020 indique également que, pour maintenir un emploi, le niveau d’éducation d’un travailleur importe moins que sa profession.

Figure 2 : Niveaux d’emploi en 2020 des travailleurs ayant un diplôme universitaire et des travailleurs sans diplôme universitaire occupant des professions qui ne requièrent pas de diplôme.Figure 1 : Pourcentage des emplois occupés par des diplômés universitaires et des professions nécessitant des études universitaires, Canada
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Remarque : Tout au long de l'analyse, les professions identifiées comme des postes de « gestion » ont été exclues des calculs (c'est-à-dire que sont supprimés les deux niveaux d'emploi indiqués dans la figure 2).

Planifier l’avenir

La vie est remplie d’incertitudes, et rester à l’école peut être une décision judicieuse pour bien s’y préparer. Mais poursuivre des études universitaires sans tenir compte des possibilités offertes n’est pas nécessairement la meilleure voie ni la meilleure solution pour atteindre la sécurité d’emploi.

Le manque actuel d’emplois exigeant un diplôme universitaire a mené à une offre relativement excédentaire de diplômés, dont plusieurs se sont résignés à accepter des postes dans des professions en dehors de leur domaine ou sans lien avec leur éducation. Bien qu’un diplôme universitaire puisse protéger quelque peu les travailleurs contre les pertes d’emploi en période de ralentissement économique, ce n’est pas la panacée. Il est par ailleurs important de se rappeler qu’un diplôme universitaire ne doit pas être considéré uniquement comme un moyen de décrocher le bon emploi; il permet aussi de mieux comprendre le monde dans lequel on vit. Sa valeur dépasse les résultats sur le marché du travail.

En cette période d’incertitude, le CIMT demeure résolu à fournir aux Canadiens l’accès à des informations de qualité sur le marché du travail. Nous continuerons à analyser les données relatives à la pandémie afin de vous aider à prendre des décisions éclairées.

1 En février 2020, pour tous les emplois ne nécessitant pas de diplôme universitaire, 19 % des employés avaient un diplôme et 81 % n'en avaient pas.

Federico

Federico Bettini est un économiste junior au Conseil d'information sur le marché du travail.

federico.bettini@lmic-cimt.ca

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