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Collage-style illustration shows a row of workers sitting at a computer desk.

Travailleurs étrangers temporaires, initiatives DEI et politiques de retour au bureau : les enjeux du travail dont les Canadiens discutent sur les réseaux sociaux

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Chaque année, le premier lundi de septembre, la fête du Travail est célébrée pour défendre les droits des travailleurs et pour honorer leurs accomplissements.

L’an dernier, le CIMT a profité de cette occasion pour réfléchir à l’état actuel du travail et du marché du travail au Canada. Nous avons exploré plusieurs enjeux du marché du travail qui suscitaient une attention considérable et des discussions animées parmi les utilisateurs de X (anciennement Twitter) à travers le pays.

Cette année, nous poursuivons cette tradition avec l’espoir d’alimenter à nouveau la conversation et à la réflexion en reposant la question : quels sont, selon les Canadiens et Canadiennes, les enjeux du travail les plus importants en ce moment ?

En janvier 2024, X (anciennement connu sous le nom de Twitter) comptait environ 14 millions d’utilisateurs actifs au Canada, ce qui en fait une véritable mine de données pour notre recherche. Nous avons exploité la puissance des médias sociaux afin de réaliser une analyse qualitative du contenu et une analyse des sentiments, en utilisant X comme principale source de données.1

L’analyse qualitative a permis de dégager les grands thèmes, sujets et schémas, et a ainsi fourni le contexte nécessaire pour mieux appréhender les enjeux actuels du travail. Cette méthode nous a permis d’explorer les données plus en détail, d’examiner les sous-entendus et d’extraire des informations précieuses.

Nous avons de plus effectué une analyse des sentiments afin de catégoriser systématiquement les sentiments exprimés comme étant positifs, négatifs ou neutres. Cette approche a fourni une mesure objective des sentiments, nous permettant de suivre les tendances au fil du temps et à travers différents sujets ou groupes d’utilisateurs.

Notre analyse a permis de relever plusieurs enjeux du travail ayant récemment attiré l’attention et suscité des discussions entre les utilisateurs de X à l’échelle nationale. Les principaux sujets de préoccupation sont :

Les travailleurs étrangers temporaires

Les réactions contre les initiatives de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI)

Les débats entourant les mandats de retour au bureau

Ce que les gens au Canada disent à propos des travailleurs étrangers temporaires

Notre analyse a révélé que les Canadiens de partout au pays sont profondément interpellés et préoccupés par la question des travailleurs étrangers temporaires (TET).

Le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) du Canada a été lancé en 1973 et permet aux employeurs d’embaucher des travailleurs étrangers pour combler des pénuries temporaires de main-d’œuvre lorsqu’il n’y a pas de Canadiens ou de résidents permanents disponibles pour effectuer le travail (Cardoso et coll., 2023).

Conçu à l’origine pour attirer des travailleurs qualifiés dans des secteurs tels que les soins infirmiers et l’agriculture, le programme a été actualisé au fil de son existence pour concilier les besoins en main-d’œuvre des employeurs et la nécessité de garantir qu’il y ait un nombre suffisant d’emplois pour les citoyens canadiens et résidents permanents. Il inclut désormais un volet saisonnier (par exemple, le Programme des travailleurs agricoles saisonniers) et un volet spécifique à une profession (par exemple, le Programme des aides familiaux résidants). En 2002, le programme a été élargi pour inclure les TET peu qualifiés.

En juin 2014, d’importantes réformes ont été apportées pour remanier programme, par crainte que les employeurs n’utilisent pas le programme comme prévu – c’est-à-dire en dernier recours, lorsque aucun Canadien ou résident permanent qualifié n’était disponible. Depuis les réformes de 2014, les employeurs peuvent embaucher des TET seulement dans ces quatre volets :

  • volet des postes à hauts salaires
  • volet des postes à bas salaires
  • volet pour le secteur agricole primaire
  • volet pour soutenir la résidence permanente

Aujourd’hui, les TET contribuent à maintenir la compétitivité du Canada en comblant les pénuries de main-d’œuvre et de compétences à court terme. Le nombre de TET au Canada a augmenté rapidement et de manière substantielle au cours des dernières années. L’année dernière, environ 692 760 permis de travail ont été délivrés2 entre le 1er janvier et le 31 août 2023, contre environ 274 690 sur la même période en 2022.3

Alors que le programme prenait de l’ampleur, près de 8 000 publications originales ont été publiées sur X au sujet des TET au cours de la dernière année. Beaucoup ont exprimé leurs préoccupations quant à la manière dont ces travailleurs sont traités, tandis que d’autres ont insisté sur les effets négatifs potentiels sur le marché du travail et l’économie du Canada.

Notre analyse des sentiments a fait état d’un sentiment extrêmement négatif à l’égard du sujet dans son ensemble, témoignant d’un mécontentement et de préoccupations largement répandus parmi la population canadienne.

Les TET sont par nature plus vulnérables que les citoyens et les résidents permanents tant des pays d’origine que d’accueil (Ruth, 2002).

Au Canada, bien que les droits de tous les travailleurs (y compris les TET) soient protégés par la loi, de nombreux rapports ont révélé des cas importants de mauvais traitement au sein du système4 (voir Al Jazeera, 2023 ; Kestler-D’Amours, 2022). Un article paru dans le National Post en 2023 (en anglais seulement) cite un expert indépendant sur les droits de la personne aux Nations Unies qui décrit le PTET canadien comme « un terrain fertile pour les formes contemporaines d’esclavage ».

Malgré les protections légales dont ils disposent, les TET sont particulièrement vulnérables en raison de leur dépendance à l’égard des permis de travail qui les lient à un seul employeur. Cette dépendance, associée à la peur de l’expulsion, les empêche souvent de dénoncer les mauvais traitements ou d’avoir recours à la justice.

Les TET sont souvent confrontés à des conditions de travail qui relèvent de l’exploitation, telles que de longues heures de travail, des salaires très bas et des environnements dangereux. Les pratiques nocives des employeurs – rétention des passeports ou de salaires, accès difficile aux soins de santé et logements inadéquats – sont monnaie courante. Ces problèmes sont bien connus : plusieurs rapports ont fait état de mauvais traitements physiques, financiers, psychologiques et sexuels sur le lieu de travail dans tout le pays (MacLauchlan et coll., 2024).

Beaucoup de TET souhaitent par ailleurs rester au Canada, mais se heurtent à des obstacles considérables. Ceux qui travaillent dans les secteurs agricoles et à bas salaires ont peu de possibilités d’accéder à la résidence permanente, et lorsqu’une voie d’accès à la résidence permanente existe, elle est compliquée, longue et non garantie, contrairement aux voies d’accès pour les personnes qui arrivent en tant que résidents permanents.

Alors que le nombre de TET autorisés à venir au Canada a augmenté cette année, les utilisateurs de X ont exprimé leurs inquiétudes quant à la position vulnérable dans laquelle le programme peut les placer.

Par exemple:

Les TET sont extrêmement vulnérables (ils dépendent de leur employeur). À l’exception de la politique relative aux réfugiés, la politique d’immigration canadienne est essentiellement fondée sur les coûts et bénéfices pour le Canada et ne fait pas assez pour protéger les gens.

Les TET subissent de graves sévices. Ils se retrouvent avec des recruteurs malhonnêtes, des protections insuffisantes et dans un rapport de force inéquitable.

C’est troublant de voir que le Canada dépend des travailleurs étrangers temporaires sachant qu’ils sont soumis à des conditions inhumaines et ne bénéficient pratiquement d’aucune protection. Ces travailleurs, qui font un travail essentiel, subissent des traitements inéquitables et composent avec des recruteurs fourbes. Nous devons mieux les soutenir et mettre en place des politiques plus justes.

Qui profite réellement de l’immigration temporaire ? Les employeurs, souvent les multinationales qui exploitent le plus les gens, pourvoient des postes difficiles et mal rémunérés que les gens du pays évitent, souvent dans de mauvaises conditions et avec peu d’avantages. Et les travailleurs temporaires, eux, font le travail difficile et sont soumis à des horaires aléatoires. Il est temps de repenser ce système.

Si le rapport d’évaluation du Programme des travailleurs étrangers temporaires (2021), réalisé par Emploi et Développement social Canada (EDSC), n’a pas démontré l’existence d’un risque global de pression à la baisse des salaires ou de suppression d’emplois à l’échelle nationale, il est toutefois établi qu’un ensemble de facteurs ont une incidence sur les conditions de travail dans les marchés de l’emploi localisés.5

Le risque de pression à la baisse sur les salaires ou de suppression d’emplois dans des secteurs, des professions et des régions données est avéré. Une étude récente du Canadian Labour Economics Forum (en anglais seulement) a également observé une corrélation négative entre l’emploi de TET peu qualifiés et les revenus annuels des Canadiens employés dans les mêmes entreprises.

L’idée que les TET, en raison des possibilités d’emploi limitées dans leur pays d’origine, pourraient être disposés à accepter des emplois au Canada à des salaires inférieurs à ceux d’un Canadien est une préoccupation importante pour les utilisateurs de X. Certains craignent que cette situation ne nuise aux Canadiens sur le marché du travail si les entreprises exploitent cette situation en préférant les TET aux travailleurs d’ici dans leurs décisions d’embauche.

Des utilisateurs de X ont manifesté leur inquiétude quant à l’impact des TET sur l’économie, le marché du logement et l’accessibilité financière du Canada.

Par exemple :

La hausse des autorisations de séjour de travailleurs étrangers temporaires témoigne de la dépendance croissante du Canada à l’égard de la main-d’œuvre internationale. Investir temps et argent dans la rétention et la valorisation des travailleurs d’ici pourrait être plus profitable.

Je suis préoccupé par l’augmentation du nombre de travailleurs étrangers temporaires qui entrent en concurrence avec les travailleurs canadiens vulnérables, y compris les immigrants récents et les réfugiés, pour l’obtention d’un emploi. Nous avons besoin de meilleures stratégies pour soutenir notre main-d’œuvre locale.

Le problème avec le PTET c’est que les travailleurs étrangers des pays en développement acceptent des salaires en raison de la rareté des occasions d’emploi. Leur permis de travail les lie à un seul employeur, ce qui les rend moins enclins à dénoncer les mauvaises conditions de travail. Cela peut entraîner la perte d’emplois ou la diminution des salaires pour les travailleurs canadiens.

Les utilisateurs de X ont également dit craindre que l’afflux de résidents temporaires ne pèse davantage sur le marché canadien du logement.

Par exemple :

Autoriser le nombre des TET à atteindre le chiffre ahurissant de 777 000 a contribué à la crise grandissante du logement au Canada – c’est tout simplement la loi de l’offre et de la demande.

L’immigration, y compris temporaire, peut avoir des conséquences sur le marché du logement au Canada en stimulant la demande dans certaines régions, risquant d’entraîner une hausse des prix de l’immobilier et des loyers. Les logements sont moins abordables pour les nouveaux arrivants comme pour les résidents actuels.

Ce que les Canadiens disent des initiatives de diversité, d’équité et d’inclusion

Les Canadiens sont préoccupés par les programmes de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) des entreprises. 

Comme nous l’avons vu dans notre récent article, une série d’événements importants ont eu lieu entre mars 2020 et août 2022 : le meurtre de George Floyd et les manifestations mondiales qui ont suivi contre la violence systémique, le racisme et l’impunité policière (Baum, 2021), la redynamisation du mouvement Black Lives Matter, la pandémie mondiale de COVID-19 et les troubles sociopolitiques aux États-Unis, en Ukraine et ailleurs. C’est dans ce contexte qu’une importante vague d’engagements en faveur des principes de DEI a déferlé. 

Au cours de cette même période, des entreprises et des universités ont publié des déclarations publiques exprimant leur engagement à faire progresser la justice raciale et à mettre en œuvre des initiatives explicites de DEI. 

Bien que les données pour le Canada ne soient pas disponibles, aux États-Unis, les offres d’emploi associées à la diversité, à l’inclusion et à l’appartenance ont augmenté de 56,3 % depuis 2021, passant de 140 emplois par million à 210 emplois par million. En 2021, le taux d’embauche de nouveaux directeurs de la diversité a presque triplé (en anglais seulement) par rapport aux 16 mois précédents. Aujourd’hui, 53 % des entreprises du classement Fortune 500 disposent d’un directeur de la diversité ou d’une fonction équivalente. 

Or on assiste aujourd’hui à une levée de boucliers contre les initiatives DEI, alors même que les recherches démontrent que celles-ci créent des lieux de travail plus équitables, soutiennent les carrières des groupes traditionnellement sous-représentés, améliorent le moral, la productivité et l’engagement des travailleurs, et renforcent la compétitivité et la rentabilité (Dover et coll., 2020). 

Depuis la fête du Travail 2023, il y a eu près de 17 500 publications sur X que l’on peut qualifier de réactions contre la diversité, l’équité et l’inclusion. Cette opposition croissante émane de deux camps distincts :  

  • Un camp anti-équité, anti-diversité et anti-inclusion affirme, sur la base de considérations morales, que les programmes de DEI sont eux-mêmes discriminatoires. 
  • Un camp soutient que les politiques de DEI des entreprises n’ont tout simplement pas l’effet escompté. 

Le premier groupe s’oppose stratégiquement aux efforts DEI. Ce mouvement, né aux États-Unis, s’inscrit dans la continuité de la « guerre anti-woke » (Prasad & Śliwa, 2024). Il a pour objectif clair de renverser les progrès (limités) réalisés grâce aux initiatives DEI ces dernières années. 

Notre analyse des sentiments, réalisée à l’aide du traitement du langage naturel, a révélé un sentiment fortement négatif associé à ces discussions, où les utilisateurs se montrent sceptiques et méfiants. 

L’autre camp affirme que bien des efforts de DEI sont essentiellement performatifs et n’ont donné que peu de résultats concrets. L’argument est qu’en dépit de l’adoption croissante des principes et pratiques de DEI au cours des dernières années, les améliorations concrètes dans les résultats de carrière au sein des communautés concernées par l’équité ont été limitées. 

Comme nous l’avons mentionné dans certains de nos articles récents, de nombreux groupes méritant l’équité au Canada n’ont connu aucun résultat tangible. Par exemple :  

Notre analyse des sentiments a révélé un fort sentiment négatif associé à ces discussions : les utilisateurs ont exprimé frustration et désillusion. 

En cohérence avec les travaux récents du CIMT, les échanges sur X sarticulent autour de ces critiques les plus courantes, incluant des dénonciations de symbolisme et de représentation de façade et du manque de transparence et dactions significatives. 

Par exemple :

Nous avons vu de nombreuses réactions impulsives dans la foulée des initiatives de DEI – embaucher quelqu’un, publier quelque chose – mais cela relevait davantage de la volonté de paraître impliqué que de celle de changer les choses.

Les initiatives de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) ne fonctionnent tout simplement pas toutes seules. Il y a un véritable travail à faire pour rendre les milieux de travail canadiens diversifiés, équitables et inclusifs, et jusqu’à présent, cela n’a pas été fait.

Depuis quatre ans, je travaille pour la DEI. Je suis sceptique quant à l’impact concret de notre action. C’est frustrant de voir tous ces efforts ne donner aucun résultat significatif.

Ce que les Canadiens disent des politiques de retour au bureau

Dans le paysage en constante évolution du marché du travail canadien, le travail à distance et les politiques de retour au bureau restent un sujet chaud parmi les utilisateurs de X au Canada. 

Comme nous l’avons vu l’automne dernier, des études exhaustives se sont penchées sur les avantages et les inconvénients du travail à distance pour les employeurs et les employés. 

Pour les employeurs, le passage au travail à distance présente des avantages notables, tels que l’accès à un bassin de talents mondial non limité par des contraintes géographiques. Cette portée étendue permet aux entreprises de recourir à une variété de compétences et d’expertise partout dans le monde. En réduisant le besoin de bureaux physiques et de services associés, le travail à distance a également permis de réaliser d’importantes économies et de rationaliser les dépenses d’exploitation.  

Malgré ces avantages, les critiques affirment que l’absence de bureau physique peut entraver la collaboration, freiner la créativité et réduire la productivité globale. 

L’examen de la recherche montre que le travail à distance procure une autonomie considérable aux salariés, qui peuvent ainsi adapter leur rythme de travail et leur mode de vie selon leurs préférences, leurs obligations familiales et leurs capacités. Cette flexibilité peut réduire les niveaux de stress par rapport aux environnements de bureau traditionnels. Il peut également améliorer la satisfaction au travail et favoriser la collaboration grâce à un meilleur partage des données et à une meilleure communication.  

En outre, le modèle de travail à distance offre de nouvelles possibilités d’inclusion, en permettant à des personnes qui étaient auparavant exclues de la main-d’œuvre de participer davantage. Cette inclusivité accrue favorise la diversité et permet aux employeurs d’enrichir leur main-d’œuvre de perspectives et de compétences variées. 

Au Canada, des recherches récentes menées par le Centre des Compétences futures (CCF) confirment ces conclusions, en démontrant que les travailleurs à distance connaissent des niveaux de satisfaction au travail et de qualité globale de l’emploi nettement supérieurs à ceux de leurs homologues travaillant au bureau. Les taux de satisfaction des travailleurs à distance dépassent souvent ceux des employés sur place de plus de 10 points de pourcentage sur 14 critères différents. De plus, 70 à 83 % des travailleurs à distance se déclarent très satisfaits d’aspects tels que le respect des collègues, l’indépendance professionnelle, les méthodes de travail, la sécurité de l’emploi, l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée et un engagement significatif.  

Les travailleurs à distance font par ailleurs systématiquement état d’un meilleur bien-être, notamment d’un plus grand espoir, d’une meilleure santé mentale autoévaluée et d’une plus grande satisfaction à l’égard de la vie. Cela met en évidence l’impact positif substantiel du travail à distance sur le bien-être personnel et l’épanouissement professionnel. 

Si la recherche apparaît favorable au travail à distance en raison de ses nombreux avantages tant pour les employeurs que les employés, notre analyse de contenu sur X a révélé des sentiments mitigés concernant les mandats de retour au bureau et les modèles de travail hybrides. La majorité des publications X canadiennes sur le sujet - souvent en réaction à des articles de presse ou à des discussions sur le retour au bureau - ont exprimé une profonde frustration, de la colère et de l'insatisfaction à l'égard de l'idée d'obliger les travailleurs à retourner dans les bureaux. 

Cette réponse généralisée témoigne d’une forte résistance à l’abandon forcé du travail à distance.

Par exemple :

Pourquoi tout le monde sacharne à nous faire retourner au bureau? Cest tellement frustrant!

C’est une question d’ego de cadre, de hiérarchie sociale et de privilège. Les PDG ont un besoin malsain de sentir leur pouvoir quand ils rentrent dans une pièce et de se sentir importants, ça ne leur suffit pas de superviser à partir de Zoom.

Labsurdité du retour forcé au bureau: sacrifier le bien-être des gens pour satisfaire les entreprises et les propriétaires. Complètement révoltant 🤮

Rien ne prouve que le retour au bureau stimule la productivité ni quoi que ce soit. Il semble que les employeurs veuillent simplement voir leurs employés en personne par envie de contrôle et parce qu’ils s’accrochent aux anciennes méthodes.

Ce que nous avons appris et ce que nous entendons faire

En exploitant les données de la plateforme X (anciennement Twitter), où sont actifs près de 14 millions de Canadiens, le CIMT a pu réexaminer les enjeux pressants du travail dont parlent les gens et mener une analyse approfondie du contenu et des sentiments et ainsi en savoir plus sur ce qui occupe le plus les esprits. 

Notre analyse a mis en lumière plusieurs sujets essentiels relatifs au marché du travail qui ont retenu l’attention du plus grand nombre : le recours aux TET, la réaction aux initiatives DEI et le débat sur le travail à distance et les politiques de retour au bureau.

Notre analyse de contenu révèle des préoccupations fortes et répandues parmi les Canadiens au sujet du programme TET :

Notre analyse de près de 8 000 publications X provenant d’utilisateurs canadiens révèle un sentiment négatif fort et constant à l’égard du programme.

      Les Canadiens se montrent de plus en plus inquiets et critiques à l’égard de l’augmentation du nombre de TET et du traitement qui leur est réservé. Ils sont préoccupés par les conditions de travail relevant de l’exploitation, les pratiques malhonnêtes, la mobilité et la protection juridique limitées offertes.

            L’impact économique du PTET suscite également de vives inquiétudes, notamment en ce qui concerne le risque de voir les salaires diminuer dans certains secteurs et certaines régions et de priver d’emploi des citoyens canadiens et des résidents permanents.

                  Sur la base de notre analyse des réactions négatives à l’égard des initiatives DEI, nous avons constaté que :

                  Les Canadiens sont de plus en plus sceptiques et frustrés par l’efficacité et l’authenticité des initiatives DEI des entreprises.

                      Une réaction hostile contre les initiatives DEI émane de deux perspectives : un groupe affirme que les initiatives DEI sont discriminatoires ou injustes ; l’autre remet en question leurs résultats pratiques, suggérant que de nombreux efforts sont performatifs et n’ont pas conduit à des améliorations notables pour les groupes méritant l’équité.

                            Notre analyse des sentiments révèle de fortes réactions négatives, les utilisateurs des deux groupes exprimant scepticisme, méfiance et frustration. Les discussions se concentrent souvent sur le caractère symbolique perçu, le manque de transparence et le peu de progrès mesurables malgré l’adoption accrue des principes de DEI.

                                  Enfin, notre analyse des discussions entre utilisateurs de X au Canada concernant le travail à distance et les politiques de retour au bureau nous a permis de constater que :

                                  Le débat sur le travail à distance par rapport au travail au bureau ou aux modèles hybrides est polarisé. Alors que certains utilisateurs sont satisfaits des avantages de la collaboration en personne et de la culture d’entreprise que le retour au bureau ou les modèles hybrides peuvent offrir, un grand nombre d’entre eux expriment leur frustration et leur insatisfaction face au retour forcé dans les bureaux physiques.

                                      De nombreux utilisateurs pensent que les pressions en faveur du retour au bureau sont davantage motivées par l’ego des cadres, la hiérarchie sociale et le contrôle que par la preuve d’une augmentation de la productivité.

                                            Il y a un sentiment fort selon lequel le mouvement de retour au bureau, en faisant fi des avantages personnels et de la satisfaction professionnelle des travailleurs et en se concentrant sur le maintien des structures de pouvoir traditionnelles, sacrifie le bien-être des travailleurs au profit des entreprises et des propriétaires.

                                                  En tant qu’organisation, le CIMT reconnaît que ces résultats mettent en évidence le besoin d’une information plus accessible, pertinente et opportune sur le PTET, les initiatives de DEI et les politiques relatives au travail à distance et au retour au bureau. L’IMT sur ces sujets sera cruciale pour donner à la population canadienne l’information dont elle a besoin pour aborder ces questions complexes. Nous sommes déterminés à améliorer l’accessibilité de l’IMT et nous continuerons à favoriser le dialogue et la collaboration autour des questions qui comptent le plus pour les Canadiens et Canadiennes.

                                                  Notes

                                                  1 Pour plus d’informations concernant notre choix et notre méthode de recherche, consultez notre article de l’année dernière : https://lmic-cimt.ca/fr/salaires-et-inflation-ia-economie-verte/.  

                                                  2 Il convient de souligner que le 21 mars 2024, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a dévoilé des mises à jour du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), dont des changements relatifs à la durée des évaluations de l’impact sur le marché du travail et des ajustements au plafond des travailleurs étrangers temporaires faiblement rémunérés dans des secteurs bien précis. (Voir Emploi et Développement social Canada, « Plan d’action pour les employeurs et la main-d’œuvre du Programme des travailleurs étrangers temporaires : Le gouvernement du Canada ajuste les mesures temporaires, » 21 mars 2024).

                                                  3 Le nombre réel de travailleurs étrangers temporaires est probablement plus élevé que celui indiqué, étant donné que ces données excluent les étudiants étrangers qui sont autorisés à travailler au Canada et dont le nombre a quintuplé depuis 2000. Ni le gouvernement ni Statistique Canada ne contrôlent l'emploi de ces étudiants.

                                                  4 Le 6 août 2024, Emploi et Développement social Canada a publié une annonce réaffirmant que le programme des travailleurs étrangers temporaires (TET) du Canada est conçu comme une mesure extraordinaire à utiliser lorsqu'un Canadien qualifié n'est pas en mesure d'occuper un poste vacant. Les employeurs qui embauchent des travailleurs étrangers temporaires sont tenus de fournir un lieu de travail sain et sûr et de traiter les employés avec dignité et respect. L'annonce souligne que le programme des TET ne peut être utilisé pour éviter d'embaucher des travailleurs qualifiés au Canada, et que le gouvernement fédéral prendra d'autres mesures pour lutter contre les abus et les fraudes au sein du système. L'annonce a mis en évidence les mesures qui ont permis d'améliorer la qualité, la rapidité et la portée des inspections des employeurs, y compris une augmentation de 36 % des amendes émises en 2023-2024. Ces mesures comprennent l'application cohérente de la politique de plafonnement à 20 % pour les travailleurs étrangers temporaires (y compris le « sous-flux de double intention »), l'application d'une surveillance plus stricte dans les zones à haut risque pour les évaluations de l'impact sur le marché du travail (EIMT) et les inspections, l'examen de l'augmentation des frais d'EIMT et l'étude de futurs changements réglementaires concernant l'admissibilité des employeurs, tels que l'exigence d'un nombre minimum d'années d'activité commerciale ou l'examen de l'historique des licenciements d'un employeur. 

                                                  5 Selon l'évaluation du programme des travailleurs étrangers temporaires réalisée par ESDC, environ un tiers des informateurs clés et 66 % à 75 % des participants à l'enquête ont indiqué qu'il pouvait y avoir des préférences en matière d'embauche de travailleurs étrangers. Beine et Coulombe (2017) ont noté que « les employeurs, après avoir embauché des travailleurs étrangers temporaires d'un pays d'origine spécifique, obtiennent des informations utiles sur la productivité et l'engagement de ces travailleurs à l'égard de l'emploi. S'ils sont satisfaits, les employeurs canadiens ont ensuite tendance à embaucher les mêmes travailleurs étrangers temporaires de la même origine. » Certains informateurs clés ont souligné que le programme présente un certain risque de suppression des salaires dans des secteurs, des professions et des régions spécifiques. En outre, certains informateurs clés et participants aux groupes de discussion ont indiqué qu'il pourrait y avoir des déplacements de travailleurs dans certains secteurs (c'est-à-dire le camionnage, la construction, l'industrie alimentaire et les salons de beauté). 

                                                  Suzanne-photo-v2

                                                  Suzanne Spiteri est sociologue et possède plusieurs années d’expérience dans l’analyse qualitative des données ainsi que dans les méthodes d’analyse mixtes. Elle dirige les projets portant sur le resserrement du marché du travail et la situation professionnelle des groupes sous-représentés.

                                                  Références

                                                  Al Jazeera. (2023, September 6). Migrant workers in Canada ‘vulnerable’ to modern-day slavery: UN expert. Al Jazeera. https://www.aljazeera.com/news/2023/9/6/migrant-workers-in-canada-vulnerable-to-modern-day-slavery-un-expert.

                                                  Cardoso, M., Haan, M., Lombardo, F., & Yoshida, Y. (2023). Research on labour market impacts of the Temporary Foreign Worker Program. Canadian Labour Economics Forum (Working Paper No. 57). https://clef.uwaterloo.ca/wp-content/uploads/2023/06/CLEF-057-2023.pdf

                                                  Dover, T. L., Kaiser, C. R., & Major, B. (2020). Mixed signals: The unintended effects of diversity initiatives. Social Issues and Policy Review, 14(1), 152–181.

                                                  Kestler-D’Amours, J. (2022). Jamaican minister rejects workers’ abuse claims on Canadian farms. Al Jazeera. https://www.aljazeera.com/news/2022/8/27/jamaican-minister-rejects-workers-abuse-claims-on-canadian-farms.

                                                  MacLauchlan, E., MacRae, R., Glynn, T., & Wheatley, A. (2024). Permanent jobs, temporary people: Temporary foreign workers’ struggle for permanent residency in Prince Edward Island. TFW Maritimes. https://tfwmaritimes.ca/pdf/Permanent_Jobs-Temporary_People-TFWMARITIMES-PEI-2024.pdf

                                                  Prasad, A., & Śliwa, M. (2024). Critiquing the backlash against wokeness: In defense of DEI scholarship and practice. Academy of Management Perspectives, 38(2), 245–259.

                                                  Ruth, M. (2002). Temporary foreign worker programmes: Policies, adverse consequences, and the need to make them work. University of California San Diego Center for Comparative Immigration Studies (Working Paper No. 56). https://ccis.ucsd.edu/_files/wp56.pdf

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