La pandémie et l’émergence de lacunes d’information sur le marché du travail
Rapport de perspectives de l’IMT n° 37
Novembre 2020
Table des matières
Principales conclusions
- La pandémie de COVID-19 a entraîné des pertes d’emplois sans précédent au Canada et partout dans le monde. Bien qu’une proportion considérable des emplois perdus ait été récupérée, comme pour toutes les crises, il y a souvent des conséquences à long terme sur les personnes les plus touchées.
- Une évaluation de ces conséquences a révélé plusieurs importantes lacunes au niveau de l’information sur le marché du travail (IMT). En comblant ces lacunes, nous pourrions mieux comprendre les effets distributifs et les efforts de relance liés à la pandémie. Il s’agit entre autres des lacunes suivantes :
- Les systèmes pour transmettre des données administratives brutes en information utilisable sont lents et désuets pour les sources de données comme la Prestation canadienne d’urgence (PCU), la Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC) (ou leurs remplacements) et l’assurance-emploi, qui pourraient nous offrir des données robustes en temps réel. Ces données ont également une granularité limitée (p. ex., les caractéristiques sociodémographiques des prestataires).
- La compréhension des exigences professionnelles des emplois a déjà été cernée comme une lacune avant la pandémie, mais les pertes d’emplois sans précédent, réparties inégalement dans les secteurs, a intensifié l’accent sur les normes communes pour cerner et évaluer les compétences. Ces indicateurs aident les chercheurs d’emploi à faire la transition vers d’autres domaines de travail.
- Des renseignements systémiques et opportuns sur les services de garde d’enfants pour les parents qui travaillent sont essentiels pour une relance efficace, inclusive et réussie du marché du travail. Les données sur les services de garde d’enfants et les caractéristiques du marché du travail des parents qui en ont besoin sont limitées pour ce qui est de la disponibilité et de l’accessibilité.
- Les étudiants et les jeunes Canadiens entrent sur le marché du travail à son point le plus faible de l’ère moderne. Des renseignements plus à jour s’imposent pour les aider à se retrouver dans ce nouveau monde du travail et pour aider les décideurs à atténuer les dommages à long terme de la pandémie sur les résultats des jeunes sur le marché du travail.
- Les effets de la pandémie de COVID-19 sur les différents secteurs ont été mis au jour par la répartition inégale des groupes sous-représentés dans toute l’économie. Le suivi des résultats sur le marché du travail en fonction de caractéristiques démographiques comme l’ethnicité et l’identité de genre facilitera le long processus de reprise d’une manière inclusive.
- Pour mieux comprendre ces lacunes d’information et d’autres lacunes d’information sur le marché du travail, Statistique Canada et le Conseil de l’information sur le marché du travail (CIMT) travailleront en étroite collaboration en vue de réaliser une enquête ciblée auprès des intervenants pour valider les lacunes, pour fournir des renseignements sur les besoins d’information supplémentaire et pour demander des avis sur les priorités en matière d’information sur le marché du travail de ces intervenants.
Introduction
Section 1 : Aperçu des conséquences de la COVID-19 sur le marché du travail
Que s’est-il passé depuis mars 2020?
La pandémie de COVID-19 a eu de lourdes conséquences sur le monde du travail. Comme l’ont constaté l’Organisation internationale du Travail (OIT) et bien d’autres organismes et chercheurs internationaux, les conséquences ne se sont pas limitées à la perte d’emplois; la qualité du travail et la structure du travail ont également été profondément touchées. L’OIT a estimé en mai que 94 % des travailleurs du monde vivent dans un pays touché par des fermetures quelconques des lieux de travail. Dans le monde entier, les gouvernements et les organismes internationaux ont réagi à la pandémie en offrant du soutien sans précédent aux travailleurs et aux entreprises2.
Au Canada, après les fermetures d’entreprises généralisées, le marché du travail est tombé dans un creux en avril 2020. Environ 80 % des petites entreprises ont déclaré avoir mis à pied des employés, plus de trois millions d’emplois ayant été perdus de février à avril. En avril, le marché du travail a commencé à se redresser au Canada et dans d’autres économies dans le monde entier3. Plusieurs analyses ont offert des renseignements aux décideurs pancanadiens pour leur permettre de prendre les décisions les plus éclairées possible pour déterminer quels secteurs rouvrir en premier4. Malgré ce rebond rapide, une nouvelle série de restrictions a été instaurée dans de nombreuses régions du pays, ce qui pourrait entraver la reprise à venir.
Plusieurs secteurs ont été particulièrement touchés au début de la crise. Les plus lourdes pertes d’emplois ont été enregistrées dans les secteurs de l’hébergement et de la restauration, de la fabrication, du commerce de gros et de détail et de l’immobilier. Pendant la période de février à avril 2020, le secteur du tourisme — qui recoupe les services d’hébergement et de la restauration, ainsi que les professions du domaine des ventes et des services — a enregistré un recul de l’emploi vertigineux de 42 % en seulement deux mois (CIMT, 2020)5.
Le secteur de la fabrication du Canada a également été durement touché, affichant un repli de l’emploi de 17 % de février à avril (CIMT, 2020). Cette baisse de l’emploi dans le secteur de la fabrication se compare au contexte du début de la crise financière mondiale de 2008. Cependant, le secteur de la fabrication a depuis enregistré une reprise respectable de l’emploi. D’après un rapport de Statistique Canada, la croissance de l’emploi dans le secteur produisant des biens en août était presque entièrement attribuable à la fabrication (+1,8 %). Le Conference Board du Canada a également fait remarquer que l’incertitude de l’éclosion de COVID-19 retardera les décisions d’investissement dans divers secteurs, en particulier le secteur de l’énergie. En effet, les provinces de l’Ouest ont été durement éprouvées par la COVID-19 et par les difficultés structurelles du secteur du pétrole et du gaz (CIMT, 2020)6.
Par ailleurs, certains secteurs ont été réputés « essentiels » et ont poursuivi leurs activités tout au long du confinement. Outre le secteur de la santé, bien des activités dans le domaine des ventes et des services (comme les épiceries, les stations-service et d’autres besoins de consommation fondamentaux) ont continué pendant le confinement, en dépit du risque relativement élevé d’exposition des travailleurs. Néanmoins, le secteur des ventes et des services a fait face à d’importantes pertes d’emplois. En outre, bon nombre de ces travailleurs n’ont pas la sécurité financière nécessaire pour composer avec de longues périodes de chômage ou des heures fortement réduites. En effet, les professions dans le domaine des ventes représentaient une bonne partie des deux millions de personnes au Canada qui sont des employés occasionnels et contractuels. Environ 93 % des employés occasionnels et 85 % des entrepreneurs temporaires travaillent dans le secteur des services.
Au moyen des données de l’Enquête sur la population active (EPA), Lemieux et coll. (2020) démontrent que près de la moitié des pertes d’emplois attribuables à la pandémie sont survenues chez les travailleurs dont les revenus se situent dans le quartile inférieur de la distribution des salaires. Les travailleurs à faible revenu occupent pour la plupart des emplois qui comportent un risque accru d’exposition à la COVID-19. Le CIMT a constaté que les plus faibles salariés travaillant dans les boutiques de vêtements, les établissements d’hébergement des voyageurs, les concessionnaires d’automobiles et les entreprises de divertissement et de loisirs ont enregistré un repli de plus de 50 % de février à avril 2020. Les études révèlent également que les femmes sont surreprésentées dans ces professions à risque élevé, en particulier les femmes travaillant à temps partiel gagnant moins des deux tiers du salaire médian, une mesure fréquente des salaires de pauvreté. Les femmes qui travaillent et qui ont de jeunes enfants — qui étaient les principales responsables des soins aux enfants tout en travaillant à la maison pendant le confinement — ont été particulièrement touchées.
Statistique Canada a également recueilli des données au moyen d’un questionnaire en ligne auprès de plus de 100 000 étudiants du niveau postsecondaire au sujet des répercussions de la pandémie de COVID-19 sur leurs études, leur situation d’emploi et leurs finances. La plupart des participants ont fait état de perturbations scolaires en raison de la pandémie, ainsi que de lourdes conséquences sur leurs plans en matière d’emploi.
Ce ne sont là que quelques points saillants des principales conséquences de la crise sur le marché du travail et les sous-groupes de population. D’autres conséquences directes ou indirectes n’ont pas été mentionnées dans le présent rapport, comme l’effet technologique,7 ou la capacité de travailler à la maison et ses conséquences sur la qualité de vie au travail8. En examinant de plus près les conséquences de la COVID-19 sur le marché du travail, nous avons constaté des lacunes d’IMT dont l’élimination pourrait nous aider à régler les préoccupations en matière de politique soulevées par ces conséquences. La prochaine section résume ces lacunes d’IMT existantes.
Section 2 : Lacunes d’information sur le marché du travail
En faisant le point sur les répercussions de la pandémie, notre examen des recherches et des analyses connexes a révélé des lacunes persistantes en ce qui a trait à l’IMT. La présente section traite de ces lacunes, qui témoignent toutes de l’importance de pouvoir compter sur des données actuelles, fiables et accessibles pour différents groupes démographiques d’utilisateurs de l’IMT. Le tableau 1 présente un résumé des besoins et des lacunes en matière d’IMT.
Tableau 1 : Aperçu des lacunes d’IMT
Accès aux données administratives
Le gouvernement fédéral a lancé une série de programmes pour les particuliers et les entreprises, notamment la PCU et la SSUC, afin de limiter les conséquences généralisées de la crise. La PCU a permis d’offrir un soutien financier (500 $ par semaine) à des millions de Canadiens qui avaient perdu leur emploi ou dont les heures de travail avaient été réduites en raison de la COVID-19. La SSUC est quant à elle offerte aux entreprises admissibles.
Toutefois, on dispose de très peu d’information sur les gens à qui a été versée la PCU ou la SSUC (ou qui ont bénéficié d’autres programmes de soutien). À titre d’exemple, de l’information sur les professions ou industries qui ont bénéficié de la PCU, de même que sur l’expérience professionnelle ou le niveau de scolarité des bénéficiaires aiderait à évaluer l’efficacité du programme (p. ex., incitations au travail) et pourrait nous éclairer sur les façons d’en améliorer l’administration.
Règle générale, les données administratives en temps réel ou presque offrent des perspectives robustes sur la dynamique du marché du travail. En outre, les données administratives actuelles peuvent représenter une source importante de , lesquelles peuvent servir à générer des indicateurs du marché du travail à une échelle plus locale ou granulaire par rapport à ce qu’offrent les instruments d’enquête courants.
Lorsque l’on réagit à une situation d’urgence comme celle qu’a entraînée la pandémie actuelle, la priorité stratégique doit être d’établir rapidement des programmes de soutien efficaces. Le fait de concevoir ces programmes de manière à inclure des données accessibles rapidement et systématiquement vient renforcer ces programmes ainsi que tout effort stratégique (en plus d’offrir une certaine transparence des données). Les conclusions tirées de ce type d’information peuvent aider les chercheurs et les décideurs à mieux évaluer l’efficacité des programmes.
En effet, comme les travailleurs qui ont touché la PCU sont depuis passés à un programme d’assurance-emploi modifié et d’autres nouveaux programmes, l’offre de données administratives accessibles et actuelles demeure essentielle. Il s’agit depuis toujours d’une lacune importante au Canada en matière d’information (CIMT, 2019), mais la crise actuelle et les nouvelles sources de données ont de nouveau mis en évidence son importance.
Indicateurs liés aux compétences
Comme on l’explique à la section 1, les premiers moments de la pandémie ont vu la demande pour certaines professions tendre vers celles qui étaient considérées comme des « services essentiels ». Entre février et mars 2020, par exemple, on a observé une hausse marquée de la demande pour les agents de sécurité, les aides de maintien à domicile et les garnisseurs de tablettes (CIMT, 2020), ce qui s’est forcément traduit par un besoin accru en personnel possédant les compétences uniques nécessaires pour ces emplois. La pandémie a également précipité des changements structurels dans l’économie et, par le fait même, a mené à des changements dans les exigences relatives aux compétences. Auparavant une lointaine hypothèse, l’importance de se préparer au « marché du travail de demain » s’est imposée comme une priorité urgente. D’ailleurs, les entreprises sont déjà en train de revoir leur modèle d’affaires pour faciliter et accélérer l’intégration de modalités de travail plus souples. Il faut également s’attendre à ce que la pandémie vienne accélérer l’automatisation.
Ces changements ont une fois de plus mis en évidence l’importance d’établir des indicateurs de compétences robustes afin d’aider les gens en recherche d’emploi à se tourner vers de nouveaux domaines ou à acquérir de nouvelles compétences pour s’adapter à l’évolution de leur profession. Bien que l’on réalise des progrès pour définir les exigences relatives aux compétences pour les différentes professions au Canada, les efforts en ce sens ne font que commencer, puisqu’il n’existe pour l’heure aucune norme commune relativement à une information fiable liée aux compétences. Il sera donc essentiel de s’entendre sur une définition commune des compétences et d’autres exigences professionnelles, et d’établir un ensemble commun d’indicateurs qui permettront de les mesurer. La dynamique récente en matière d’emploi ainsi que les changements rapides dans les emplois et les exigences professionnelles ne font que rendre ce besoin encore plus urgent.
Information pertinente pour les parents
Les effets sur le plan de l’emploi et de l’équilibre travail-famille ont été plus marqués chez les mères que chez les pères, ce qui s’explique par une distribution inégale des responsabilités en matière de garde d’enfants et les attentes liées à la garde d’enfants selon le sexe. Cette inégalité persiste durant la reprise : il faut plus de temps pour les mères de jeunes enfants pour obtenir autant d’heures de travail qu’elles avaient avant les fermetures comparativement à leurs homologues masculins, aux Canadiennes qui ont des enfants plus vieux ou à celles qui n’ont pas d’enfant (Schirle et Skuterud, 2020). Cette tendance s’observe ailleurs également, et les pertes d’emploi que subissent les mères qui travaillent, surtout les mères célibataires, auront sans doute des conséquences à long terme sur leur potentiel de revenu, même une fois la crise terminée.
Ce qui est ressorti clairement de cette pandémie, c’est qu’il manque au Canada de données accessibles sur la disponibilité des services de garde d’enfants et, de manière plus générale, sur les parents qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas9.
On peut s’attendre à ce que la séparation entre le travail et la vie familiale devienne de plus en plus floue à mesure que le télétravail s’établira comme une pratique courante. Dans cette nouvelle structure du travail, le fait de disposer de données accessibles sur les difficultés que pose le marché du travail pour les parents qui ont besoin de services de garde d’enfants aidera les décideurs à s’assurer que la reprise de l’emploi se fera de manière équitable et inclusive.
Données actuelles et recueillies de manière continue pour les étudiants et les récents diplômés
La pandémie de COVID-19 a de multiples répercussions sur les jeunes de 18 à 24 ans10 et pourrait mener à l’émergence d’une « génération confinement » (en anglais, lockdown generation). Les conséquences à long terme pourraient être graves et se traduire entre autres par des périodes prolongées de sous-emploi. Afin de comprendre ces incidences, Statistique Canada a fait une estimation des pertes de revenu potentielles sur cinq ans pour différents taux de chômage des jeunes. Statistique Canada (2020) a également procédé à une collecte participative de données sur les étudiants postsecondaires durant les premiers mois de la pandémie. Bien que les données recueillies selon le principe participatif permettent d’obtenir de l’information rapidement sur un sujet pertinent et opportun, il est essentiel de recueillir de l’information concernant les étudiants de façon continue11.
Lancée récemment, la Plateforme longitudinale entre l’éducation et le marché du travail (PLEMT) (CIMT/IRPE, 2019), qui relie les données annuelles sur les résultats des étudiants au niveau postsecondaire et en stage aux déclarations de revenus annuelles, constitue une étape importante à cet égard. Toutefois, ces données présentent un décalage considérable et omettent plusieurs variables importantes (p. ex., profession).
Statistique Canada a réagi rapidement pour réaliser une collecte participative de données sur les étudiants postsecondaires, une initiative qui mérite d’être applaudie, puisque cela a permis de combler une lacune importante, soit le manque d’information sur les résultats des récents diplômés sur le marché du travail durant la pandémie. Cependant, comme les effets des ralentissements économiques sur les jeunes en général, et plus particulièrement sur la cohorte actuelle d’étudiants perdureront sans doute et entraîneront potentiellement des conséquences néfastes à long terme, ces efforts devront être soutenus afin que nous puissions suivre l’évolution de la situation. Cela nous permettra d’offrir des pistes sur d’éventuels systèmes de soutien à court et à long terme (p. ex., formation, mentorat) pouvant se révéler nécessaires.
Données granulaires sur les groupes sous-représentés
La section 1 a fait ressortir les incidences de la pandémie selon l’industrie et la distribution inégale des travailleurs sous-représentés dans les différents secteurs d’activité, de même que leur surreprésentation dans les professions moins bien rémunérées. Afin d’évaluer les effets de la pandémie sur divers groupes démographiques, il est essentiel de recueillir et d’analyser de l’IMT plus granulaire pour chacun des groupes séparément. On dispose d’IMT pour certains groupes démographiques (p. ex., selon l’ethnicité, le sexe), mais cette information manque manifestement de granularité (p. ex., professions qu’exercent ces personnes). À ce titre, les politiques ciblées requièrent des catégories d’information plus précises afin que l’on puisse mieux comprendre les conséquences de la crise sur ces groupes.
À titre d’exemple, la collecte par approche participative de données sur les minorités visibles, réalisée par Statistique Canada, a révélé qu’une plus forte proportion de personnes de minorité visible présentait des pertes de revenu importantes ou moyennes par rapport aux répondants blancs. De récentes données issues de l’EPA offrent également une quantité importante d’information sur les immigrants. Elles montrent entre autres que le secteur des ventes et des services, qui a été gravement touché par la crise, emploie un nombre disproportionné d’immigrants. Le CIMT a constaté que ces travailleurs ont perdu des emplois à un rythme presque deux fois plus élevé que celui de leurs homologues nés au Canada, les femmes immigrantes présentant les pires pertes d’emploi et la reprise la plus lente depuis le mois d’avril.
D’autres rapports de Statistique Canada s’appuient sur l’EPA pour déterminer la capacité des Autochtones et des travailleurs à la demande à remplir leurs obligations financières durant la pandémie12. En revanche, les données sont limitées, voire inexistantes en ce qui concerne les personnes handicapées, la communauté LGBTQ+ et les travailleurs temporaires étrangers (TPE), qui font pourtant partie des groupes touchés de manière disproportionnée par la pandémie.
Bien que les questions supplémentaires de l’EPA et les données issues de la collecte participative puissent servir à évaluer l’effet sur certains groupes sous-représentés dans le marché du travail, il est essentiel de recueillir cette information de manière plus systématique, notamment en s’intéressant à des catégories démographiques plus précises. Cela permettrait d’effectuer une analyse plus détaillée et pourrait, par le fait même, aider à concevoir des systèmes de soutien plus inclusifs.
Conclusion
Ce Rapport de perspectives de l’IMT a été préparé par Behnoush Amery, du CIMT, avec l’aide de Zoe Rosenbaum, Anthony Mantione, Brittany Feor, Bolanle Alake-Apata et Kevin Saade. Nous remercions David Ticoll (membre distingué, laboratoire de politiques d’innovation, école Munk de l’Université de Toronto), Ron Samson (Magnet), Ruth Wittenberg (présidente, BC Association of Institutes & Universities), Vincent Dale et Marc Frenette (Statistique Canada), Kelly Hoey (Halton Industry Education Council), Editha Alido et Lori Zaparniuk (ministère du Travail et de l’Immigration de l’Alberta), Asa Motha-Pollock (MaRS Discovery District), Derrick Barrett (gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador) et David Chaundy (Conseil économique des provinces de l’Atlantique) pour leurs commentaires. Pour en savoir plus sur ce rapport ou notre Bibliographie annotée sur l’actualité du travail, veuillez communiquer avec Behnoush Amery, économiste principale (behnoush.amery@lmic-cimt.ca) ou Tony Bonen, directeur de la recherche, des données et de l’analytique (tony.bonen@lmic-cimt.ca).
Remerciements
La pandémie de COVID-19 a entraîné des pertes d’emploi sans précédent au Canada et partout dans le monde. Bien qu’une proportion considérable des emplois perdus ait été récupérée, nous sommes encore bien loin d’une reprise complète. Il est important de noter que malgré le retour d’un grand nombre d’emplois, des effets distributifs importants ont été observés chez ceux qui ont perdu leur emploi et ceux qui en ont trouvé un. En effet, comme pour toutes les crises, il y a souvent des conséquences à long terme sur les personnes les plus touchées. Bien des gens continueront de vivre des moments difficiles jusqu’à ce que s’opère un véritable retour à la normale pour l’ensemble des sous-groupes de population, peu importe à quoi cela ressemblera dans le marché du travail de l’après-COVID-19.
Toutefois, cette crise offre également l’occasion de corriger plusieurs défauts dans l’accès à l’IMT. Les mesures prises pour apporter des solutions permettront de soutenir les efforts stratégiques visant à garantir une reprise soutenue et inclusive et à mieux nous préparer aux prochaines perturbations. Dans le présent rapport, nous avons offert un résumé des lacunes en matière d’IMT relevées dans notre Bibliographie annotée sur l’actualité du travail, en présentant un sommaire de rapports en temps réel au Canada et ailleurs dans le monde. Nous en avons tiré les conclusions suivantes :
- Les données administratives ne sont pas accessibles en temps opportun et présentent une granularité limitée (p. ex., caractéristiques sociodémographiques des bénéficiaires de la PCU ou de programmes nouvellement annoncés qui remplacent la PCU).
- Il n’existe aucune norme commune pour relever ou mesurer l’IMT liée aux compétences (p. ex., compétences exigées pour les emplois).
- On trouve peu d’information et de perspectives sur les services de garde d’enfants ou sur les caractéristiques des parents en ce qui a trait au marché du travail (p. ex., données sur les besoins considérablement accrus en services de garde d’enfants pour les parents qui travaillent de la maison).
- L’information sur les diplômés est périmée, et les données plus actuelles omettent des catégories importantes (p. ex. résultats selon le champ d’études).
- On dispose de peu d’information sociodémographique sur les sous-groupes de population particulièrement vulnérables aux situations de crise (p. ex., travailleurs temporaires étrangers en Alberta par sexe, résultats sur le marché du travail et caractéristiques sociodémographiques de personnes de la communauté LGBTQ+ ou de personnes handicapées).
Le CIMT et Statistique Canada collaboreront au cours des prochains mois pour mener une enquête ciblée auprès des intervenants visant à confirmer ces lacunes, à mettre en lumière d’autres lacunes et à obtenir des avis sur les priorités de ces intervenants relativement à l’IMT. De concert avec Statistique Canada, nous présenterons ensuite nos conclusions et définirons la voie à suivre pour combler les lacunes relevées.
End Notes
- Une liste complète des 44 rapports utilisés dans cette recherche est fournie dans la section des références, même si ces rapports ne sont pas tous explicitement mentionnés dans le présent Rapport de perspectives de l’IMT.
- Par exemple, la Commission européenne a aidé les pays membres de l'UE à empêcher le taux de chômage de monter en flèche grâce à divers nouveaux programmes de financement, comme le Fonds social européen et une nouvelle initiative d’investissement en réponse au coronavirus (CRII). Le Fonds monétaire international (FMI) a également fait un suivi des principales mesures économiques prises par 193 pays pour réduire les conséquences humaines et économiques de la pandémie. De même, dans un « rapport évolutif », la Banque mondiale et l’OIT ont documenté les mesures de protection sociale prévues ou mises en œuvre par les gouvernements dans le monde entier pour atténuer les conséquences de la COVID-19.
- Exportation et développement Canada (EDC) a réalisé un sondage en ligne en mai et constaté que 40 % des répondants (entreprises) avaient complètement rouvert et 43 % avaient partiellement rouvert.
- Par exemple, MaRS Discovery District et Brookfield Institute for Innovation + Entrepreneurship ont schématisé les risques professionnels en fonction de l’exposition à la maladie en milieu de travail et à la proximité des gens. Leurs analyses suivaient l’étude de McKinsey (6 avril 2020) pour les professions aux États-Unis et un exercice similaire au Royaume-Uni. De plus, la Vancouver School of Economics (VSE) et le CIMT ont créé conjointement le tableau de bord sur le risque de transmission de la COVID-19 et l'emploi, qui compare les risques et les avantages de rouvrir divers secteurs au Canada. Au départ, la VSE avait créé un outil d'évaluation des risques et des avantages dans le contexte de la COVID-19 pour l’économie de la Colombie-Britannique (plus de 300 professions dans plus de 100 secteurs d’activité). L’outil offre une figure interactive et un tableau renfermant de l’information plus détaillée sur les risques associés à des secteurs et à des professions en particulier. L’analyse des risques dans l’outil de la VSE est présentée en fonction du détail de la description de l’emploi, du détail des facteurs économiques et des risques associés à des facteurs en dehors du lieu de travail (détail du ménage).
- Mondialement, ces secteurs représentent près de 38 % de la population active. D’une perspective géographique, cela signifie que les régions ayant une plus forte dépendance économique au tourisme et à l’hôtellerie ont également souffert d’un plus gros repli que celles qui dépendent davantage de l’agriculture ou des services professionnels. Suivant son scénario optimiste, un rapport de l'ONU du 1er juillet estimait les pertes mondiales enregistrées dans le secteur du tourisme à 1,17 billion de dollars américains, ce qui représente près de 1,5 % du PIB mondial.
- En plus d’être touchés par les protocoles relatifs à la COVID-19, les prix du pétrole se sont effondrés en mars en raison d’une guerre de prix, et la demande mondiale d’énergie est demeurée modérée depuis, ce qui a limité la capacité du secteur de reprendre les activités régulières.
- Il y a également un recoupement entre les travailleurs qui sont vulnérables dans le contexte du ralentissement actuel et ceux dont l’emploi est susceptible d’être automatisé à l’avenir (McKinsey, 29 avril 2020).
- On estime que la plupart des emplois qui pourraient se faire à la maison sont dans les domaines financiers, administratifs, professionnels et scientifiques (Dingel et Neiman, 2020 et Brynjolfsson et al., 2020). D’autre part, dans certaines professions, comme celles relevant des domaines de l’agriculture, de l’hôtellerie ou du commerce de détail, la possibilité de travailler à distance est peu probable, ou les travailleurs ont un degré élevé de proximité physique en milieu de travail. En général, ces travailleurs ont tendance à avoir un niveau de scolarité inférieur, à être surreprésentés dans les métiers exigeants peu de qualifications, à gagner des revenus plus faibles et à subir des pertes d’emplois plus importantes que ceux dont le travail peut se faire à distance (Mongey, Pilossoph et Weinberg, 2020).
- Une question a été ajoutée à l’Enquête sur la population active (EPA) pendant la pandémie. Les données qui s’y rapportent ne sont disponibles que par l’entremise des Centres de données de recherche (CDR) de Statistique Canada.
- On constate également, dans Institut Angus Reid (25 mars 2020), Lemieux, Milligan, Schirle et Skuterud (juin 2020) et Beland, Brodeur, Mikola et Wright (mai 2020), que les jeunes sont particulièrement touchés par la pandémie.
- Il convient de noter que les données recueillies selon le principe participatif ne sont pas représentatives de l’ensemble des étudiants postsecondaires du Canada.
- Statistique Canada conclut que l’impact de la COVID-19 sur les travailleurs à la demande se fera sans doute sentir de façon inégale, en grande partie selon la nature du travail et le type de travail. Dans l’immédiat, les effets dépendront de certaines caractéristiques comme l’âge, le lieu de résidence et le secteur d’activité. Les jeunes travailleurs à la demande sont plus susceptibles d’être touchés que les plus vieux, qui ont parfois plus d’une source de revenu (p. ex., pension).
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