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Bâtir un cadre fondé sur les décisions pour comprendre les besoins en IMT

Un rapport de perspectives du Conseil d'information sur le marché du travail et du Centre des Compétences futures

Juillet 2021

 

       

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Table des matières

Avant-propos

Le partenariat entre le CCF et le CIMT vise à mettre au point des méthodes originales et novatrices, grâce auxquelles les spécialistes du développement professionnel pourront fournir aux Canadiennes et aux Canadiens des informations à jour et pertinentes sur le marché du travail, afin de les aider à faire des choix de carrière et de formation éclairés. Un aspect central de notre collaboration consiste à créer un répertoire de données de pointe, et nous sommes sensibles à la nécessité de tenir compte à la fois de la qualité des informations et de la meilleure façon de les transmettre pour qu’elles soient utilisées.

Ce dernier rapport conjoint fait ressortir que les renseignements dont la population canadienne a besoin ne se limitent pas à ce que l’on considère habituellement comme des données essentielles. Pour que l’information sur le marché du travail soit pertinente et adaptée aux divers besoins des Canadiennes et des Canadiens, nous devons articuler notre travail autour des décisions auxquelles ils sont confrontés en cette période de changements profonds dans le marché du travail.

Adopter une approche centrée sur l’utilisateur est indispensable au succès de notre travail de production et de diffusion d’IMT. C’est en suivant cette ligne directrice et en tenant compte de la diversité d’utilisateurs que nous pourrons doter les organisations de première ligne des meilleurs outils et données possibles pour accompagner les Canadiennes et les Canadiens dans leur choix de carrière.

 

tony

Tony Bonen
Director de la recherche,
des données et de l'analytique
LMIC-CIMT

tricia

Tricia Williams
Directrice de la recherche, de l'évaluation,
et de la mobilisation des connaissances
Centre des compétences futures

Principales constatations

  • Pour que l’information sur le marché du travail (IMT) soit accessible, pertinente et adaptée aux besoins diversifiés de la population canadienne, elle doit tenir compte de ses utilisateurs et des raisons qui les poussent à l’utiliser.
  • Pour bien cadrer l’IMT, il faut bien comprendre les décisions que doivent prendre les utilisateurs, tout en tenant compte de la situation unique de chacun.
  • En s’appuyant sur les travaux antérieurs dans le domaine, le CIMT élabore un modèle qui réunira, analysera et diffusera une IMT qui :

Concentration

Se concentre sur les points de décision qui accompagnent les étapes de la vie et les transitions professionnelles afin de mieux adapter l’information à divers groupes d’utilisateurs et besoins en IMT;

Intégration

Tient compte de la nature changeante du travail (p. ex., l’automatisation, le vieillissement de la population active) en intégrant les transitions qui perturbent, relancent et font avancer les carrières;

Reconnaître

Reconnaît l’influence du concept traditionnel des rôles (p. ex., parent, étudiant) lorsque les personnes doivent prendre des décisions, mais l’élargit à une base d’utilisateurs de l’IMT plus inclusive (p. ex., immigrant récent, personne handicapée).

  • Cette approche est utile pour réfléchir à la manière d’encadrer un nouveau partenariat entre le CIMT et le Centre des compétences futures qui vise à doter les organisations de première ligne des outils et des connaissances nécessaires pour aider les Canadiennes et les Canadiens à s’orienter dans leurs choix de carrière. Cette approche aide en outre à cerner les transitions particulièrement pertinentes par rapport à la portée du projet, soit :

Planification du début de carrière

La transition de la planification en début de carrière, caractérisée par la décision d’entrer sur le marché du travail ou d’explorer l’option des études postsecondaires;

Transition professionnelle horizontale

La transition professionnelle horizontale, caractérisée par le passage à une profession voisine ou le début d’un nouveau parcours professionnel, avec les compétences et la scolarité actuelles.

Introduction

Tous les jours, des Canadiennes et des Canadiens – et les organisations qui les appuient – cherchent de l’information sur le marché du travail qui est difficile à trouver ou insuffisamment adaptée à leurs besoins individuels. En raison de la COVID-19, la prise de décisions est devenue encore plus difficile et les conseillers en développement de carrière doivent composer avec les besoins urgents et en augmentation des clients. En décembre 2020, le Centre des compétences futures (CCF) et le Conseil de l’information sur le marché du travail (CIMT) ont annoncé qu’ils formaient un partenariat pour résoudre ces problèmes en mettant à l’essai un dépôt infonuagique de données qui devait faciliter et simplifier l’accès à de l’information pratique et pertinente. Nous amorçons ce projet pilote et nous élaborons un cadre qui soutiendra nos décisions en matière de données et qui nous aidera à recueillir, à transformer et à présenter de l’information pertinente.

En 2018, le CIMT a déterminé que le manque d’information pertinente sur le marché du travail (IMT) à l’échelle individuelle était l’une des nombreuses lacunes persistantes en matière d’information au Canada. Le CIMT a ensuite sondé plus de 20 000 individus et organisations provenant de dix groupes d’utilisateurs (p. ex., personnes handicapées, étudiants actuels, nouveaux immigrants) afin de mieux comprendre les besoins en IMT de chacun. Nous avons appris que les types de données que les personnes recherchent, comme les salaires et les exigences professionnelles, sont remarquablement uniformes dans ces grands groupes d’utilisateurs et catégories démographiques. Une analyse subséquente auprès de membres de chaque groupe a toutefois révélé un large éventail de priorités quant à la façon dont l’information devrait être transformée, organisée et présentée dans un contexte pertinent pour chacun.

Il nous incombe maintenant de définir et de cerner les contextes pertinents pour ces personnes afin de maximiser l’influence potentielle de l’IMT sur leurs résultats. En général, le contexte qui rend l’information sur le marché du travail — ou toute information — pertinente repose sur deux questions clés. Premièrement, qui utilise l’information? L’identité d’un utilisateur de l’IMT dépendra, en partie, de ses données démographiques, mais aussi de ses antécédents, de ses caractéristiques et préférences personnelles qui influencent tous la façon dont il comprend l’IMT et l’utilise. Deuxièmement, à quoi sert-elle? L’utilisation prévue de l’IMT dépendra des décisions que la personne doit prendre et des transitions qu’elle vit.

Pour offrir une IMT contextualisée au plus grand nombre d’auditoires, nous limitons la portée en nous concentrant sur la dernière question, tout en maintenant une certaine souplesse par rapport à la première. Pour ce faire, nous élaborons un cadre qui s’inspire de la théorie du développement de carrière. Plus précisément, nous élargissons le modèle d’une approche du développement de carrière en fonction des étapes de la vie et de la situation personnelle, modèle élaboré par Super en 1980, pour intégrer l’identité d’un utilisateur de l’IMT dans les rôles qu’il joue et les décisions qu’il prend concernant son travail lorsqu’il passe d’une étape à l’autre de sa vie. Notre cadre définit cinq décisions clés relatives au marché du travail que la plupart des personnes prennent lorsqu’elles se trouvent dans le monde du travail et avancent à la fois dans leur travail et leur vie. Dans le présent rapport, nous nous concentrons sur ces principaux points de décision afin d’en déduire des indications sur les types et la structure de l’information sur le marché du travail les plus pertinents pour chaque décision.

À la recherche de la bonne théorie

Amorcé au début du XXe siècle, le développement de carrière a évolué pour devenir un système complet de théories et de stratégies d’intervention qui visent à répondre aux préoccupations liées à la prise de décisions professionnelles, à la planification et à la connaissance efficace de l’apprentissage, du travail et des transitions. Historiquement, de nombreuses théories du développement de carrière ont guidé la pratique et six d’entre elles sont résumées dans le tableau 1. Bien que chaque cadre ait ses forces et ses limites, le modèle Life-Space et Life-Span, élaboré par Super, se démarque parce qu’il renferme les éléments de base nécessaires à la définition et à la détermination des contextes pertinents des utilisateurs de l’IMT.

Tableau 1 : Six théories fondamentales du développement de carrière

Théorie ou approche Fondement Idées principales
Théorie des traits et des facteurs

 

Modèle tripartite d’orientation professionnelle de Frank Parson (1909) Des personnes sont appariées à des carrières lorsqu’il y a une forte adéquation entre les traits qui les distinguent (p. ex., aptitudes, intérêts, compétences personnelles) et les facteurs de la profession.
Typologie professionnelle et théorie de la personnalité Thèmes professionnels de John Holland (1958) (RIASEC) Les gens préfèrent les emplois dans lesquels ils peuvent côtoyer des personnes partageant les mêmes idées, utiliser leurs compétences et leurs capacités et exprimer leurs attitudes et leurs valeurs.
Théorie du développement Théorie Life-Span, Life-Space de Donald Super (1980) Les carrières évoluent tout au long de la vie d’une personne. À mesure qu’elle passe par les différentes étapes de la vie, une personne joue différents rôles, ce qui donne un aperçu de ses valeurs et de ses objectifs de carrière.
Théorie sociale et cognitive de la carrière Théorie sociale et cognitive générale d’Albert Bandura (1986) Les motivations et les comportements d’une personne sont fondés sur l’expérience. Une personne ayant une vision constructive de ses propres capacités réussira mieux à atteindre ses objectifs professionnels.
Théorie constructiviste Peavy (1992) et Savickas (1993 et 1997) Les personnes donnent leur propre sens à leurs expériences et ont des perceptions très différentes. Leurs expériences et principes personnels leur donnent les moyens de bâtir leurs carrières.
Théorie du hasard planifié Théorie de l’apprentissage relative au counseling de carrière de Krumboltz (1996) Des événements fortuits peuvent mener à de bonnes carrières. Les personnes curieuses, persévérantes, souples et optimistes sont plus susceptibles de réussir si le marché du travail est incertain et changeant.

« Super » enrichi

Le modèle de développement de Super repose sur l’idée que la façon dont les gens se perçoivent évolue au fil du temps, selon leurs expériences et les étapes de leur vie. Il met en évidence la prise de décisions professionnelles comme un processus de développement qui dure pendant toute la « durée de vie » d’une personne et dans son « espace de vie ».

La durée de vie est divisée en cinq étapes du « cycle de vie » que les gens traversent consécutivement avec l’âge : la croissance, l’exploration, l’établissement, le maintien et la gestion, et le désengagement (les étapes de la vie sont illustrées dans l’arc externe de la figure 1). Chaque étape comprend plusieurs tâches de développement clés qu’une personne est censée maîtriser avant d’avancer (voir le tableau 2).

Figure 1 : Les étapes de la vie et des rôles selon Super

Adapté de Super (1980)

Tableau 2 : Étapes du cycle de la vie et tâches professionnelles

Étape de la vie Tâches de développement
Croissance S’intéresser à son avenir professionnel; acquérir les attitudes et les comportements appropriés à l’égard du travail
Exploration Réduire les choix professionnels; prendre des décisions provisoires concernant les besoins, les intérêts et les capacités
Établissement Garder et progresser dans son emploi; devenir un citoyen de l’organisation
Maintien Acquérir de nouvelles compétences pour éviter la stagnation et demeurer concurrentiel
Désengagement Se désengager du travail; planifier sa retraite

 

L’espace de vie est constitué des lieux dans lesquels nous travaillons, vivons et nous engageons (appelés théâtres) et des rôles possibles (p. ex., enfant, conjoint, parent). Super décrit quatre théâtres principaux et neuf rôles majeurs dans son modèle, mais il reconnaît que d’autres théâtres et rôles peuvent aussi exister.¹ Il est important de préciser qu’on ne s’attend pas à que les gens participent à tous les théâtres ni qu’ils jouent tous les rôles. De plus, les rôles ne sont pas limités à un seul théâtre (bien que chaque rôle soit associé à un théâtre principal). Par exemple, les rôles d’enfant et de conjoint sont principalement joués à la maison, mais ils peuvent être joués à l’école ou au travail. Les rôles possibles sont également liés à l’étape de la vie d’une personne. Le rôle d’étudiant, par exemple, exerce le plus d’influence aux premières étapes de la vie, tandis que les rôles de travailleur et de parent prennent généralement de l’importance plus tard dans la vie. Ainsi, même si le modèle communique une linéarité et une chronologie dans les théâtres et les rôles, une personne peut jouer plus d’un rôle à la fois dans plus d’un théâtre.

À mesure que les gens progressent à chaque étape de leur vie, qu’ils adoptent de nouveaux rôles et en abandonnent d’autres, leur notion d’eux-mêmes évolue et, avec elle, leur identité professionnelle et leurs objectifs de carrière. Ce processus entraîne divers points de décision qu’une personne vivra au cours de sa vie. Le développement de carrière est donc modélisé comme l’interaction de multiples facteurs qui se produisent tout au long (l’espace de la vie : théâtre et rôle) de la vie d’une personne (l’étape de la vie).

1Théâtres : la maison, la collectivité, l’école et le lieu de travail. Rôles : enfant, étudiant, adepte de loisirs, citoyen, travailleur, conjoint, personne au foyer, parent et personne retraitée.

Super 2.0

En décrivant le développement de carrière d’un point de vue des étapes et des rôles, le modèle de Super fournit les éléments de base qui permettent de cerner et de définir de façon générale le contexte pertinent d’un utilisateur de l’IMT. Les tendances à long terme, comme l’innovation technologique rapide, les changements démographiques et climatiques, ainsi que l’évolution des rôles et des identités des hommes et des femmes, ont toutefois modifié les marchés du travail et les décisions les concernant. Ce modèle n’offre donc plus un portrait complet des travailleurs et des marchés du travail modernes au Canada et il doit être mis à jour pour comprendre les contextes pertinents des utilisateurs de l’IMT.

À cette fin, nous proposons les trois adaptations suivantes du modèle de Super : i) insister davantage sur les transitions entre les étapes de la vie afin de mieux connaître les principales décisions motivées par ces transitions; ii) prévoir dans le cadre des transitions de carrière multidirectionnelles pour tenir compte de la nature changeante du travail; iii) élargir le concept de rôles au-delà des concepts traditionnels (étudiant, parent, travailleur) pour y inclure une plus grande variété d’utilisateurs de l’IMT.

Se concentrer sur les transitions entre les étapes de la vie

Selon la conceptualisation de Super, les points de décision découlent de la transition d’un rôle à un autre. Nous proposons, en nous fondant sur les résultats de nos enquêtes antérieures auprès des groupes d’utilisateurs de l’IMT, que les transitions entre les étapes de la vie sont les principaux moteurs de la prise de décisions professionnelles. Lorsque des personnes passent ou envisagent de passer d’une étape à une autre, elles doivent prendre une série de décisions clés (p. ex., lorsqu’elles passent de l’exploration à l’établissement, elles peuvent chercher des postes supérieurs dans leur organisation actuelle ou ailleurs). Le fait de considérer les transitions entre les étapes de la vie comme la motivation des décisions nous permet de cerner et d’analyser les décisions communes qui sont prises au cours de la vie.² Il est important toutefois de noter que les gens peuvent aussi devoir prendre des décisions sans lien avec une transition, qui ne coïncident pas avec une transition entre deux étapes de la vie, souvent temporaires et provoquées par des chocs dans la vie personnelle ou sur le marché du travail (voir l’encadré 1).

Encadré 1 : Décisions sans lien avec une transition

Le cadre décrit ci-dessus utilise la théorie du développement de carrière de Super pour déterminer les décisions professionnelles que seront appelés à prendre la plupart des Canadiens (au moins à quelques reprises dans leur vie), tout en reconnaissant les différentes identités des utilisateurs et leur incidence sur la demande d’IMT. Les gens doivent cependant prendre des décisions professionnelles importantes indépendamment de toute transition entre les étapes de la vie. Ces décisions n’ont aucun lien avec une transition : elles peuvent survenir à n’importe quel moment de la vie et le changement qu’elles entraînent est souvent temporaire, ou du moins ne change pas nécessairement le cours de la vie. En général, une décision sans lien avec une transition est provoquée par un choc personnel ou économique. Par exemple, une maladie soudaine d’un être cher peut exiger des décisions importantes concernant l’organisation du travail, sans pour autant modifier le cheminement de carrière et de vie à long terme.

2 Cela ne veut pas dire que les changements de rôles ne motivent pas les décisions. Les transitions peuvent être provoquées par un changement de rôle, ainsi que par des changements à l’intérieur d’un même rôle, comme l’avancement professionnel ou un changement dans la situation familiale. Le parcours scolaire et professionnel d’une personne peut également être influencé par des facteurs internes et externes, par exemple l’évolution des préférences et des priorités ou les perturbations du marché du travail, comme la COVID-19.

Intégration de l’aspect multidirectionnel

La croissance rapide de la technologie, l’augmentation de l’espérance de vie, des changements de carrière plus fréquents et les définitions plus diversifiées de la réussite remettent tous en question la linéarité et la dépendance par rapport à l’âge des étapes de la vie et de la progression des rôles proposés par Super (voir l’encadré 2). Par conséquent, dans notre cadre, nous rompons le lien entre l’étape de la vie et l’âge et permettons des mouvements multidirectionnels entre les étapes de la vie.

 

Encadré 2 : « Le meilleur des mondes »

Les changements sur le marché du travail découlant de mégatendances comme la croissance technologique (p. ex., la numérisation, l’automatisation), les changements démographiques (p. ex., le vieillissement de la main-d’œuvre, l’immigration) et l’instabilité climatique (p. ex., les phénomènes météorologiques extrêmes, d’autres risques environnementaux) donnent à penser que l’avenir du travail sera incertain, instable et caractérisé tout autant par la perte que la création d’emplois. Ces perturbations auront des répercussions sur les marchés du travail et influenceront les décisions que les gens devront prendre à l’avenir.

D’abord, ces changements soulignent l’importance de l’apprentissage continu, c’est-à-dire l’acquisition et l’actualisation des capacités, des connaissances et des qualifications tout au long de la vie. Les travailleurs devront se former et se recycler simplement pour rester pertinents, ce qui implique que le rôle de l’« étudiant » prendra de plus en plus d’importance.

En outre, les changements fréquents d’emploi sont de plus en plus courants et le télétravail estompe la frontière entre le travail et le foyer, ce qui modifie les besoins et les perceptions de la réussite. Six millénariaux sur dix sont ouverts à l’idée de quitter leur emploi pour une occasion ailleurs. Ils sont tout aussi loyaux envers les employeurs, s’ils obtiennent ce dont ils ont besoin, notamment des possibilités d’apprentissage, de perfectionnement et d’avancement, un sentiment d’utilité et une gestion de qualité. Ils sont également plus disposés à accepter une évolution de carrière non ascendante.

Les Canadiens vivent et travaillent plus longtemps que jamais. Suzanne L. Cook (2013) propose une nouvelle étape de la vie, appelée « réorientation », qui tient compte des travailleurs qui acceptent de nouvelles possibilités et de nouveaux rôles dans le monde du travail après leur retraite. De même, les rôles et les identités de genre évoluent. Les Canadiennes se retrouvent toujours devant des obstacles au travail — un constat mis en évidence par les récentes pertes d’emploi liées à la COVID-19 — tout comme les minorités sexuelles. White (2014) conclut que les minorités sexuelles prennent des décisions professionnelles qui visent à réduire au minimum l’exposition à l’homophobie et à maximiser l’exposition à des services d’aide professionnels et personnels constructifs.

Bien que notre cadre ait été conçu en tenant compte des facteurs ci-dessus, nous reconnaissons qu’il peut ne pas englober toutes les tendances de la population active, de ses acteurs et de leurs interactions.

 

Élargissement des rôles traditionnels

Les transitions entre les étapes courantes de la vie expliquent les besoins constants en matière de données que nous avons cernés chez les utilisateurs de l’IMT et nous croyons qu’ils sont les principaux moteurs des décisions. Les rôles et l’identité des acteurs constituent toutefois une dimension secondaire importante qui influe de multiples façons sur les transitions, les décisions, ainsi que les préoccupations et les considérations des utilisateurs de l’IMT. Par exemple, l’immigration peut être la cause d’une transition sur le marché du travail (voir l’exemple d’Alex au tableau 3 ci-dessous). Par ailleurs, des personnes appartenant à des groupes d’utilisateurs différents peuvent vivre les mêmes transitions, mais avoir des préoccupations différentes, comme l’accessibilité pour une personne handicapée qui envisage une transition à mi-carrière. Ainsi, plutôt que de définir les rôles de travail et de famille selon le modèle de Super (p. ex., étudiant, travailleur, parent), notre approche permet un large éventail de rôles qui peuvent chevaucher, changer et se recouper. À titre d’exemple de l’ensemble élargi des rôles, les travaux antérieurs sur l’IMT ciblaient neuf groupes d’utilisateurs de l’IMT, par exemple les personnes handicapées, les nouveaux immigrants et les nouveaux diplômés de l’enseignement postsecondaire. De toute évidence, une personne peut s’identifier à chacun de ces rôles, à certains ou encore, à aucun d’entre eux. La combinaison des groupes d’utilisateurs de l’IMT, des rôles de Super et d’autres identités d’acteurs apporte une dimension qualitative additionnelle à notre compréhension des besoins en matière d’IMT qui deviendra intégrante de notre cadre à l’avenir.

Le regroupement des décisions selon un modèle « Super » enrichi

La figure 2 présente notre illustration conceptuelle de regroupement des décisions selon le modèle de Super. L’illustration montre les transitions multidirectionnelles entre les étapes de la vie qui regroupent les décisions les plus courantes des gens sur le marché du travail. Les cinq points de décision correspondent aux transitions non séquentielles entre les cinq étapes du modèle original de Super (voir le tableau 1). Chaque point de transition est associé à des décisions précises en réponse à des questions qu’une personne est susceptible de se poser au cours de cette transition. Par exemple, lorsqu’une personne passe de l’étape de l’établissement à l’étape de maintien, on entre dans la transition du développement de carrière au cours de laquelle une personne est susceptible de prendre des décisions concernant son avancement professionnel, c.-à-d. la transition de carrière verticale. Comme nous utilisons des transitions multidirectionnelles, il est également possible de se déplacer dans le sens inverse : du maintien à l’établissement. Cette transition du développement de carrière sera axée sur des décisions visant la réinsertion dans un domaine semblable ou voisin ou encore, dans un poste nécessitant une expérience analogue, c’est-à-dire une transition de carrière horizontale.

Figure 2 : Illustration des transitions du CIMT

« Legacy career » (carrière traditionnelle) est une marque de commerce déposée de Challenge Factory. Cette expression est utilisée avec son autorisation.

Cette illustration conceptuelle aide à déterminer le type de données et la structure (c.-à-d. la forme, le contexte) de l’IMT dont les personnes qui prennent des décisions liées à des transitions auront probablement le plus besoin. Le tableau 3 donne quelques exemples de la façon dont les décisions indiquées sur l’illustration peuvent aider à préciser le contexte pertinent pour l’IMT recherchée. Par exemple, un travailleur à mi-carrière peut avoir besoin de passer à un nouveau secteur d’activité ou un nouvel arrivant au Canada peut chercher un emploi dans le domaine le plus prometteur qui s’offre à lui. Dans chaque cas, des données semblables sont nécessaires — salaires, postes vacants, compétences requises — mais l’IMT pertinente sera contextualisée de façons différentes selon la décision à prendre. Dans les exemples du tableau 3, Alex et Jacques doivent tous deux prendre la même décision et pour cette raison, ont besoin d’information sur les compétences requises, les postes vacants et les perspectives professionnelles. Leur contexte différent suppose toutefois que Jacques ne voudra pas trouver des emplois aux compétences semblables, alors qu’Alex se concentrera sur les professions pour lesquelles la croissance ou la demande sera la plus forte.

Tableau 3 : Exemples de décisions clés relatives au marché du travail

Transition Décision Décision particulière Besoins probables en IMT
De l’exploration à l’établissement Entrée sur le marché du travail Jill a presque terminé son baccalauréat et elle hésite entre accepter un emploi de premier échelon dans son domaine ou faire une maîtrise. Information sur les revenus des diplômés du baccalauréat par rapport à ceux de la maîtrise dans son domaine.
Du maintien à l’exploration Relance de la carrière L’emploi de Jacques dans la fabrication a été automatisé. Il possède 15 ans d’expérience et il souhaite se perfectionner pour commencer une nouvelle carrière. Les compétences requises dans les secteurs en croissance dans sa région, semblables à celles qu’il possède déjà.
Alex a récemment immigré et son secteur d’activité ne lui est pas accessible au Canada. Il souhaite se recycler rapidement dans un emploi qui compte de nombreux postes vacants pour maximiser ses possibilités d’emploi. Postes vacants et croissance prévue de l’emploi dans différentes professions. Programmes de requalification et options de financement.
Aucune transition Changement de carrière Maha arrive à la fin de son congé de maternité et se rend compte qu’elle n’est pas prête à retourner travailler de 9 à 5. Elle a besoin d’une formule de travail souple. Salaires pour le travail à temps partiel dans sa région.

Les emplois en télétravail dans son domaine. Garde d’enfants.

Il est important de reconnaître une autre dimension de la prise de décisions professionnelles dont il n’est pas fait mention directement dans cette illustration, à savoir la préparation du client. À chaque point de transition, différentes personnes peuvent être plus ou moins prêtes à faire la transition. Par exemple, Jacques (tableau 3) se trouve à un point où il doit relancer sa carrière et explorer de nouvelles options professionnelles. Une autre personne peut déjà savoir quelle carrière elle veut entreprendre et prendre des mesures pour combler les lacunes dans ses compétences. Le cadre des dimensions de l’employabilité est une approche courante des conseillers en développement de carrière (voir l’encadré 3).

 

Encadré 3 : Les transitions et les dimensions de l’employabilité

Les dimensions de l’employabilité³ renvoient à six grandes catégories de besoins, de connaissances et de compétences qui appuient les résultats d’un emploi fructueux :

  • pré-employabilité
  • prise de décisions professionnelles
  • amélioration des compétences
  • recherche d’emploi en entrepreneuriat
  • maintien en emploi
  • avancement professionnel

Ces dimensions vont de la satisfaction des besoins de base à la préparation à l’emploi, en passant par la prise de conscience de soi, l’acquisition et le perfectionnement des capacités liées à la prise de décisions éclairées, la détermination des compétences requises et des services d’aide pour les améliorer, les stratégies d’apprentissage pour trouver du travail, la conservation du travail, une fois ce dernier trouvé et la gestion de l’avancement professionnel.

3 Les six dimensions, selon la description de la FCDC. Droit d’auteur CFDC, La Fondation canadienne pour le développement de carrière 2020 — extrait du Cours sur le processus de développement de carrière [traduction libre]

La voie à suivre

Le contexte est crucial pour fournir une information sur le marché du travail accessible, pertinente et apte à répondre aux besoins d’un ensemble diversifié d’utilisateurs. Pour bien cadrer l’IMT, il faut bien comprendre les décisions que doivent prendre les utilisateurs, tout en tenant compte du rôle que joue la personne. À cette fin, le CIMT s’est inspiré du modèle de Super, c’est-à-dire une approche de développement de carrière liée aux étapes de la vie et à la situation personnelle, et l’a enrichi. Ce modèle offre une approche fondée sur la théorie pour comprendre comment les différents utilisateurs peuvent utiliser l’IMT, dans le contexte d’un ensemble de transitions clés.

Ce travail soulève de nouvelles questions et de nouvelles difficultés. Nous avons appris que les besoins en IMT dépendent des situations individuelles, ce qui peut nous obliger à créer une taxonomie plus approfondie des contextes décisionnels et des besoins pertinents en IMT. Une deuxième difficulté, qui découle de la première, est la prise en compte des situations particulières de certains groupes et de l’influence que peuvent avoir ces situations sur les besoins en IMT. Les emplois et les secteurs qui conviennent à des travailleurs aux prises avec des handicaps particuliers ou qui peuvent les accueillir, de même que le point de vue de la diversité des genres sur les secteurs, les employeurs et les emplois, en sont des exemples.

À mesure que nous avancerons dans le partenariat entre le CIMT et le CCF, il sera important de déterminer et de valider l’ensemble complet des décisions prises par différents utilisateurs à chaque point de transition. Il faudra donc des recherches et des consultations continues avec les intervenants, notamment les professionnels du développement de carrière et des ressources humaines, pour ne nommer que ceux-là. Nous déterminerons également les meilleures façons de présenter l’information afin qu’elle soit accessible, pertinente et adaptée aux besoins des différents utilisateurs. Ces travaux, qui seront guidés par le Comité d’intervenants en orientation professionnelle, se dérouleront au cours des prochains mois.

Remerciements

Ce rapport a été préparé par Liz Betsis et Michael Willcox du CIMT en partenariat avec le Centre des compétences futures. Nous tenons à remercier les partenaires fédéraux, provinciaux et territoriaux du CIMT de leurs commentaires et de leurs suggestions pour ce numéro. L’équipe aimerait souligner, en particulier, la précieuse contribution de David Ticoll (Université de Toronto); de Sareena Hopkins (Fondation canadienne pour le développement de carrière); de Lisa Taylor (Challenge Factory); de Ron Samson (Magnet); de Mustafa Sayedi (BluePrint); de Martha Kornobis (ministère du Travail, de la Formation et du Développement des compétences de l’Ontario); de Derrick Barrett, de Julia Meyers et de Sean Hoyles (ministère de l’Enseignement supérieur, des Compétences et du Travail de Terre-Neuve-et-Labrador); et de Marc Gendron, de Claire Gabillard et de Diane Lemieux (Emploi et Développement social Canada).

Pour de plus amples renseignements sur ce rapport conjoint, veuillez communiquer avec Liz Betsis, économiste, à liz.betsis@lmic-cimt.ca, Michael Willcox, économiste, à michael.willcox@lmic-cimt.ca, Tony Bonen, directeur de la Recherche, des Données et de l’Analyse, à tony.bonen@lmic-cimt.ca, ou Tricia Williams, directrice de la recherche, de l'évaluation, et de la mobilisation des connaissances du CCF tricia.williams@fsc-ccf.ca.

Le rapport "Bâtir un cadre fondé sur les décisions pour comprendre les besoins en IMT" est financé par le gouvernement du Canada dans le cadre du programme Compétences futures.

 

Les opinions et interprétations contenues dans cette publication sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles du gouvernement du Canada.

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